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19/04/2018 | FRANCE | N°16MA02011

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 19 avril 2018, 16MA02011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des rappels de contributions sociales auxquels elle a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que les pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400195 du 11 mars 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 mai 2016 et le 6 mars 2

017, Mme D... représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des rappels de contributions sociales auxquels elle a été assujetti au titre des années 2008, 2009 et 2010 ainsi que les pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400195 du 11 mars 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 20 mai 2016 et le 6 mars 2017, Mme D... représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 mars 2016 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions litigieuses ;

3°) à titre subsidiaire, de lui accorder la réduction du montant des prélèvements sociaux en droits et pénalités mis à sa charge en ce qu'ils ont été liquidés sur une base indûment majorée de 25 % , et la décharge de la majoration de 80 % pour manoeuvre frauduleuse;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de l'appréhension des sommes imposées en son nom en tant que revenus distribués en application de l'article 111-c du code général des impôts ;

- les minorations de recettes sont imputables à titre principal à une employée, condamnée pour des faits de vol et d'escroquerie et à titre subsidiaire aux dix-sept employés de la société ;

- les majorations pour manoeuvres frauduleuses ne sont pas fondées par voie de conséquence ;

- à titre subsidiaire, et en vertu de la décision n° 2016-610 du 10 février 2017 du Conseil constitutionnel, les prélèvements sociaux mis à sa charge et liquidés sur une base indûment majorée de 25 % doivent être réduits.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 novembre 2016 et le 12 avril 2017 le ministre chargé du budget conclut au non-lieu partiel à statuer et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- il est accordé un dégrèvement au titre des prélèvements sociaux des années 2008, 2009 et 2010 pour un montant de 5 054 euros, en application de la décision du Conseil constitutionnel précitée ;

- les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Évelyne Paix, président assesseur, pour présider par intérim la 3ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli,

- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Mme D....

1. Considérant que Mme D... est actionnaire unique de la SELARL Pharmacie Grand Boucle située à Briançon qui a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2008, 2009 et 2010 en matière d'impôt sur les sociétés et sur la période du 1er octobre 2007 au 31 décembre 2010 pour la taxe sur la valeur ajoutée ; que Mme D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 mars 2016 rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010 à la suite de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SELARL Pharmacie Grand Boucle ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, par une décision, en date du 11 avril 2017, postérieure à l'introduction de la requête, le ministre de l'action et des comptes publics pour tenir compte des réserves d'interprétation du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts par le Conseil Constitutionnel dans sa décision 2016-610 QPC du 10 février 2017, a prononcé le dégrèvement des prélèvements sociaux réclamés à Mme D... à concurrence d'une somme totale de 5 054 euros en droits et pénalités (2 592 euros au titre de l'année 2008, 1 546 euros au titre de l'année 2009, et 916 euros au titre de l'année 2010) ; que les conclusions de la requête de Mme D... sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ; que l'article 111 du même code prévoit que : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. les rémunérations et avantages occultes (...) " ;

4.Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale, à la suite de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet de la SELARL Pharmacie Grand Boucle, a notifié à cette dernière des rehaussements de son résultat fiscal correspondant à des minorations de recettes regardées comme des sommes non maintenues dans l'entreprise et constituant des revenus distribués chez les bénéficiaires sur le fondement de l'article 111-c du code général des impôts ; que la SELARL Pharmacie Grand Boucle, invitée à désigner en vertu de l'article 117 du code général des impôts les bénéficiaires des distributions, a désigné à titre principal, Mme A..., employée reconnue coupable de détournement de fonds et d'escroquerie, puis à titre subsidiaire les dix-sept salariés de la société au motif qu'ils avaient tous accès au mot de passe vers les fonctionnalités permissives du logiciel Alliance +, à l'origine des redressements ; que toutefois, l'administration fiscale a estimé que la réponse de la société n'était pas dotée d'un degré de précision et de vraisemblance suffisant, et a notifié l'imposition des revenus distribués au nom de la gérante de la société, Mme D... ;

En ce qui concerne l'existence et le montant des revenus distribués :

4.Considérant que Mme D... ne conteste pas l'existence et le montant des minorations de recettes de la SELARL Pharmacie Grand Boucle à concurrence respectivement de 44 590 euros en 2008, 27 292 euros en 2009 et 16 305 euros en 2010 ; que l'existence et le montant des distributions, doit, par suite être considéré comme établi ;

En ce qui concerne l'appréhension des revenus distribués :

6. Considérant que Mme D... n'a pas accepté les redressements découlant du rattachement des recettes rehaussées de la SELARL Pharmacie Grand Boucle imposés comme revenus distribués ; qu'en cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe à l'administration fiscale d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé ; que toutefois dès lors que le contribuable dispose seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, et peut user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres, il doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, et est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme D... est la gérante et l'unique associée de SELARL Pharmacie Grand Boucle ; que la vérification de comptabilité de cette société a révélé l'utilisation d'un logiciel, appelé Alliance +, permettant de supprimer les ventes " hors tiers payant " et réglées en espèces tout en donnant l'apparence de la sincérité à la comptabilité ; que le service a identifié au cours des opérations un nombre significatif d'interruption de numérotation des factures ; que le fichier " trace " comportant l'ensemble des dates et opérations de vente supprimées a été lui-même supprimé à onze reprises au cours de la période contrôlée ; que l'accès à cette fonction permissive nécessitait l'utilisation d'un mot de passe qui ne pouvait être remis par le prestataire informatique qu'au responsable de la pharmacie, en l'occurrence sa gérante ; que si Mme D... indique que les soixante-douze factures manquantes entre le 20 juin et 11 juillet 2010 ne sauraient lui être imputées alors qu'elle séjournait au Maroc, il est constant que les interruptions couvrent l'ensemble des exercices vérifiés et que les opérations litigieuses peuvent être réalisés postérieurement tout comme la suppression du fichier " a_futil " dit fichier trace ; que si la requérante soutient que Mme A..., qui a été condamnée pour vols commis au détriment de la pharmacie par jugement du 28 octobre 2010 du tribunal correctionnel de Gap, a été désignée par la société comme bénéficiaire des revenus réputés distribués, cette argumentation ne peut qu'être écartée dès lors d'une part que les faits reprochés à la salariée indélicate par utilisation d'une fonction d'annulation régulièrement prévue dans le logiciel, sont sans lien avec les dissimulations de recettes, et d'autre part que l'existence et la proportion de factures manquantes n'ont pas été modifiées pendant les congés ou après le départ définitif de l'officine en juillet 2010 de Mme A... ; que d'ailleurs le tribunal correctionnel n'a pas fait droit à la demande d'indemnisation de son préjudice économique par la SELARL Pharmacie Grand Boucle ; qu'enfin Mme D... n'apporte aucun élément probant à l'appui de son allégation suivant laquelle Mme A... et tous les employés de la pharmacie auraient eu accès au code permettant l'utilisation du logiciel permissif ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que Mme D... qui disposait de la signature bancaire de la société et de l'ensemble des pouvoirs au cours de la période vérifiée a été regardée comme seule maître de l'affaire et que, dès lors qu'elle n'établit pas l'absence d'appréhension des sommes réputées distribuées, que lesdites sommes ont été imposées entre ses mains par l'administration fiscale ;

Sur l'application des pénalités :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) " et qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;

9. Considérant que pour appliquer des pénalités pour manoeuvres frauduleuses sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a relevé que l'utilisation sur l'ensemble de la période vérifiée par la requérante, gérante de la pharmacie, du logiciel permissif " Alliance Plus " évoqué au point 7 permettant la suppression de factures ainsi que les règlements en espèces correspondants constitue un comportement visant à égarer l'administration fiscale dans l'exercice de son pouvoir de contrôle ; que Mme D... a utilisé le logiciel permissif à de multiples reprises au cours de la période vérifiée, pour occulter une partie du chiffre d'affaires de l'officine dont elle est la gérante tout en donnant l'apparence de la sincérité à une comptabilité en réalité inexacte ; que l'accès à cet outil informatique supposait tout à la fois la saisine d'un mot de passe que l'intéressée avait obtenu et un parcours laborieux dans les menus informatiques ; qu'en se bornant à indiquer que l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de sa responsabilité, et qu'elle a collaboré activement lors de la procédure de contrôle, Mme D... ne conteste pas sérieusement les faits qui lui sont reprochés ; que dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme ayant suffisamment établi les manoeuvres frauduleuses justifiant la majoration de 80 % contestée ; que, par suite, les conclusions à fin de décharge des pénalités infligées ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme réclamée au titre des frais exposés par la partie requérante ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... à concurrence d'une somme de 5 054 euros, en droits et pénalités, au titre des contributions sociales dues au titre des années 2008, 2009 et 2010.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Paix, président assesseur, président de la formation de jugement par intérim,

- M. Haili, premier conseiller,

- M. Sauveplane, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 19 avril 2018.

2

N° 16MA02011


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : MDL SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 19/04/2018
Date de l'import : 01/05/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 16MA02011
Numéro NOR : CETATEXT000036834199 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-19;16ma02011 ?
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