La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/04/2018 | FRANCE | N°16MA04774

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 18 avril 2018, 16MA04774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Axed a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 315 659,15 euros en réparation de son préjudice financier et la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral, causés par les illégalités fautives de la commune.

Par un jugement n° 1501365 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 déc

embre 2016 et 14 février 2018, la SCI Axed, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Axed a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille à lui verser la somme de 315 659,15 euros en réparation de son préjudice financier et la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral, causés par les illégalités fautives de la commune.

Par un jugement n° 1501365 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 décembre 2016 et 14 février 2018, la SCI Axed, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 octobre 2016 ;

2°) de condamner la commune de Marseille, à titre principal, à lui verser la somme de 315 659,15 euros et subsidiairement celle de 193 687,58 euros au titre de son préjudice financier et une somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Marseille une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune a commis des fautes en lui refusant le 29 octobre 2012 un permis de construire, puis en retirant le permis de construire délivré le 27 mars 2013 ;

- ces fautes sont en lien direct avec les préjudices qu'elle a subis ;

- le préjudice financier, pour la période du 29 janvier 2013 au 10 avril 2014, date de la signature du contrat de bail définitif, s'élève à la somme de 298 387,06 euros au titre de la perte de loyers, à la somme de 12 628,93 euros au titre de l'impôt foncier et à la somme de 4 643,16 euros au titre des charges de copropriété, soit une somme globale de 315 659,15 euros, ou à titre subsidiaire, une somme de 193 687,58 euros ;

- du fait du comportement de la commune et des obstacles opposés à la société Atac sans lien avec la protection de la règle d'urbanisme, son préjudice moral peut être chiffré à la somme de 50 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2018, la commune de Marseille conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Axed une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Poujade,

- les conclusions de M. Gonneau, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour la SCI Axed et de Me A... pour la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Axed, propriétaire de locaux commerciaux situés 3, rue Marius Jauffret, dans le 8ème arrondissement de Marseille, a conclu, le 26 mars 2012, par acte sous seing privé, une promesse synallagmatique de bail avec la société Atac, comportant deux conditions suspensives, la seconde tenant à l'obtention par la société Atac d'un permis de construire devenu définitif par absence ou purge de tout recours de tiers et par absence de retrait administratif, autorisant les travaux de modification des locaux et la pose en façade extérieure des enseignes de la société. La demande de permis de construire déposée le 27 juin 2012 par la société Atac a fait l'objet d'un arrêté du 29 octobre 2012 portant refus de délivrance dudit permis, lequel a été, sur recours gracieux, retiré par un arrêté du 27 mars 2013 du maire, qui a délivré simultanément l'autorisation sollicitée. Toutefois, par un arrêté du 29 mai 2013, le maire a retiré le permis de construire du 27 mars 2013. Ce retrait a été annulé par un jugement du 27 décembre 2013, devenu définitif, du tribunal administratif de Marseille. Le bail commercial portant sur le local en litige a été signé entre les deux sociétés le 10 avril 2014.

Sur la responsabilité :

2. Il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a complété sa demande en produisant deux études, dont la dernière le 19 octobre 2012, dont il est constant qu'elle n'a pas été prise en compte par la commune, alors même que le délai d'instruction courait encore pour deux mois. Cette étude, qui mentionnait les réserves initialement émises par le service instructeur, relatives à la circulation des poids lourds au regard de l'article UD 3 du règlement du plan local d'urbanisme, a donné lieu à un avis favorable du service instructeur de la communauté urbaine Marseille Provence métropole (MPM). La commune a d'ailleurs finalement délivré le permis de construire sollicité en prenant en compte ladite étude. Par ailleurs, le retrait du permis de construire délivré a été annulé, comme il a été dit au point 1, pour illégalité.

3. Dans ces conditions, les fautes commises, en refusant le 29 octobre 2012, le permis de construire sollicité par la société Atac, puis en retirant illégalement le 29 mai 2012, celui accordé le 27 mars 2013, sont de nature à engager la responsabilité de la commune de Marseille. Ces fautes n'ouvrent cependant droit à indemnité que dans la mesure où la société requérante justifie d'un dommage actuel, direct et certain.

4. Il est constant qu'à la date du refus du 29 octobre 2012, les deux sociétés étaient liées par une promesse de bail, dont l'échéance devait intervenir au 26 mars 2013, soit postérieurement au premier refus. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que cette clause de caducité ne faisait pas obstacle à ce que d'un commun accord, les parties donnent suite aux engagements contenus dans la promesse au-delà du délai prévu, comme elles l'ont fait en signant un avenant à cette promesse de bail le 17 juillet 2013. Par suite, la commune ne peut utilement faire valoir que les parties n'étaient plus liées contractuellement à compter du 26 mars 2013 pour dénier tout lien de causalité entre les fautes commises et les préjudices subis par la société Axed.

Sur le préjudice :

5. La société Axed a droit à indemnisation pour la période courant du 29 janvier 2013, date à laquelle, comme elle le fait valoir, l'autorisation qui aurait dû être délivrée le 29 octobre 2012 aurait été purgée de tout recours, au 27 décembre 2013, date du jugement annulant le retrait du 29 mai 2012.

6. Compte tenu du montant du loyer mensuel de 20 883,33 euros, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par la société Axed en condamnant la commune de Marseille à lui verser une somme de 229 716,63 euros résultant de l'absence de perception de loyers pendant cette période. A cette somme doit s'ajouter le montant de l'impôt foncier dû au titre de 2013 et des charges de copropriété mises contractuellement à la charge de la société Atac, pour un montant respectif de 10 581 euros et 3 947,16 euros, soit au total la somme de 14 528,16 euros. En conséquence, le préjudice financier de la société Axed s'élève à la somme totale de 244 244,79 euros.

7. S'agissant du préjudice moral, la société requérante ne donnant aucune précision sur ce chef de préjudice, il convient d'écarter les conclusions présentées à ce titre.

8. Il résulte de ce qui précède que la SCI Axed est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'indemnisation. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et de condamner la commune de Marseille à verser une somme de 244 244,79 euros à la société Axed.

Sur les frais de procès :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

10. Ces dispositions font obstacle à ce que la société Axed qui, n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse quelque somme que ce soit à la commune de Marseille au titre des frais de procès qu'elle a exposés.

11. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros à verser à la société Axed au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 octobre 2016 est annulé.

Article 2 : La commune de Marseille est condamnée à verser une somme de 244 244,79 euros à la société Axed.

Article 3 : La commune de Marseille versera une somme de 2 000 euros à la société Axed au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Marseille tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Axed et à la commune de Marseille.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2018, où siégeaient :

- M. Poujade, président de chambre,

- Mme B..., première conseillère,

- M. Silvy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2018.

2

N° 16MA04774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA04774
Date de la décision : 18/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. POUJADE
Rapporteur ?: M. Alain POUJADE
Rapporteur public ?: M. GONNEAU
Avocat(s) : SCP DE ANGELIS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-18;16ma04774 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award