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13/04/2018 | FRANCE | N°17MA00386

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 13 avril 2018, 17MA00386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler d'une part, la décision du 17 octobre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son employeur, la société par actions simplifiée Grands Garages Pyrénéens, à rompre conventionnellement son contrat de travail, d'autre part, la décision du 3 avril 2015 du ministre du travail rejetant son recours gracieux contre la décision en date du 17 octobre 2014.

Par un jugement n° 1405172, 1503193 du 29 novembre 2016, le tribuna

l administratif de Montpellier a annulé la décision du 17 octobre 2014 par laque...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler d'une part, la décision du 17 octobre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son employeur, la société par actions simplifiée Grands Garages Pyrénéens, à rompre conventionnellement son contrat de travail, d'autre part, la décision du 3 avril 2015 du ministre du travail rejetant son recours gracieux contre la décision en date du 17 octobre 2014.

Par un jugement n° 1405172, 1503193 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 17 octobre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la rupture conventionnelle du contrat de travail signé entre M. B... et la société par actions simplifiée Grands Garages Pyrénéens ainsi que la décision du 3 avril 2015 du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique de M. B... contre la décision du 17 octobre 2014 de l'inspecteur du travail.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2017, la société par actions simplifiée Grands Garages Pyrénéens, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'existence d'un conflit entre l'employeur et le salarié n'est pas par elle-même de nature à remettre en cause la validité de la rupture conventionnelle ;

- la situation professionnelle dégradée de M B...en raison de son insuffisance professionnelle ne peut être qualifiée de conflictuelle ;

- l'enquête réalisée par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) a écarté toute notion de harcèlement moral imputable à l'employeur ;

- M. B... s'est rétracté de ses accusations de harcèlement moral portées à l'encontre de son supérieur hiérarchique et n'a subi aucune pression de nature à vicier son consentement ;

- les garanties procédurales prévues par les articles L. 1237-12 et L. 1237-15 du code du travail ont été respectées ;

- M. B... a retrouvé du travail quelques jours seulement après l'autorisation de la rupture conventionnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2017, M. B... conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Grands Garages Pyrénéens la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en observation, enregistré le 24 mars 2017, la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut à l'annulation du jugement du 29 novembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier et au rejet des demandes de M. B....

Elle fait valoir que le tribunal a fait une application erronée de l'article L. 1237-11 du code du travail ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Féménia,

- les conclusions de M. Chanon,

- et les observations de Me A..., représentant la société Grands Garages Pyrénéens.

1. Considérant que M. B..., qui a été embauché le 1er octobre 1997, en qualité de conseiller des ventes par la société par actions simplifiée Grands Garages Pyrénéens, a détenu un mandat de délégué du personnel du 7 novembre 2013 au 4 juillet 2014 ; que, le 28 juillet 2014, des pourparlers ont été engagés entre son employeur et lui-même pour établir une convention de rupture conventionnelle du contrat à durée indéterminée dont il était titulaire, conformément aux dispositions des articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du code du travail ; que, le 19 septembre 2014, après consultation du comité d'entreprise pour recueillir son avis sur ce projet, la société Grands Garages Pyrénéens et M. B... ont conclu une convention de rupture conventionnelle assortie d'une indemnité de rupture d'un montant de 15 000 euros ; que, le 7 octobre 2014, l'employeur a, en application des dispositions de l'article L. 1237-15 du code du travail, sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de procéder à cette rupture conventionnelle ; que, par une décision du 17 octobre 2014, l'inspectrice du travail a accordé son autorisation ; que, saisi par M. B... d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social, a, par une décision implicite puis par décision expresse du 3 avril 2015, confirmé la décision de l'inspectrice du travail ; que la société Grands Garages Pyrénéens relève appel du jugement du 29 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de M. B..., les décisions précitées des 17 octobre 2014 et 3 avril 2015 ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1237-11 du code du travail : " L'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. / La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. / Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties. " ; qu'aux termes de l'article L. 1237-15 de ce code : " Les salariés bénéficiant d'une protection mentionnés aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 peuvent bénéficier des dispositions de la présente section. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-14, la rupture conventionnelle est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre Ier du livre IV, à la section 1 du chapitre Ier et au chapitre II du titre II du livre IV de la deuxième partie. Dans ce cas, et par dérogation aux dispositions de l'article L. 1237-13, la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation. " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-1 de ce code : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants : (...) 2° Délégué du personnel" ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en 2001, M. B... a fait l'objet d'un compte rendu d'entretien individuel évaluant son efficacité, sa concrétisation et son anticipation comme insuffisants, son esprit d'équipe étant jugé partiellement satisfaisant et sa maîtrise technique et son implication satisfaisantes, et concluant que ce collaborateur " pourrait être un bon élément avec plus de rigueur et de travail personnel " ; qu'en 2005, il a été destinataire d'une correspondance du directeur de la concession automobile en fonction à cette date informant l'ensemble des collaborateurs de résultats " satisfaction clients plus que décevants ", demandant l'adhésion de tous et envisageant de recevoir les salariés qui n'adhéreraient pas au projet d'entreprise ; qu'en 2009, un autre compte rendu d'entretien individuel a évoqué une performance insuffisante en termes de résultats obtenus ; qu'à compter de la fin de l'année 2012, les résultats professionnels de l'intéressé se sont dégradés ; qu'ainsi, un courrier d'octobre 2012 du directeur général de la concession a fait état des mauvais résultats commerciaux de l'intéressé sur la période d'avril à septembre 2012, en net décalage avec ceux des autres vendeurs de la concession et l'a informé d'éventuelles sanctions si la performance restait à ce niveau ; que les résultats obtenus sur les mois de janvier à mars 2013 lui ont également été reprochés à la suite d'un entretien avec le directeur général et ont fait l'objet d'un avertissement porté au dossier ; que par correspondance du 23 juin 2013, M. C..., nouvellement nommé directeur de la concession, a rejeté le recours gracieux formé par M. B... contre cette dernière sanction, constatant que les résultats demeuraient encore insuffisants sur les mois d'avril et mai 2013 et a modifié le périmètre d'activité de l'intéressé dans le but de lui permettre d'améliorer ses résultats ; que ces circonstances peuvent être regardées comme caractérisant des difficultés sérieuses dans l'exercice des missions de vente confiées à M. B... ; que, pendant ce même temps, celui-ci a connu des difficultés personnelles en raison de sa séparation en 2013 d'avec son épouse, elle-même secrétaire de direction de la concession et dont il a découvert en outre en février 2014, en cours de procédure de divorce, la liaison intime avec son supérieur hiérarchique direct ; que cette situation a été dénoncée par M. B... auprès du directeur de la société ainsi que du président directeur général du groupe, l'intéressé alléguant avoir subi des brimades, des humiliations et des pressions ; que, toutefois, si l'enquête interne confiée au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail à la suite de cette dénonciation a constaté le profond mal être de M. B..., en prise avec de graves problèmes de santé en raison de ses difficultés conjugales, l'existence d'un harcèlement moral a été écartée, l'intimé alors en arrêt maladie, ayant refusé de répondre aux sollicitations des enquêteurs ; que d'ailleurs, le 18 avril 2014, l'intéressé a adressé un courrier au président directeur général du groupe s'excusant d'avoir injustement mis en cause les qualités professionnelles de M. C... et regrettant de ne pas avoir collaboré avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'enfin, par courrier du 1er septembre 2014, M. B... a confirmé à son directeur vouloir mettre fin à son contrat de travail le plus vite possible ; que, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... a été éprouvé par la situation conflictuelle avec son supérieur hiérarchique en raison de sa liaison avec son ex-épouse et dont il a résulté des troubles psychologiques, ces mêmes pièces ne permettent pas d'établir qu'il aurait été victime d'agissements oppressants et violents, au sens de l'article 1112 du code civil, le contraignant, sans être en capacité d'y consentir librement et de façon éclairé, à une rupture conventionnelle de son contrat de travail le liant à la société Grands Garages Pyrénéens ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Grands Garages Pyrénéens est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 17 octobre 2014 de l'inspecteur du travail au motif tiré de ce que le consentement de M. B... aurait été vicié ;

5. Considérant que M. B... n'a pas invoqué devant le premier juge d'autres moyens susceptibles d'être examinés par la Cour au titre de l'effet dévolutif de l'appel ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête, que la société Grands Garages Pyrénéens est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 17 octobre 2014 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la rupture conventionnelle du contrat de travail signé entre M. B... et la société par actions simplifiée Grands Garages Pyrénéens ainsi que la décision du 3 avril 2015 du ministre du travail rejetant le recours hiérarchique de M. B... ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

8. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés en raison de la présente instance et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1405172, 1503193 du 29 novembre 2016 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... et la société Grands Garages Pyrénéens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Grands Garages Pyrénéens, à M. D... B..., et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi du Languedoc-Roussillon.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 avril 2018.

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N° 17MA00386

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00386
Date de la décision : 13/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-01-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Bénéfice de la protection. Délégués du personnel.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : BOISSON ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-04-13;17ma00386 ?
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