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30/03/2018 | FRANCE | N°16MA01429

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 30 mars 2018, 16MA01429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Al Hana a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler la décision en date du 7 juillet 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et le titre exécutoire émis en vue du recouvrement de cette somme de 17 450 euros, à titre subsidiaire, de dimi

nuer le montant de cette contribution.

Par un jugement n° 1405730 du 16 févier 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Al Hana a demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler la décision en date du 7 juillet 2014 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et le titre exécutoire émis en vue du recouvrement de cette somme de 17 450 euros, à titre subsidiaire, de diminuer le montant de cette contribution.

Par un jugement n° 1405730 du 16 févier 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 avril 2016, la SARL Al Hana, représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 16 févier 2016 ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision précitée du 7 juillet 2014 ainsi que le titre exécutoire émis en vue du recouvrement de la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale ;

3°) à titre subsidiaire, de diminuer le montant de la contribution mise à sa charge en la ramenant à 17 450 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rapport de police établi le 5 septembre 2013 n'a pas été joint à la procédure et ne lui a pas été communiqué ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de qualification juridique des faits ;

- la sanction prononcée au titre de la contribution spéciale est infondée dès lors qu'il n'est pas rapporté la preuve de l'existence d'un travail rémunéré ;

- le montant de la contribution spéciale doit être réduit en application de l'article R. 8253-2 du code du travail ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SARL Al Hana d'une somme de 2 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Féménia,

- et les conclusions de M. Chanon.

1. Considérant que les services de la police aux frontières ont, le 5 septembre 2013, procédé à un contrôle dans les locaux d'une boulangerie à l'enseigne " Le Grand Mail " située à Montpellier et dressé un procès-verbal pour dissimulation de salariés, emploi d'un étranger sans titre de travail et aide au séjour à l'encontre de la SARL Al Hana exploitant l'établissement et de son gérant, Mme D... ; que, par une décision du 7 juillet 2014, l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la SARL Al Hana la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ; que la SARL Al Hana relève appel du jugement du 16 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et du titre exécutoire émis pour le recouvrement de la somme de 17 450 euros ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 d'amélioration des relations entre l'administration et le public: " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent titre. " ; que l'article 1er de cette même loi dispose : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des chapitres Ier, III et IV du présent titre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions. " ; qu'en vertu de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider la contribution spéciale due par un employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; que selon l'article L. 8271-17 du même code : " Outre les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler et de l'article L. 8251-2 interdisant le recours aux services d'un employeur d'un étranger non autorisé à travailler. / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions. " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-3 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis, en application des dispositions de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours " ;

3. Considérant, d'une part, que la société requérante, qui n'a pas demandé que lui soit communiqué la copie du procès-verbal des services de police relatif aux infractions constatées le 5 septembre 2013, ne saurait se prévaloir des dispositions précitées de la loi du 17 juillet 1978 ;

4. Considérant d'autre part, que si aucune des dispositions précitées du code du travail ne prévoit expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, en particulier lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution spéciale, qui revêt le caractère d'une sanction administrative ; qu'il appartient seulement à l'administration, le cas échéant, d'occulter ou de disjoindre, préalablement à la communication du procès-verbal, celles de ses mentions qui seraient étrangères à la constatation de l'infraction sanctionnée par la liquidation de la contribution spéciale et susceptibles de donner lieu à des poursuites pénales ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par courrier du 10 janvier 2014, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a adressé à la SARL Al Hana, qui en a accusé réception le 14 janvier suivant, la lettre d'information prévue aux articles R. 8253-3 du code du travail et R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par cette lettre, l'intéressée a été informé de façon suffisamment précise des faits qui lui étaient reprochés et notamment de ce qu'ils reposaient sur un procès-verbal établi lors du contrôle effectué le 5 septembre 2013 par les services de police, de la nature des sanctions administratives qu'elle encourait, de la procédure d'établissement des contributions spéciale et forfaitaire et du délai dont elle disposait pour formuler ses observations ; qu'il n'est pas allégué et il ne ressort pas des pièces du dossier, que la requérante aurait demandé, avant l'intervention de la décision en litige du 7 juillet 2014, la communication de ce procès-verbal ni que sa transmission lui en aurait été refusée ; que, par suite, l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas méconnu le caractère contradictoire de la procédure ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code dans sa version applicable à la date de la décision contestée : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux." ;

7. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment des énonciations des procès-verbaux établis le 5 septembre 2013 par les services de police qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que, lors d'une enquête de flagrance réalisée au sein de la boulangerie " Al Hana " située à Montpellier, a été constatée la présence de M. C... B..., ressortissant marocain, travaillant à disposer des produits cuits sur les présentoirs et démuni d'autorisation de séjour sur le territoire français ; que l'intéressé, tout comme le gérant de fait présent sur les lieux ont reconnu les faits incriminés au cours de leur interrogatoire par les services de police ; que M. B... a par ailleurs déclaré qu'outre une rémunération mensuelle en espèce de 900 euros, il bénéficiait d'un logement au sous-sol de la boulangerie en contrepartie du travail effectué ; que la circonstance selon laquelle le gérant de fait maîtriserait mal la lecture du français n'est pas de nature à établir qu'il n'aurait pas compris le sens des questions posées par les agents de police et ne se serait pas exprimé de façon intelligible sur les conditions dans lesquelles était employé M. B... ; que ce dernier a en outre bénéficié de l'assistance d'un interprète ; que, dans ces conditions, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucun contrat de travail écrit ne le liait à la société, M. B... doit être regardé comme ayant été employé par la SARL " Al Hana " en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail précité ;

8. Considérant d'autre part, que la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail est due du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français ; qu'est dès lors sans incidence sur le bien-fondé de cette contribution la circonstance selon laquelle la société requérante n'aurait pas eu l'intention d'employer un travailleur en situation irrégulière ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du code du travail : " I.- Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) " ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors du contrôle effectué le 5 septembre 2013, les services de police ont relevé, outre l'infraction d'emploi d'étranger sans autorisation de travail, celles de travail dissimulé et d'aide au séjour ; que, par suite, la société " Al Hana ", qui par ailleurs ne s'est pas acquittée du paiement des salaires et indemnités mentionnées à l'article R 8253-2 du code du travail dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code, ne remplit aucune des conditions des conditions énoncées au 1° et au 2° du II ou au III de l'article R. 8253-2 du code de travail pour pouvoir prétendre à la réduction du montant de la contribution spéciale mise à sa charge ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société " Al Hana " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions subsidiaires de la requête tendant à la réduction du montant de la contribution mise à la charge de la SARL Al Hana :

12. Considérant les conclusions subsidiaires de la requête d'appel tendant à la réduction du montant de la contribution spéciale en litige doivent être rejetées dès lors que, comme il a été dit au point 8, la SARL Al Hana n'établit pas remplir l'une des conditions pour se voir appliquer le taux réduit prévu au II ou au III de l'article R. 8253-2 du même code ;

Sur les frais liés au litige :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Al Hana la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions de l'article L. 761-1, de mettre à la charge de la société Al Hana une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Al Hana est rejetée.

Article 2 : La société Al Hana versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Al Hana et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2018, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme Féménia, première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 mars 2018.

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N° 16MA01429

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01429
Date de la décision : 30/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06 Étrangers. Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SELARL GAILLARD ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-03-30;16ma01429 ?
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