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26/03/2018 | FRANCE | N°16MA02484

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 26 mars 2018, 16MA02484


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la partie du règlement intérieur de la maison centrale d'Arles prévoyant la fouille intégrale systématique de chaque détenu à l'issue du parloir, d'annuler la décision non formalisée par laquelle le directeur de la maison centrale d'Arles soumet M. C... à un régime de fouilles à nu systématiques à l'issue de ses parloirs, d'enjoindre au directeur de la maison centrale d'Arles de faire cesser la pratique des fouilles à corps sur M

. C... à l'issue de ses parloirs sous astreinte de 100 euros par jour de retar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la partie du règlement intérieur de la maison centrale d'Arles prévoyant la fouille intégrale systématique de chaque détenu à l'issue du parloir, d'annuler la décision non formalisée par laquelle le directeur de la maison centrale d'Arles soumet M. C... à un régime de fouilles à nu systématiques à l'issue de ses parloirs, d'enjoindre au directeur de la maison centrale d'Arles de faire cesser la pratique des fouilles à corps sur M. C... à l'issue de ses parloirs sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me A....

Par un jugement n° 1406960 du 9 février 2016, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la partie du règlement intérieur prévoyant la fouille intégrale systématique de chaque détenu à l'issue du parloir et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juin 2016, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 février 2016 ;

2°) d'annuler la décision non formalisée par laquelle le directeur de la maison centrale d'Arles soumet M. C... à un régime de fouilles à nu systématiques à l'issue de ses parloirs ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me A....

Il soutient que l'administration a méconnu l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 et l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés individuelles ;

- le code de Procédure pénale ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que M. C... relève appel du jugement du 9 février 2016 en tant que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision non formalisée par laquelle le directeur de la maison centrale d'Arles l'a soumis à un régime de fouilles à nu systématiques à l'issue de ses parloirs ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés individuelles : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants " ; qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits " ; qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009 : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation de moyens de détection électronique sont insuffisantes (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que les mesures de fouilles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elles prévoient et, d'autre part, que les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C... a été condamné notamment à trois reprises à de longues peines de réclusion criminelles pour des vols avec armes, avec violences et ayant entraîné la mort dans un cas ; qu'il a fait l'objet d'une décision le maintenant au répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS), compte tenu de son appartenance à la criminalité organisée, à ses soutiens extérieurs, à son important potentiel de violence et de 1'éloignement de sa fin de peine ; que les décisions de fouille sont motivées par les circonstances de la date de libération de l'intéressé, à savoir le 5 août 2023, pouvant l'amener à tenter de se soustraire à sa sanction pénale, par le profil de l'intéressé, par l'inscription de l'intéressé au répertoire des DPS, et par la présence de logiciels interdits et d'images d'armes et de munitions dans son ordinateur lors de la fouille informatique effectuée à l'arrivée à l'établissement ;

4. Considérant que, eu égard tant à la nature des faits qui ont entraîné sa condamnation qu'à l'ensemble de son comportement en détention au vu desquels il fait l'objet d'un suivi particulier, le maintien, après l'arrivée du requérant à la maison d'arrêt d'Arles, du régime de fouilles intégrales répétées est justifié par les nécessités de l'ordre public et n'est pas disproportionné au regard du nécessaire respect des droits et de la dignité de l'intéressé ;

5. Considérant, toutefois, qu'un portique à ondes millimétriques a été installé à compter du 15 avril 2014 à la maison centrale d'Arles ; que l'administration n'a justifié ni en première instance, ni en appel, que l'utilisation de ce portique serait impossible, ni qu'il ne serait pas de nature et d'une efficacité permettant d'éviter au détenu la fouille intégrale ; qu'à cet égard notamment, la circonstance alléguée selon laquelle ce portique ne serait pas adapté aux personnes obèses alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... serait affecté d'une telle affection n'est pas de nature à justifier la permanence des fouilles intégrales appliquées à M. C... après le 15 avril 2014 ; que ni l'examen des cheveux de M. C..., ni celle de ses pieds ne nécessitent une fouille intégrale, alors même que, comme le fait valoir l'administration, ladite fouille n'autorise pas la recherche à l'intérieur des cavités du corps, y compris en ce qui concerne la bouche laquelle ne peut être faite que par un membre du corps médical ; qu'ainsi, et au total, le maintien après le 15 avril 2014 des fouilles intégrales et systématiques de M. C... est disproportionné au but poursuivi par l'administration ; qu'il y a, dès lors, lieu d'annuler la décision du directeur de la maison centrale d'Arles en tant qu'elle a concerné la période postérieure au 15 avril 2014 ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en tant qu'elle a concerné la période postérieure au 15 avril 2014 ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) " ;

8. Considérant que l'avocat du requérant, Me A..., demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés et non compris dans les dépens qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la perception de cette somme valant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 9 février 2016 du tribunal administratif de Marseille est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. C... dirigée contre la décision non formalisée du directeur de la maison centrale d'Arles le soumettant à un régime de fouilles à nu systématiques à l'issue de ses parloirs pour la période postérieure au 15 avril 2014.

Article 2 : La décision non formalisée par laquelle le directeur de la maison centrale d'Arles soumet M. C... à un régime de fouilles à nu systématiques à l'issue de ses parloirs est annulée en tant qu'elle concerne la période ultérieure au 15 avril 2014.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A..., la perception de cette somme valant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me A... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 mars 2018.

2

N° 16MA02484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02484
Date de la décision : 26/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines.

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CABINET DGK AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-03-26;16ma02484 ?
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