Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Vias a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner MM. A... et D...et la SARL Hernandez à lui verser la somme de 43 732,94 euros toutes taxes comprises en réparation des désordres affectant l'école maternelle des Coquelicots majorée des intérêts moratoires à compter du 13 janvier 2015 et du fruit de leur capitalisation.
Par un jugement n° 1500183 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à cette demande et mis les frais de l'expertise à la charge solidaire de MM. D... et A...et de la SARL Hernandez.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2016, M. D..., représenté par la SCP Levy Balzarini Sagnes Serre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à la commune de Vias la somme de 43 732,94 euros toutes taxes comprises ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 13 janvier 2015 et la capitalisation de ces intérêts à compter du 13 janvier 2016, en réparation du préjudice résultant des désordres affectant l'ouvrage ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Vias ;
3°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Vias en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne répond pas à sa demande de vérification d'écritures ;
- il n'a jamais conclu de marché de maîtrise d'oeuvre avec la commune et n'a pas participé au chantier et sa responsabilité ne peut dès lors être engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 mars 2017, la commune de Vias, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. D... a conclu un marché de maîtrise d'oeuvre avec la commune ;
- il a assuré une mission de conception à ce titre ;
- la responsabilité de M. D... peut dès lors être engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Par une ordonnance du 18 octobre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 3 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. G... Grimaud, rapporteur ;
- les conclusions de M. E... Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me B... pour la commune de Vias.
1. Considérant que par un marché conclu le 31 octobre 1996, la commune de Vias a confié à MM. D... et A...la maîtrise d'oeuvre de l'opération de construction de l'école maternelle des Coquelicots, dont la première tranche comprenait l'édification de six classes et d'une cantine tandis que la seconde tranche comprenait l'adjonction de deux classes ; que les travaux des deux tranches ont été reçus sans réserve respectivement les 18 novembre 1998 et 26 février 2001 ; qu'ayant constaté de nombreuses fissures et infiltrations, la commune de Vias a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de MM. A... et D...et de l'entreprise Sanchez, chargée du gros-oeuvre de l'ouvrage, à réparer les préjudices nés de ces désordres, demande à laquelle le tribunal a fait droit ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 624-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut décider une vérification d'écritures par un ou plusieurs experts, en présence, le cas échéant, d'un de ses membres. / Le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel, selon le cas, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux peuvent désigner, à cet effet, une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Ils peuvent, le cas échéant, désigner toute autre personne de leur choix " ;
3. Considérant que M. D... s'est borné, dans son mémoire enregistré le 22 mars 2016 au greffe du tribunal, à contester en termes peu précis l'authenticité de sa signature sur les factures et décomptes du marché et à demander " si besoin est " l'ouverture d'une procédure en vérification d'écriture " à titre subsidiaire, en l'absence de marché signé et de production des pièces techniques pouvant justifier (...) la réalité des prestations alléguées " ; qu'une telle mesure d'instruction constitue un pouvoir propre du juge, lequel n'est pas lié par la demande des parties ; que les premiers juges ayant relevé qu'un marché avait été conclu par la commune de Vias et MM. D... et A...et s'étant estimés à même de statuer sur l'authenticité des pièces administratives du marché que constituaient les factures et décomptes produits par la commune, ils ont pu valablement statuer sur la demande sans procéder à cette mesure d'instruction ; que M. D... n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier pour avoir implicitement rejeté sa demande tendant à l'application de l'article R. 624-1 du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant de l'existence et de la régularité du contrat de louage d'ouvrage :
4. Considérant qu'il résulte des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil que l'action en garantie décennale n'est ouverte au maître de l'ouvrage, à raison des dommages qui en compromettent la solidité ou le rendent impropre à sa destination, qu'à l'égard des constructeurs avec lesquels le maître de l'ouvrage a valablement été lié par un contrat de louage d'ouvrage ;
5. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'occasion de la consultation menée en vue de l'attribution du marché de maîtrise d'oeuvre de construction de l'école des Coquelicots, MM. A... et D...ont soumis un projet d'acte d'engagement à la commune de Vias ; que si cet acte d'engagement lui-même n'a pas été signé par le maire de Vias, le document unique constitué de cet acte d'engagement, de l'acte répartissant les tâches entre MM. A... et D...et du cahier des clauses administratives particulières, unis par une pagination continue, a été signé par le maire de Vias le 31 octobre 1996 après que celui-ci y a été autorisé par une délibération du conseil municipal du même jour, MM. A... et D...ayant apposé de nouveau leurs signatures sur la dernière page du contrat, en regard de celle du maire ; que si le marché de maîtrise d'oeuvre relatif à la seconde tranche des travaux n'a été signé que de MM. A... et D...et non du maire ou d'une autre personne habilitée à engager la commune, il résulte de l'instruction, et notamment des procès-verbaux de réception, que l'intégralité des travaux constitutifs de l'opération ont été réalisés sous l'égide du groupement de maîtrise d'oeuvre composé de MM. A... etD... ; qu'il s'ensuit que, ceux-ci et la commune ayant consenti à une prestation précisément déterminée assortie d'un prix, les parties doivent être regardées comme ayant été liées par un contrat pour les deux tranches de l'opération ; qu'en l'absence de doute sur l'existence et la portée du consentement de la commune, la circonstance que seul le cahier des clauses administratives particulières du marché relatif à la première tranche a été signé et que seuls les architectes ont signé le marché relatif à la seconde tranche n'est pas de nature à caractériser, à elle seule, un vice d'une particulière gravité devant conduire à écarter le contrat ; qu'il y a donc lieu de régler le litige sur le terrain contractuel ;
S'agissant de l'imputabilité des désordres :
7. Considérant, qu'en l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles ; qu'un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux ;
8. Considérant qu'aux termes du contrat qu'ils ont conclu avec la commune de Vias, MM. D... et A...s'engageaient conjointement et solidairement à exécuter la maîtrise d'oeuvre de l'opération ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal, que les désordres découlent notamment d'erreurs de conception imputables à la maîtrise d'oeuvre ; que M. D..., qui se borne à soutenir qu'il n'a pas participé au chantier et n'allègue ni n'établit que les désordres constatés ne relèveraient pas des missions qui lui étaient confiées par la convention de répartition des tâches à laquelle était partie la commune de Vias, n'est par suite pas fondé à soutenir que sa responsabilité ne serait pas engagée par ces désordres ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné solidairement avec M. A... à réparer les désordres affectant l'ouvrage ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter sa requête ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Vias, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par M. D... sur le fondement de ces dispositions ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Vias ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Vias en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à la commune de Vias, à M. C... A...et à M.I..., mandataire liquidateur de la SARL Hernandez.
Délibéré après l'audience du 26 février 2018, où siégeaient :
- Mme Isabelle Carthé Mazères, président,
- M. G... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 19 mars 2018.
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N° 16MA04936