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13/03/2018 | FRANCE | N°17MA01358

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 13 mars 2018, 17MA01358


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2016 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1605582 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars

2017, Mme C... épouseA..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C...épouse A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2016 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales l'a obligée à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 1605582 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2017, Mme C... épouseA..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 février 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales en date du 10 novembre 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de lui accorder l'aide juridictionnelle provisoire ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait ;

- le préfet, en l'obligeant à quitter le territoire français, a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle aurait dû bénéficier d'un titre de séjour de plein droit ou de l'admission exceptionnelle au séjour pour motif humanitaire ;

- le préfet, en fixant la Géorgie comme pays de destination, a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour a été prise en méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme C... épouse A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par un arrêté en date du 10 novembre 2016, le préfet des Pyrénées-Orientales a obligé Mme C... épouseA..., née en 1986, de nationalité géorgienne, à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans ; que Mme C... épouse A...relève appel du jugement en date du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant que par une décision du 22 mai 2017, Mme C... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont ainsi devenues sans objet ;

Sur la légalité de l'arrêté du 10 novembre 2016 :

3. Considérant, en premier lieu, que si Mme C... épouse A...fait valoir que le préfet des Pyrénées-Orientales a commis une erreur de fait en ne prenant pas en considération l'existence de son troisième enfant, né à Perpignan le 11 mai 2015, l'absence de mention de cet enfant dans l'arrêté est en tout état de cause, au regard des motifs sur lesquels le préfet s'est par ailleurs fondé pour obliger l'intéressée à quitter le territoire français, sans incidence sur la légalité de cette mesure ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle (...) " ;

5. Considérant que si Mme C... épouse A...soutient, d'une part, qu'elle est entrée en France en octobre 2010 avec son époux et leur fille, que leurs deux autres enfants sont nés en France, et que les deux aînés sont scolarisés, son époux est également en situation irrégulière sur le territoire français, et la requérante ne démontre aucune circonstance faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, et notamment en Géorgie, et à ce que se poursuive dans ce pays la scolarité des enfants, dont l'aînée était âgée de seulement six ans à la date de la décision attaquée ; que si, d'autre part, Mme C... épouse A...soutient qu'en raison des persécutions subies dans son pays d'origine, son époux souffre de troubles post-traumatiques qui ont donné lieu à une hospitalisation, elle se borne à produire des certificats médicaux rédigés par des médecins psychiatres indiquant que M. A... souffre d'un " état anxio-dépressif développé dans un contexte réactionnel à une situation familiale décrite comme particulièrement complexe " et mentionnant la nécessité d'un traitement et d'un suivi spécialisé, lesquels ne sont pas de nature à démontrer que le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner pour son époux des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni, en tout état de cause, qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ou qu'il justifierait d'une circonstance humanitaire exceptionnelle ; que, par suite, ne remplissant pas les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° ou du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la requérante n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 que rien ne s'oppose à ce que les trois enfants de Mme C... épouse A...repartent avec leurs parents à l'étranger, et notamment dans leur pays d'origine, où ils pourront poursuivre leur scolarité ; que dès lors, le préfet des Pyrénées-Orientales, dont la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer la requérante de ses enfants, n'a pas porté à l'intérêt supérieur de ces derniers une atteinte méconnaissant les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant qu'à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, Mme C... épouse A...fait valoir qu'elle serait exposée à des risques de mauvais traitements en cas de retour en Géorgie, sa famille ayant été victime de la part d'un policier de racket et de harcèlement, du fait que son époux appartient à la minorité des kurdes yésides ; que toutefois, alors que la Cour nationale du droit d'asile a confirmé le 5 février 2014 puis le 11 novembre 2015 les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 30 juillet 2013 et du 4 mai 2015 rejetant la demande d'asile de Mme C... épouseA..., après avoir relevé que l'intéressée s'était montrée sur certains points hésitante et peu concrète dans ses déclarations, la requérante, en produisant notamment une convocation de son époux devant les services de police de Tbilissi rédigée en 2014, plusieurs années après les faits qui auraient conduit sa famille à quitter la Géorgie, n'assortit pas ses allégations de justifications suffisamment probantes pour établir le caractère actuel et personnel des risques allégués ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

12. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

13. Considérant que Mme C... épouse A...ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle à ce que l'autorité administrative prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de la requérante et alors qu'elle a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement à l'exécution de laquelle elle s'est soustraite, le préfet des Pyrénées-Orientales n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par suite, le surplus des conclusions de sa requête doit être rejeté, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme C... épouse A...à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... épouse A...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...épouseA..., à Me B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 27 février 2018, où siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Boyer, premier conseiller,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2018.

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N° 17MA01358

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01358
Date de la décision : 13/03/2018
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : JARRAYA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-03-13;17ma01358 ?
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