Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon, en raison de ses agissements fautifs, à lui verser la somme de 306 019,08 euros en réparation du préjudice consistant dans sa perte de traitement, la somme de 97 718,10 euros en réparation du préjudice consistant dans sa perte de chance de percevoir une indemnité de licenciement, et la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence.
Par un jugement n° 1406105 du 20 mai 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 15 mars 2017, Mme B...C..., représentée par le cabinet d'avocats Grimaldi Molina Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 mai 2016 ;
2°) de condamner la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon à lui verser la somme de 257 916 euros en réparation du préjudice consistant dans sa perte de traitement, la somme de 97 718,10 euros en réparation du préjudice consistant dans sa perte de chance de percevoir une indemnité de licenciement, et la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence ;
3°) de condamner la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon à lui verser les sommes susvisées, avec les intérêts moratoires et leur capitalisation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 9 mai 2006 de la licencier, annulée par un jugement du tribunal administratif de Montpellier confirmé par la Cour, constitue une faute de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon de nature à engager sa responsabilité ;
- si la décision prononçant son licenciement a été annulée pour défaut de motivation, le licenciement est aussi entaché d'illégalité interne ;
- en application de l'article 43 5°) du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie, le licenciement ne pouvait pas, en effet, être prononcé avant l'expiration d'un délai de huit mois suivant la date des élections à la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon ;
- en outre, c'est en raison de son incapacité à exercer ses fonctions en raison de son état de santé qu'elle a été licenciée ;
- la circonstance qu'elle aurait bénéficié d'une indemnité de licenciement n'est pas de nature à la priver de tout droit à indemnisation de ses pertes de revenus ;
- la chambre de commerce et d'industrie ne lui a versé aucune somme au titre de sa reconstitution de sa carrière;
- son placement en invalidité de 2ème catégorie est sans influence sur son droit à indemnisation ;
- elle justifie effectivement d'une perte de revenus et le tribunal a méconnu son office en ne procédant pas à une mesure d'instruction pour établir le montant de ce préjudice ;
- la responsabilité de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon est engagée tant en raison du délai dans lequel a été prononcée sa réintégration qu'au regard de la résistance abusive pour que les mesures complètes soient adoptées et mises en oeuvre ;
- le non respect de ce délai lui a fait perdre une chance d'être licenciée et de bénéficier des indemnités de licenciement en découlant ;
- la perte de traitements et de primes lui ont occasionné un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2017, la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon, représentée par la SCP d'avocats Grappin Adde-Soubra, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelante de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres des métiers ;
- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant Mme B...C....
1. Considérant que Mme B...C...a été nommée directrice générale de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon le 1er mars 1997 et titularisée dans ces fonctions le 1er juin 1998 ; que, par une décision du 9 mai 2006, le président de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon a prononcé son licenciement avec un préavis de six mois, sur le fondement de l'article 43 5° du statut du personnel des chambres de commerce ; que, par un jugement du 20 janvier 2009, confirmé par un arrêt n° 09MA01274, 09MA04033 du 4 mai 2010 de la cour administrative d'appel de Marseille, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision en raison d'une insuffisance de motivation ; que, par une décision du 18 juillet 2011, le président de la chambre régionale de commerce et d'industrie a réintégré juridiquement Mme B...C... à compter du 10 novembre 2006; que, par décision du 12 janvier 2012, il a procédé au licenciement de l'intéressée avec un préavis de six mois ; que, par une décision du 12 avril 2012, devenue définitive, le président de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon a retiré cette décision de licenciement au motif que l'intéressée bénéficiait d'une pension de retraite depuis avril 2011 ; que la requérante a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon à l'indemniser du préjudice résultant de l'illégalité de son licenciement du 9 mai 2006 et du préjudice résultant du délai, selon elle excessif, dans lequel elle a été réintégrée juridiquement en exécution du jugement du 20 janvier 2009 ; que, par un jugement du 20 mai 2016, dont Mme B... C...relève appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que le tribunal administratif a jugé que la requérante ne justifiait pas de l'existence d'un préjudice financier en lien avec la décision de licenciement, après avoir relevé que celle-ci était entachée d'une illégalité externe, que la requérante avait perçu une indemnité de licenciement importante, et qu'elle n'aurait pas été en mesure de continuer à exercer ses fonctions au sein de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon en raison de son état de santé ; qu'il a ainsi exercé pleinement son office et n'a pas commis d'irrégularité en s'abstenant de faire usage de ses pouvoirs d'instruction pour que soit précisée l'étendue d'un préjudice dont il avait dénié l'existence ;
Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la décision de licenciement du 9 mai 2006 :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision de licenciement du 9 mai 2006 a été annulée en raison de son insuffisance de motivation ; que cette illégalité ne présente pas de lien de causalité direct avec les préjudices dont la requérante demande réparation ;
4. Considérant, toutefois, que l'article 43 de l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie et des groupements interconsulaires dispose : " La cessation de fonctions du Directeur Général intervient dans les cas suivants (....) : 5° Licenciement à la discrétion du Président de la Chambre. Ce licenciement résulte de la dénonciation de la Convention par mesure unilatérale du Président, sans que ce dernier invoque un motif tiré de la capacité ou du comportement du Directeur Général. Il est soumis à un préavis de six mois ; il ouvre droit à l'indemnité de licenciement prévue à l'article 46 ci-dessous et au revenu de remplacement prévu à l'article 35 bis du présent statut. Il ne peut être prononcé avant l'expiration d'un délai de huit mois suivant la date des élections à la Chambre de Commerce et d'industrie territoriale. " ;
5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le directeur général d'une chambre régionale de commerce peut être licencié sur le fondement de l'article 43 5° du statut alors même qu'il existerait un motif de le licencier sur le fondement d'autres dispositions de ce statut ; que le licenciement ne peut, cependant, être prononcé sur le fondement de ces dispositions avant l'expiration d'un délai de huit mois suivant la date des élections à la chambre de commerce et d'industrie territoriale ; qu'il résulte de l'instruction que le président de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon a été élu en décembre 2005 ; que le licenciement de la directrice générale ne pouvait pas, dès lors, être prononcé avant l'expiration d'un délai de huit mois suivant cette élection ; qu'en prononçant le licenciement de Mme B...C..., le 9 mai 2006, le président de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon a méconnu ces dispositions et commis une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement public ;
6. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;
7. Considérant que du fait de l'illégalité fautive commise par le président de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon, Mme B... C...a subi une perte de revenus professionnels de la date d'effet de son licenciement, soit le 9 novembre 2006, à la date de sa réintégration prononcée le 18 juillet 2011; que ce préjudice est en lien direct et certain avec la faute commise par le président de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon en prononçant le licenciement de la directrice générale avant l'expiration d'un délai de huit mois suivant son élection ; que, toutefois, la requérante se borne à demander la réparation de la perte de revenus subie jusqu'au 4 mai 2010, date à laquelle elle soutient qu'elle aurait dû faire l'objet d'une nouvelle décision de licenciement suite à sa réintégration ; qu'elle doit être regardée comme ayant limité ainsi la période pour laquelle elle demande à être indemnisée ; que l'état du dossier ne permet à la Cour d'évaluer ni le montant des sommes nettes que la requérante aurait dû percevoir de la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon entre la date d'effet de son licenciement et le 4 mai 2010, ni le montant des sommes que l'appelante a effectivement perçues sur cette période; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner un supplément d'instruction tendant à la production par les parties de tous éléments permettant à la juridiction de déterminer la différence entre les deux montants précités, et par voie de conséquence, de l'étendue de la perte de revenus professionnels subie par Mme B...C... ;
8. Considérant qu'à cette fin, la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon est invitée à produire à la Cour, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, un tableau comprenant, sur toute la période allant du 9 mai 2006 au 4 mai 2010, mois par mois, le montant qui a été versé à Mme B... C...et la simulation de la rémunération nette qu'elle aurait dû verser à l'intéressée, comprenant le traitement et les primes et indemnités dont celle-ci avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; que, sous le même délai, Mme B... C...est invitée à produire à la Cour, notamment, le récapitulatif de toutes les sommes perçues visées au point précédent, appuyé des justificatifs ainsi que son avis d'imposition au titre des revenus de l'année 2010, qu'elle n'a pas versé au dossier ;
Sur les conclusions indemnitaires fondées sur le retard à exécuter le jugement du 20 janvier 2009 :
9. Considérant qu'ainsi que le soutient la requérante, la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon a commis une faute en tardant à prononcer sa réintégration juridique à la suite du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 janvier 2009, confirmé le 4 mai 2010 par la Cour, qui a annulé son licenciement ;
10. Considérant, en premier lieu, que la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon n'était pas tenue de prononcer le licenciement de Mme B...C... ; que d'ailleurs, alors que son président a prononcé la réintégration juridique de l'intéressée par une décision du 18 juillet 2011, il n'a pris une nouvelle décision de licenciement que le 12 janvier 2012 ; que la requérante n'établit pas, dès lors, avoir été privée d'une chance d'être licenciée plus tôt, soit avant sa mise à la retraite en avril 2011, et de percevoir une indemnité de licenciement ;
11. Considérant, en second lieu, que Mme B...C..., qui a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 211 117, 80 euros lors de son licenciement prononcé le 9 mai 2006, ne justifie pas avoir subi des troubles dans ses conditions d'existence du fait du délai dans lequel a été prononcée sa réintégration juridique à la suite de l'annulation de ce licenciement ; qu'en revanche, cette faute lui a occasionné un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à une somme de 1 500 euros ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la demande de première instance devant le tribunal administratif de Montpellier, soit le 31 décembre 2014; que les intérêts seront capitalisés à la date du 31 décembre 2015, à laquelle les intérêts étaient dus au moins pour une année, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont applicables. " Art. 1er.- (...) II. - Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office (...) " ; qu'alors même qu'une partie a la faculté de solliciter le mandatement d'office de la somme qu'une collectivité locale ou un établissement public a été condamné à lui payer et même dans l'hypothèse où elle n'aurait pas sollicité ce mandatement, elle est recevable, lorsque la décision juridictionnelle qui, selon elle, est inexécutée ne fixe pas précisément le montant de la somme due ou lorsque le calcul de celle-ci soulève une difficulté sérieuse à demander que soit ordonné, le cas échéant sous astreinte, le versement de la somme due ; que le présent arrêt fixant précisément la somme que la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon est condamnée à verser à Mme B... C...en réparation de son préjudice moral, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon de lui verser cette somme sous astreinte sont irrecevables et doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1 : La chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon est condamnée à verser à Mme B... C...la somme de 1 500 euros. Cette somme portera intérêts aux taux légal à compter du 31 décembre 2014. Les intérêts échus le 31 décembre 2015 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête de Mme B...C..., il est décidé un supplément d'instruction tendant à la production par les parties des documents mentionnés aux points 7 et 8 du présent arrêt.
Article 3 : Ces documents devront parvenir au greffe de la Cour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...C...et à la chambre régionale de commerce et d'industrie Languedoc Roussillon.
Délibéré après l'audience du 27 février 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Busidan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mars 2018.
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N° 16MA02988