Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge du prélèvement prévu par les dispositions de l'article 244 bis A du code général des impôts, de la taxe de 4 % visée à l'article 1609 nonies G du même code et des contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013.
Par un jugement n° 1304740 du 23 juillet 2015, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer concernant les dégrèvements effectués par l'administration en cours d'instance et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 août 2015 et le 7 janvier 2016, M. C..., représenté par Me A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 juillet 2015 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des prélèvements sociaux ;
2°) d'ordonner la restitution d'une somme de 26 418 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont violé le principe du contradictoire en rendant leur décision sans attendre l'envoi du mémoire annoncé par l'administration ;
- les premiers juges ont fondé la décision sur un moyen qui n'avait pas été soutenu par l'intimé, qui n'était pas d'ordre public et qui n'avait pas été soumis au contradictoire ;
- l'arrêt du Conseil d'Etat du 17 avril 2015, n° 334551 et 342944 est transposable à sa situation dès lors qu'elle est régie par les stipulations de l'accord de sécurité sociale du 2 mars 1987 conclu entre la France et les Etats-Unis dont l'article 5 prévoit l'unicité de législation liée au lieu d'emploi de l'intéressé et porte sur une plus-value immobilière ;
- l'article 25 de la convention signée le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, modifié par l'avenant du 13 janvier 2009 interdit à la France de traiter différemment l'imposition des plus-values immobilières en France selon qu'elles sont réalisées par des résidents américains ou français ;
- l'imposition en litige méconnaît le principe de libre circulation des capitaux garanti par l'article 56 du Traité CE (article 63 TFUE) et instauré entre les pays membres et entre les pays membres et les pays tiers ;
- la différence de traitement dont il fait l'objet constitue une discrimination au sens de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le prive d'un droit au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention qui n'est justifié par aucun impérieux motif d'intérêt général.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- l'accord de sécurité sociale signé le 2 mars 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique ;
- la convention signée le 31 août 1994 entre la France et les États-Unis en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ;
- le règlement (CE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 ;
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre de Ruyter (C-623/13) ;
- l'arrêt n° C-45/17 du 18 janvier 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Antonetti, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que M. C... relève appel du jugement du 23 juillet 2015 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des contributions sociales auxquelles il a été assujetti à raison de la plus-value immobilière qu'il a réalisée au cours de l'année 2013 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il ne résulte pas du jugement entrepris, que les premiers juges auraient fondé leur décision sur un moyen d'ordre public ; que le moyen tiré, pour ce motif, d'une irrégularité du jugement ne peut qu'être écarté ;
3. Considérant que la circonstance, à la supposer vérifiée, que les premiers juges auraient rejeté la requête de M. C... sans attendre la production par l'administration d'un mémoire qu'elle aurait annoncé, n'a pu priver le requérant des garanties attachées au respect du caractère contradictoire que doit revêtir l'instance ; que le moyen doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
4. Considérant que M. C..., résidant aux États-Unis, a été assujetti au paiement de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et au prélèvement social et de la contribution additionnelle à ce prélèvement à raison de la plus-value qu'il a réalisée en 2013 lors de la vente d'un bien immobilier situé en France ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 (...) " ; qu'au titre de l'article L. 136-7 du même code : " I bis. - Sont également soumises à la contribution les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l'article 244 bis A du code général des impôts lorsqu'elles sont réalisées, directement ou indirectement, par des personnes physiques. " ;
6. Considérant qu'il est constant que M. C... ne conteste pas l'imposition de la plus-value qu'il a réalisée en 2013 lors de la vente d'un bien immobilier situé en France à laquelle il a été assujetti en application de l'article 244 bis A du code général des impôts ; que, par suite, l'administration fiscale pouvait également imposer cette plus-value aux prélèvements sociaux en application des dispositions précitées de l'article L. 136-7 du code de sécurité sociale ;
7. Considérant, en deuxième lieu, que la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C-623/13, a jugé que ces prélèvements, dans la mesure où ils présentent un lien direct et pertinent avec certaines branches de sécurité sociale énumérées à l'article 4 du règlement no 1408/71, relèvent du champ d'application de ce règlement et sont soumis au principe d'unicité de la législation applicable, prévu à l'article 13, paragraphe 1, dudit règlement, alors même qu'ils sont assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice de toute activité professionnelle ;
8. Considérant, cependant, qu'aux termes du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, applicable depuis le 1er mai 2010 : " Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des Etats membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un Etat membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants " ; que ce règlement ne fait pas obstacle à ce qu'une personne affiliée à la sécurité sociale dans un Etat tiers à l'Union européenne autre que la Suisse ou les Etats membres de l'Espace économique européen soit soumise à ces mêmes prélèvements ; que, par suite, M. C... qui revendique son affiliation à un régime de sécurité sociale américain ne peut se prévaloir de l'interprétation que la Cour de justice de l'Union européenne a donnée de ce règlement dans l'arrêt du 26 février 2015, Ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter, C-623/13 susvisé ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites " ; qu'aux termes du 1 de l'article 64 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit de l'Union en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 65 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) " ;
10. Considérant qu'il n'existe aucune différence objective entre la situation d'un ressortissant d'un État membre, qui réside dans un État tiers, autre qu'un État membre de l'Union européenne ou la Confédération suisse, et y est affilié à un régime de sécurité sociale, et celle d'un ressortissant de ce même État membre, qui y réside et y est affilié à un régime de sécurité sociale, en ce que, dans les deux cas de figure, ils n'ont pas fait usage de la liberté de circulation au sein de l'Union et ne sauraient, dès lors, invoquer le bénéfice du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale ; qu'il s'ensuit qu'une législation nationale, telle que celle en cause au principal, est susceptible d'être justifiée, au regard de l'article 65, paragraphe 1, sous a), du traité de l'Union européenne, par la différence de situation objective qui existe entre une personne physique, ressortissant d'un État membre, mais résidant dans un État tiers, autre qu'un État membre de l'Union européenne ou la Confédération suisse, et qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale, et un ressortissant de l'Union résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre ;
11. Considérant que la circonstance qu'une personne affiliée à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers à l'Union européenne, autre que les Etats membres de l'Espace économique européen ou la Suisse soit soumise, comme les personnes affiliées à la sécurité sociale en France, aux prélèvements sur les revenus du capital prévus par la législation française entrant dans le champ du règlement du 29 avril 2004, alors qu'une personne relevant d'un régime de sécurité sociale d'un Etat membre autre que la France ne peut, compte tenu des dispositions de ce règlement, y être soumise, ne constitue pas une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination des pays tiers, au sens de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que M. C... qui allègue être ressortissant français résidant aux États-Unis n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les contributions en litige ont été mises à sa charge en méconnaissance du principe de libre circulation des capitaux prévu par cet article du traité ;
12. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de l'article 14 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole additionnel à la même convention peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables ; que, toutefois, pour les mêmes motifs qu'indiqués au point 11, le moyen tiré de ce que les impositions en litige entraîneraient une discrimination injustifiée au sens desdites stipulations combinées ne peut qu'être écarté ;
13. Considérant, en cinquième lieu, que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;
14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit aux points 4 à 8 M. C... n'est pas fondé à contester les impositions mises à sa charge au titre de l'année 2013 sur le terrain de la loi fiscale ;
15. Considérant, qu'aux termes de l'article 25 de la convention signée le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune, modifiée par l'avenant du 13 janvier 2009 : " Les personnes physiques qui sont des nationaux d'un Etat contractant et des résidents de l'autre Etat contractant ne sont soumises dans cet autre Etat à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujetties les personnes physiques qui sont des nationaux et des résidents de cet autre Etat, et qui se trouvent dans la même situation. " ; que ces dispositions font seulement obstacle à ce qu'un traitement différent soit instauré dans l'un des Etats contractant entre ses résidents selon qu'ils sont nationaux de l'un ou l'autre d'Etats contractants ; que M. C... qui ne réside pas en France ne peut se prévaloir de ces stipulations pour contester les impositions en litige ;
16. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 5 de l'accord de sécurité sociale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique signé le 2 mars 1987, entré en vigueur le 1er juillet 1988 : " Sauf disposition contraire au présent accord, une personne occupée sur le territoire de l'un des Etats contractants est, en ce qui concerne cet emploi, soumise uniquement à la législation de cet Etat contractant, même si cette personne réside sur le territoire de l'autre Etat contractant ou si le siège de l'employeur de cette personne se trouve sur le territoire de l'autre Etat contractant. " ;
17. Considérant que cette convention dont l'objet est de régler la protection sociale des ressortissants des Etats signataires, n'a pas d'incidence sur les règles fiscales applicables dans ces Etats ; que la circonstance que l'article 5 cité de la convention instaurerait un principe d'unicité de la législation sociale pour les personnes ressortissantes de l'un des Etats partie à la convention occupant un emploi dans l'autre Etat ne peut, par suite et en l'absence de toute disposition en ce sens, avoir d'incidence sur le bien-fondé des contributions contestées ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, être accueillies ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 27 février 2018, où siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 mars 2018.
2
N° 15MA03586
mtr