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05/03/2018 | FRANCE | N°16MA02697

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 05 mars 2018, 16MA02697


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 mai 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a prorogé pour une durée de cinq ans les effets de la déclaration d'utilité publique du projet d'aménagement de la ZAC Roque Fraisse située sur la commune de Saint Jean de Védas.

Par un jugement n° 1403814 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enreg

istrés les 5 juillet 2016, 13 mars et 24 juillet 2017, sous le n° 16MA02697, M.D..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 mai 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a prorogé pour une durée de cinq ans les effets de la déclaration d'utilité publique du projet d'aménagement de la ZAC Roque Fraisse située sur la commune de Saint Jean de Védas.

Par un jugement n° 1403814 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 5 juillet 2016, 13 mars et 24 juillet 2017, sous le n° 16MA02697, M.D..., représenté par Me B...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 mai 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 19 mai 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société d'équipement de la région montpelliéraine la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué a méconnu le principe du contradictoire dès lors qu'il n'a jamais reçu le mémoire en défense de la SERM et du préfet de l'Hérault ;

- il est irrégulier en l'absence de sa convocation à l'audience du 12 avril 2016 ;

- le directeur de la SERM ne justifie pas de sa qualité pour demander la prorogation en litige ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- la demande de prorogation est imprécise ;

- le dossier de demande de prorogation n'apparaît pas complet ;

- la prorogation nécessitait une nouvelle enquête ;

- l'action de la SERM est dilatoire ;

- l'arrêté contesté est contraire aux stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 octobre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2017, la société d'équipement de la région Montpelliéraine conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. D...la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marchessaux,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la SERM.

1. M. D...relève appel du jugement du 3 mai 2016 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a prorogé pour une durée de cinq ans les effets de la déclaration d'utilité publique du projet d'aménagement de la ZAC Roque Fraisse située sur la commune de Saint Jean de Védas.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative, l'instruction des affaires est contradictoire. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance et de l'extrait " Sagace " produit par le ministre de l'intérieur que le premier mémoire en défense du préfet de l'Hérault a été communiqué au conseil de M. D...le 11 septembre 2014. La circonstance que la date de réception de ce mémoire par le conseil du requérant ne serait pas établie est sans incidence sur la régularité du jugement. Par ailleurs, ces mêmes pièces démontrent que le mémoire de la SERM enregistré le 8 avril 2016 n'a pas été communiqué aux parties. Toutefois, ce mémoire ne comportant aucun élément nouveau sur lequel se serait fondé le jugement attaqué, les premiers juges n'ont pas commis d'irrégularité, en ne le communiquant pas. Ainsi, M. D...n'établit pas que le principe du contradictoire aurait été méconnu.

4. Aux termes de l'article R. 711-2-1 du code de justice administrative : " Les parties ou leur mandataire inscrits dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 peuvent être convoqués à l'audience par le moyen de cette application. / Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 611-8-2 sont applicables ". Aux termes de l'article R. 611-8-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les avocats (...) peuvent s'inscrire dans l'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1, dans les conditions fixées par l'arrêté prévu à cet article. Toute juridiction peut adresser par le moyen de cette application, à une partie ou à un mandataire ainsi inscrit, toutes les communications et notifications prévues par le présent livre pour tout dossier et l'inviter à produire ses mémoires et ses pièces par le même moyen. Les parties ou leur mandataire sont réputés avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été ainsi adressé, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de huit jours à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties ou leur mandataire sont alertés de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par eux (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'application informatique dédiée accessible par le réseau internet, mentionnée à l'article R. 414-1 du même code, permet à toute partie ou tout mandataire inscrit de consulter les communications et notifications relatives aux requêtes qu'il a introduites, quelle que soit la forme sous laquelle il les a introduites et quelle que soit la date à laquelle il s'est inscrit à l'application. Ainsi, la circonstance qu'une requête ait été introduite sous une forme non dématérialisée ne fait pas obstacle à ce que, à tout moment de la procédure, soient adressées sous forme dématérialisée, dans le cadre de cette application, des communications et notifications relatives à cette procédure à toute partie ou tout mandataire inscrit.

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance et de la fiche Sagace versée au débat par le ministre de l'intérieur qu'un avis d'audience a été adressé le 11 mars 2016 au conseil de M. D...dont la SERM fait valoir sans être sérieusement contestée qu'il était inscrit sur l'application " Télérecours " au jour de l'avis d'audience. Cet envoi est corroboré par l'accusé de mise à disposition de cet avis établi, le 11 mars 2016, par le greffe du tribunal administratif de Montpellier, lequel a utilisé l'application informatique " Télérecours ". L'avis d'audience a ainsi été adressé plus de huit jours avant l'audience qui s'est tenue le 12 avril 2016. Il ne ressort pas des pièces de la procédure que des dysfonctionnements auraient empêché le destinataire d'accéder à cette information. Dès lors, en application des dispositions de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, le requérant est réputé avoir reçu communication de cet avis, sans qu'y fasse obstacle le fait qu'il avait introduit sa requête sous forme non dématérialisée et que les échanges entre les parties s'étaient également poursuivis sous cette forme. Par suite, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article L. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique applicable à la date de l'arrêté contesté : " (...) / II - L'acte déclarant l'utilité publique précise le délai pendant lequel l'expropriation devra être réalisée. Ce délai ne peut, si la déclaration d'utilité publique est prononcée par arrêté, être supérieur à cinq ans. (...) / Lorsque le délai accordé pour réaliser l'expropriation n'est pas supérieur à cinq ans, un acte pris dans la même forme que l'acte déclarant l'utilité publique peut, sans nouvelle enquête, proroger une fois les effets de la déclaration d'utilité publique pour une durée au plus égale. / Toute autre prorogation ne peut être prononcée que par décret en Conseil d'Etat. ". L'article R. 311-10 du code de l'urbanisme dispose que : " Dans le cas mentionné au 2° de l'article R. 311-6 : / 1° L'acte déclarant d'utilité publique les acquisitions de terrains bâtis ou non situés dans une zone d'aménagement concerté peut prévoir que l'expropriation sera réalisée par l'aménageur ; (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que suite à la demande de la commune de Saint Jean de Vedas du 18 mai 2009, le préfet de l'Hérault a, par l'arrêté du 20 mai 2009, déclaré d'utilité publique l'opération d'aménagement de la ZAC Roque Fraisse sur cette commune pour son concessionnaire, la SERM. Ainsi, bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique, la SERM était compétente pour solliciter du même préfet la prorogation des effets de cette déclaration d'utilité publique, pour une durée de cinq ans. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a répondu à une demande du directeur de la SERM, concessionnaire de l'opération et non du maire de Saint Jean de Vedas, et serait de ce fait entaché d'un vice de procédure, ne peut qu'être écarté.

8. Si le 3 de l'article L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors applicable, prévoit que " l'acte déclarant l'utilité publique est accompagné d'un document qui expose les motifs et considérations justifiant le caractère d'utilité publique de l'opération ", ces dispositions, qui exigent que l'auteur de la décision, une fois cette dernière prise, porte à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui l'ont fondée, ne sauraient être interprétées comme imposant de motiver une décision qui, tel l'arrêté contesté, se borne à proroger, sans les modifier, les effets d'une déclaration d'utilité publique. Par ailleurs, un tel acte n'entre pas dans le champ de l'application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors le tribunal a estimé à juste titre que M. D... ne pouvait utilement se prévaloir de l'insuffisance de motivation de l'arrêté querellé.

9. Le courrier du 6 mai 2014 par lequel le directeur de la SERM a demandé au préfet de l'Hérault de prolonger les effets de la déclaration d'utilité publique du projet d'aménagement en litige ne présente pas le caractère d'une décision individuelle. Par suite, il n'est pas au nombre des actes qui doivent être motivés en application de la loi du 11 juillet 1979.

10. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de joindre à la demande de prorogation d'une déclaration d'utilité publique un dossier comportant la délibération sollicitant la prorogation, les raisons pour lesquelles l'expropriation des parcelles nécessaires à la réalisation du projet n'a pu être effectuée dans le délai initial de cinq ans et la présentation des éventuelles modifications apportées au projet initial.

11. La prorogation des effets d'un acte déclarant l'utilité publique, lorsqu'elle intervient avant l'expiration du délai fixé par cet acte pour réaliser l'opération, n'a pas en principe le caractère d'une nouvelle déclaration d'utilité publique, et ne saurait, par suite, ouvrir aux intéressés un nouveau délai pour discuter l'utilité publique de l'opération. Il n'en va autrement que si le projet est substantiellement modifié ou si, par l'effet d'une modification des dispositions législatives ou réglementaires applicables ou d'un changement dans les circonstances de fait, il a perdu, postérieurement à la date de l'acte déclaratif, le caractère d'utilité publique qu'il pouvait présenter avant cette date.

12. En se bornant à soutenir que, dans le dossier de la ZAC, la surface à exproprier a été modifiée, M. D...n'établit pas que le projet d'aménagement en cause aurait été substantiellement modifié. Il n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'une nouvelle enquête publique aurait du être menée ni que l'arrêté contesté n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 11-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

13. M. D...n'établit pas que l'action de la SERM serait dilatoire et aurait pour but de faire échec à la spéculation foncière en se bornant à soutenir que l'arrêté contesté va conduire à maintenir dans le cadre d'une ZAC, des propriétaires pendant plus de dix ans et avoir comme conséquence de bloquer les prix des biens immobiliers, en prenant comme date de référence celle de l'arrêté du 20 mai 2009.

14. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales est dépourvu de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé.

15. Il résulte de tout ce qui précède sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l'intérieur et la SERM que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la société d'équipement de la région Montpelliéraine, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, versent à M. D...quelque somme que ce soit au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. D...la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société d'équipement de la région Montpelliéraine et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : M. D...versera à la société d'équipement de la région Montpelliéraine une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à la société d'équipement de la région Montpelliéraine et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 19 février 2018, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2018.

2

N° 16MA02697


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02697
Date de la décision : 05/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-02-03 Expropriation pour cause d'utilité publique. Règles générales de la procédure normale. Acte déclaratif d'utilité publique. Prorogation.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CALAFELL

Origine de la décision
Date de l'import : 13/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-03-05;16ma02697 ?
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