Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Sport Passion a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 29 mai 2013 par lequel le maire de la commune du Rove l'a mise en demeure de réaliser une étude acoustique, a prescrit la fermeture les dimanches et jours fériés et a fixé des horaires quotidiens d'ouverture du circuit de karting qu'elle exploite.
Par un jugement n° 1303830 du 24 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du maire du Rove du 29 mai 2013.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 25 janvier 2016 et 12 janvier 2017, la commune du Rove représentée par la SCP Roustan-Béridot, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 24 novembre 2015 ;
2°) de mettre à la charge de la SARL Sport Passion le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le pouvoir de police générale du maire s'appliquait du fait de l'insuffisance du règlement de police spéciale établi par la fédération française de sport automobile ;
- le règlement de la fédération ne fixe aucune limite pour les émergences sonores ;
- l'article L. 1311-2 du code de la santé publique donne en outre compétence au maire pour compléter les dispositions réglementaires nationales de lutte contre les bruits de voisinage en vue d'assurer la protection de la tranquillité publique dans sa commune ;
- l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 octobre 2012 sur la lutte contre le bruit prévoit que le maire peut demander aux exploitants de fournir une étude acoustique ;
- le maire était fondé à user de son pouvoir de police pour pallier la carence du préfet dans l'arrêté du 24 mai 2013 homologuant le circuit qui ne comporte pas de prescriptions permettant de préserver la tranquillité publique.
Par un mémoire enregistré le 14 mars 2016, la SARL Sport Passion, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune du Rove une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués contre le jugement attaqué n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du sport ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant la SARL Sport Passion.
1. Considérant que, par un arrêté du 29 mai 2013, le maire de la commune du Rove a mis en demeure la SARL Sport Passion de réaliser une étude acoustique précisant les précautions à prendre pour limiter les nuisances sonores du circuit de karting qu'elle exploite, et lui a imposé de respecter un horaire de fermeture quotidienne à 18h ainsi qu'une fermeture les dimanches et jours fériés dans l'attente de la mise en oeuvre de cette étude ; que, sur demande de la SARL Sport Passion, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté par un jugement du 24 novembre 2015, dont la commune du Rove interjette appel ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Marseille :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 331-35 du code du sport : " Tout circuit sur lequel se déroulent des compétitions, essais ou entraînements à la compétition et démonstration doit faire l'objet d'une homologation préalable (...)/ Les conditions de sécurité correspondant à ces types d'activité sont définies par les règles techniques et de sécurité prévues à l'article R. 331-19 " ; qu'aux termes de l'article R. 331-37 du même code : " L'homologation est accordée pour une durée de quatre ans : 1° Par le ministre de l'intérieur, (...), lorsque la vitesse peut dépasser 200 km/h en un point quelconque du circuit ; 2° Par le préfet du département, après visite et avis de la commission départementale de sécurité routière, dans les autres cas (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'Etat, (...) fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, notamment en matière : (...) de lutte contre les bruits de voisinage (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1311-2 du même code : " Les décrets mentionnés à l'article L. 1311-1 peuvent être complétés par des arrêtés du représentant de l'Etat dans le département ou par des arrêtés du maire ayant pour objet d'édicter des dispositions particulières en vue d'assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune " ; qu'aux termes de l'article R. 1334-32 de ce code : " Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1334-31 a pour origine une activité professionnelle autre que l'une de celles mentionnées à l'article R. 1334-36 ou une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, et dont les conditions d'exercice relatives au bruit n'ont pas été fixées par les autorités compétentes, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1334-33, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article " ;
4. Considérant, enfin, que l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend : (...) 2° le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les bruits, troubles de voisinage (...) qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) " ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées du code du sport, il appartient aux fédérations sportives détentrices de la délégation prévue à l'article L. 131-14 de ce code, d'édicter les règles générales relatives au bruit émis par les véhicules terrestres à moteur participant à des manifestations organisées dans des lieux non ouverts à la circulation publique, et au ministre de l'intérieur ou au préfet de département, lors de la procédure d'homologation des circuits de vitesse, de définir les conditions d'exercice spécifiques relatives au bruit de ces circuits ; que, lorsque de telles règles particulières ont été prescrites, l'activité se déroulant sur les circuits de vitesse automobile doit être regardée comme soumise à des conditions d'exercice relatives au bruit fixées par les autorités compétentes au sens de l'article R. 1334-32 du code de la santé publique ; qu'en revanche, lorsque ces fédérations et autorités administratives n'ont pas fixé de telles normes, s'appliquent, de manière subsidiaire, les dispositions des articles R. 1334-30 à R. 1337-10-1 du code de la santé publique ; qu'enfin, ces dispositions ne sauraient avoir pour effet de priver le maire d'une commune de la possibilité d'user des pouvoirs qu'il tient des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales en prenant les mesures de police générale nécessaires pour assurer la tranquillité et la sécurité des habitants de la commune ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, les règles techniques et de sécurité du karting édictées par la fédération française de sport automobile fixaient par leur article 27 le niveau sonore maximal émis à l'échappement d'un kart à 96 décibels, à l'exclusion de toute autre disposition relative au bruit ; que, par ailleurs, le préfet des Bouches-du-Rhône a homologué le circuit de karting exploité par la SARL Sport Passion sur le territoire de la commune du Rove par un arrêté du 24 mai 2013 ne contenant aucune prescription en vue d'assurer la tranquillité publique, qu'il s'agisse de la configuration des installations, des jours et heures d'ouverture du circuit ou des émergences sonores et de leur contrôle ; que si l'arrêté d'homologation se réfère à l'avis rendu par la commission départementale de sécurité routière le 26 février 2013, cet avis se borne lui-même en matière de nuisances sonores à formuler une réserve de " strict respect des prescriptions réglementaires que le maire de la commune entend faire respecter dans le cadre des pouvoirs de police du bruit " ; que, dans ces circonstances, l'exploitation du circuit de karting du Rove ne peut être regardée comme une activité sportive dont les conditions particulières d'exercice relatives au bruit ont été fixées par les autorités compétentes au sens de l'article R. 1334-32 du code de la santé publique ; que les règles subsidiaires de ce code en matière de lutte contre le bruit de voisinage trouvaient, dès lors, à s'y appliquer ;
7. Considérant qu'à la suite de réclamations et de la pétition d'une vingtaine d'habitants du quartier contre les nuisances sonores du circuit exploité par la SARL Sport Passion à compter de juillet 2012, la commune du Rove a prescrit à celle-ci de réaliser une étude acoustique ; que l'étude réalisée le 4 décembre 2012 a relevé, pour au moins une habitation proche de l'emprise, des niveaux de bruit émergent lors du fonctionnement du karting supérieurs à ceux admis par les articles R. 1331-1 et suivants du code de la santé publique ; que de nouvelles mesures réalisées le 24 avril 2013 ont également constaté le dépassement de ces seuils ; que le maire du Rove a dès lors pu, sans entacher sa décision d'incompétence, mettre en demeure la société exploitant le circuit de réaliser une étude acoustique précisant les précautions propres à faire respecter les valeurs limites de bruit en se fondant expressément sur l'article 7 de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 23 octobre 2012 relatif à la lutte contre le bruit pris pour l'application des dispositions de ce code, et édicter à l'égard de la société exploitante des prescriptions relatives aux jours et heures d'ouverture afin d'assurer la tranquillité publique des habitants de la commune, tant au titre de la police de lutte contre le voisinage qui lui est conférée par l'article L. 1311-2 du code de la santé publique, qu'au titre de ses pouvoirs de police générale ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de l'incompétence du maire du Rove ;
9. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par la SARL Sport Passion devant le tribunal administratif de Marseille ;
Sur les moyens invoqués par la SARL Sport Passion contre l'arrêté du 29 mai 2013 :
10. Considérant, en premier lieu, que, pour les raisons qui ont été exposées aux points 5 à 7, l'arrêté du maire du Rove prescrivant à la SARL Sport Passion de réaliser une étude acoustique dans un délai fixé et de limiter les jours et heures d'exploitation du circuit de karting dans cette attente, n'est entaché d'aucune erreur de droit ni au regard de l'article L. 1311-2 et des articles R. 1331-30 à 37 du code de la santé publique, ni au regard de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que le maire n'a pas davantage méconnu en prenant cette mesure les dispositions de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 mai 2013 portant homologation du circuit du Rove, lesquelles ainsi qu'il a été dit se limitent à viser l'avis de la commission de sécurité routière invitant précisément au respect des prescriptions à édicter par le maire en matière de bruit ; que le fait que la prise en compte de la tranquillité publique constitue un des éléments du dossier de demande d'homologation en application de l'article R. 331-35 du code du sport demeure à cet égard sans influence ;
11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation : " Les dommages causés aux occupants d'un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales ou aéronautiques, n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l'acte authentique constatant l'aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l'existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s'exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu'elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions. " ;
12. Considérant que ces dispositions sont relatives à la réparation des préjudices causés aux tiers par les nuisances provenant d'activités privées ; qu'elles n'ont ni pour objet, ni pour effet de régir les conditions dans lesquelles le maire exerce ses pouvoirs de police sur le territoire de la commune pour faire cesser un trouble à la tranquillité publique ; qu'elles ne peuvent, par suite, être utilement invoquées par la SARL Sport Passion à l'encontre de l'arrêté en litige ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune du Rove est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté pris par le maire le 29 mai 2013 à l'égard de la SARL Sport Passion ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, en tout état de cause, à ce que la commune du Rove, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser une quelconque somme à la SARL Sport Passion au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SARL Sport Passion la somme demandée par la commune du Rove en application des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1303830 du 24 novembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL Sport Passion devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par les parties en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Rove et à la SARL Sport Passion.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 février 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Hameline, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 février 2018.
6
2
N° 16MA00269