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13/02/2018 | FRANCE | N°16MA02474

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 13 février 2018, 16MA02474


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le lycée Jean Mermoz, gestionnaire du centre de formation d'apprentis de l'Education Nationale de l'Hérault (CFA EN-34), à lui verser une indemnité de 91 760,88 euros en réparation de préjudices financier et moral subis du fait de son licenciement, somme assortie des intérêts légaux à compter du 3 octobre 2013.

Par un jugement n° 1400673 du 29 avril 2016, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'EPLE Jean M

ermoz à verser à Mme B... une indemnité de 5 296 euros et rejeté le surplus de se...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le lycée Jean Mermoz, gestionnaire du centre de formation d'apprentis de l'Education Nationale de l'Hérault (CFA EN-34), à lui verser une indemnité de 91 760,88 euros en réparation de préjudices financier et moral subis du fait de son licenciement, somme assortie des intérêts légaux à compter du 3 octobre 2013.

Par un jugement n° 1400673 du 29 avril 2016, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'EPLE Jean Mermoz à verser à Mme B... une indemnité de 5 296 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 21 juin 2016 et 8 février 2017, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 avril 2016 ;

2°) à titre principal, de condamner le lycée Jean Mermoz, gestionnaire du CFA EN-34 au versement d'une indemnité de 91 760,88 euros, augmentée des intérêts légaux à compter du 3 octobre 2013 et, à titre subsidiaire, de désigner avant-dire-droit un expert aux fins de l'évaluation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge du lycée Jean Mermoz le versement à son profit de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-l'EPLE ne pouvait rompre son contrat au motif qu'elle avait refusé de signer la proposition faite le 19 juin 2013, alors que cette proposition ne respectait pas les clauses substantielles de son précédent contrat ;

- le préjudice financier lié à la perte de revenus d'activité continue de courir tant qu'elle ne retrouve pas d'emploi ;

- son évaluation ne doit pas prendre en compte l'indemnité légale de licenciement, qui ne répare pas l'illégalité du licenciement et l'évaluation proposée court jusqu'au 1er mai 2026 ;

- le préjudice financier comprend également le préjudice lié à la baisse de la pension de retraite, à la perte de chance d'obtenir une réévaluation de salaire, ainsi que les préjudices liés à la perte de revenus locatifs des biens qu'elle a été contrainte de mettre en vente en réalisant notamment une moins value sur un des biens situés à Montpellier ;

- le préjudice moral est important.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2017, l'établissement public local d'enseignement lycée Jean Mermoz, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelante d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'annulation de la proposition de contrat par le tribunal administratif dans son jugement du 15 juillet 2014 emporte nécessairement annulation du licenciement qui se fondait sur le refus de signer cette proposition ;

- en conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a limité l'indemnisation à la date du 29 avril 2016 ;

- le comportement de l'appelante est à l'origine de son licenciement et donc des préjudices dont elle se prévaut ;

- les préjudices invoqués n'ont pas leur origine dans le licenciement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Busidan,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me D... représentant l'EPLE lycée Jean Mermoz.

1. Considérant que l'établissement public local d'enseignement (EPLE) lycée professionnel Léonard de Vinci, en tant que gestionnaire d'un centre de formation d'apprentis (CFA) dénommé depuis 2011 centre de formation d'apprentis de l'Education Nationale de l'Hérault (CFA EN-34), a recruté Mme B..., sous contrat à durée indéterminée depuis un avenant daté du 6 novembre 2007 prenant effet le même jour, pour exercer des fonctions d'enseignante pour les besoins du CFA EN-34 ; que le transfert du siège administratif du CFA EN-34 a fait de l'EPLE lycée Jean Mermoz le nouveau gestionnaire du CFA EN-34 à compter du 1er septembre 2012 ; que Mme B... a refusé de signer la proposition de contrat qui lui a été faite le 19 juin 2013 par le proviseur du lycée Jean Mermoz agissant en tant que directeur du CFA EN-34 ; que ce refus a motivé la décision du 3 octobre 2013 par laquelle le directeur du CFA EN-34 a licencié Mme B... ; qu'estimant ce licenciement illégal, Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'indemnisation des préjudices matériel et moral qu'elle soutient avoir subis consécutivement à cette illégalité fautive ; qu'elle relève appel du jugement rendu le 29 avril 2016 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Montpellier a limité à la somme de 5 296 euros l'indemnité versée en réparation des préjudices subis ;

Sur la responsabilité de l'EPLE en tant que gestionnaire du CFA EN-34 :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que Mme B... n'a pas saisi le tribunal administratif de Montpellier de conclusions tendant à l'annulation du licenciement dont elle a fait l'objet par la décision du 3 octobre 2013 ; que, dès lors, si le tribunal administratif de Montpellier, par le jugement n° 1300794 rendu le 15 juillet 2014 devenu définitif sur ce point, a annulé la proposition de contrat faite le 19 juin 2013 par le proviseur du lycée Jean Mermoz agissant en tant que directeur du CFA EN-34, ce jugement, contrairement à ce que prétend l'intimé, n'a eu ni pour objet, ni pour effet, d'entraîner une annulation ou une caducité du licenciement décidé le 3 octobre 2013 ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que, par le jugement du 15 juillet 2014, le tribunal administratif de Montpellier a condamné l'EPLE Lycée Jean Mermoz à verser à Mme B... une indemnité de 2 000 euros en réparation de troubles dans les conditions d'existence et d'un préjudice moral, condamnation confirmée par arrêt n° 14MA03984 rendu le 15 janvier 2016 par la présente Cour ; qu'il ressort des motifs de cet arrêt que les préjudices réparés par l'allocation de cette indemnité sont consécutifs à la faute consistant à avoir maintenu l'intéressée dans une situation juridique incertaine durant toute l'année scolaire 2012-2013 en raison de propositions de contrats ne reprenant pas les clauses substantielles de celui dont l'agent était jusque-là titulaire ; que cette faute ne constitue pas le même fait générateur que celui tiré de l'illégalité du licenciement décidé le 3 octobre 2013, sur le fondement duquel sont présentées, dans la présente instance, les conclusions indemnitaires de Mme B... ; que, dès lors, l'EPLE Lycée Jean Mermoz n'est pas fondé à soutenir qu'" il ne peut être condamné une deuxième fois pour le licenciement " ;

4. Considérant, en troisième lieu, que l'article 14 ter de la loi susvisée du 13 juillet 1983 dispose : " Lorsque l'activité d'une personne morale de droit public employant des agents non titulaires de droit public est reprise par une autre personne publique dans le cadre d'un service public administratif, cette personne publique propose à ces agents un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. // Sauf disposition législative ou réglementaire ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. // Les services accomplis au sein de la personne publique d'origine sont assimilés à des services accomplis au sein de la personne publique d'accueil. // En cas de refus des agents d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique qui reprend l'activité applique les dispositions relatives aux agents licenciés. " ;

5. Considérant que, par le jugement du 15 juillet 2014, définitif et revêtu sur ce point de l'autorité absolue de la chose jugée, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la proposition de contrat faite le 19 juin 2013 à Mme B..., en estimant que, ne reprenant pas les clauses substantielles du contrat dont Mme B... était titulaire avant le transfert du CFA EN-34, cette proposition était illégale au regard des dispositions précitées de l'article 14 ter ; que, par suite, Mme B... était en droit de refuser de la signer ; que, dès lors, en se fondant exclusivement, pour licencier l'intéressée, sur le refus de cette dernière de signer une proposition de contrat non conforme aux dispositions de l'article 14 ter précité, le directeur du CFA EN-34 a commis une faute ; que l'article 14 ter précité impliquant nécessairement que la personne publique repreneuse fasse à l'agent une proposition de contrat conforme à ses dispositions, le refus de Mme B... de signer une proposition de contrat illégale ne saurait être regardé comme un agissement fautif de l'intéressée de nature à exonérer totalement ou partiellement l'EPLE de sa responsabilité ; que, par suite, l'illégalité du licenciement constitue une faute de nature à engager l'entière responsabilité de l'EPLE lycée Jean Mermoz ;

Sur les préjudices :

6. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions ; que lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises ;

7. Considérant que, comme indiqué au point 2 du présent arrêt, Mme B... n'a pas demandé l'annulation de la décision prononçant son licenciement ; que l'indemnisation de l'ensemble des préjudices matériels et moraux subis par l'intéressée consécutivement au licenciement illégal dont elle a fait l'objet, doit être déterminée conformément aux règles énoncées au point 6 ; qu'il résulte de l'instruction que Mme B... était employée depuis le 5 novembre 2001 au sein du CFA EN-34, sous contrat à durée déterminée avant de l'être sous contrat à durée indéterminée depuis le 6 novembre 2007 ; qu'elle percevait un revenu net mensuel d'environ 2 120 euros ; qu'âgée de 50 ans à la date du licenciement fautif, elle n'a pas retrouvé d'emploi ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la nature et de la gravité de l'illégalité commise ainsi que de la situation familiale de l'intéressée et des modifications qu'elle a dû consentir dans la composition de son patrimoine, il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices subis par Mme B... en l'évaluant à la somme de 30 000 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a limité son indemnisation à la somme de 5 296 euros, et à demander la réformation de ce jugement et la condamnation de l'EPLE lycée Jean Mermoz, agissant en tant que gestionnaire du CFA EN-34, à lui verser, pour solde de tout compte, la somme de 30 000 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'appelante, qui n'est, dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenue aux dépens, la somme que l'intimé demande sur leur fondement ; qu'en revanche, sur le fondement de ces mêmes dispositions et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'EPLE lycée Jean Mermoz en tant que gestionnaire du CFA EN-34 la somme de 1 000 euros à verser à Mme B... au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité que l'EPLE lycée Jean Mermoz, en tant que gestionnaire du CFA EN-34, a été condamné à verser à Mme B... par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 avril 2016 est portée à la somme de 30 000 euros, tous intérêts échus au jour du présent arrêt.

Article 2 : Le jugement du 29 avril 2016 du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'EPLE lycée Jean Mermoz, en tant que gestionnaire du CFA EN-34, versera à Mme B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de l'EPLE Jean Mermoz présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et à l'établissement public local d'enseignement lycée Jean Mermoz, en tant que gestionnaire du centre de formation d'apprentis de l'Education Nationale de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président assesseur,

- Mme Busidan, première conseillère.

Lu en audience publique, le 13 février 2018.

2

N° 16MA02474


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02474
Date de la décision : 13/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BERAL

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-02-13;16ma02474 ?
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