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13/02/2018 | FRANCE | N°16MA00277

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 13 février 2018, 16MA00277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, la décharge de l'obligation de payer révélée par les mises en demeure émises le 5 mars 2013 et le 5 avril 2013, pour un montant total de 11 043,07 euros, tendant au recouvrement de trop perçus sur traitement pour les années 2001 et 2002 et d'indemnité de suivi et d'orientation (ISO) pour l'année 2002, qui avaient fait l'objet de six titres de perception émis en 2002.

Par jugement n° 1304249 du 16 novembre 2015, le

tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.

Procédure dev...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Marseille, à titre principal, la décharge de l'obligation de payer révélée par les mises en demeure émises le 5 mars 2013 et le 5 avril 2013, pour un montant total de 11 043,07 euros, tendant au recouvrement de trop perçus sur traitement pour les années 2001 et 2002 et d'indemnité de suivi et d'orientation (ISO) pour l'année 2002, qui avaient fait l'objet de six titres de perception émis en 2002.

Par jugement n° 1304249 du 16 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 18 janvier 2016, régularisé le 26 janvier 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille.

Il soutient que la prescription de recouvrement n'était pas acquise aux dates de réception des mises en demeure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2016, M. D..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du ministre au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 23 juin 2016, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut à ce que le recours n'appelle pas d'observation de sa part.

Elle soutient que les moyens du recours ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 92-1369 du 29 décembre 1992 ;

- la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jorda,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., substituant Me C..., représentant M. D....

Sur le bien-fondé de la décharge de l'obligation de payer :

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, issu de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. " ; qu'il résulte de l'économie de ces dispositions, et des termes mêmes des dispositions citées ci-dessus, qui créent un délai spécial de prescription pour l'établissement de la créance et non un délai de prescription de son recouvrement, que le législateur a fixé un délai maximum de

deux ans, à compter du fait générateur de la créance, dans lequel l'ordonnateur peut émettre un titre exécutoire, sans pour autant déterminer le délai maximum dans lequel le comptable peut procéder au recouvrement des sommes dues au titre de telles créances, régi selon les règles de droit commun applicables au recouvrement des créances non fiscales des personnes publiques ; qu'à défaut de dispositions prévoyant une prescription plus courte pour le recouvrement de cette catégorie de créances, le reversement des sommes dues à l'Etat par M. D... était soumis à la seule prescription de droit commun édictée au code civil ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2262 du code civil, dans

sa rédaction applicable au litige : " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans, sans que celui qui allègue cette prescription soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi. " ; qu'aux termes

de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu

ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. " ; et qu'aux termes de l'article 26

de la loi n° 2008-561 : " (...) II. - Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée

de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur

de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la prescription quinquennale prévue par

l'article 2224 du code civil ne s'est substituée à la prescription trentenaire de droit commun initiale qu'à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 19 juin 2008 ; que, conformément à la disposition précitée, à l'ancien délai de prescription applicable s'est alors substitué un nouveau délai de prescription de cinq ans, lequel a commencé à courir à compter du 19 juin 2008 et a expiré au plus tard le 19 juin 2013, sans pouvoir conduire à une durée totale de prescription excédant les trente ans mentionnés à l'ancien article 2262 du code civil ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les titres de perception en cause qui avaient été émis entre avril et décembre 2002 ont donné lieu à saisie le 6 mars 2003 ; que les mises en demeure de payer en litige ont été émises les 5 mars et 5 avril 2013 et contestées par M. D... par courrier du 22 avril 2013, soit antérieurement à la date du 19 juin 2013 ; qu'il s'ensuit que ces mises en demeure n'étaient pas atteintes par la prescription de l'action en recouvrement, dont le terme était fixé à cette date conformément aux dispositions précitées ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a procédé à l'annulation des décisions en cause sur un tel fondement ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Marseille ;

6. Considérant que celui-ci soulève l'illégalité, par voie d'exception, des titres émis ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que ceux-ci n'indiquent pas les voies et délais de recours ; que par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient été attaqués dans le cadre d'une instance devenue définitive ; que le moyen est donc recevable ;

7. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article 81 du décret du 29 décembre 1962 : " Tout ordre de recette doit indiquer les bases de la liquidation (...) " ; que ces dispositions sont désormais reprises par l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, qui dispose, également en ce sens que " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) " ; qu'ainsi, tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les six titres de perception établis entre avril et décembre 2002 par le rectorat d'académie portent des mentions telles que " regul traitmt " ou " regul maladie sans traitmnt " ou " trop perçu " ou " prec ind journ ss maladie ordinaire " ou se réfèrent à des traitements ou demi-traitements et mentionnent les montants réclamés pour chaque période ; que ces motivations ne comportent cependant pas l'ensemble des éléments de calcul de la créance ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces titres de perception auraient été précédés ou accompagnés d'un courrier explicatif adressé à M. D... ; que les mises en demeure de payer émises en 2013 par la direction régionale des finances publiques Provence-Alpes-Côte d'Azur et Bouches-du-Rhône ne comportent aucune indication de l'objet des créances ; qu'en défense au surplus, les mémoires produits ne sont pas plus explicatifs ; que les dispositions précitées ont dès lors été méconnues ainsi qu'allégué par M. D..., qui n'a pas été mis à même de pouvoir contester utilement les éléments de calcul des créances ; que dès lors M. D... est fondé à demander l'annulation des titres de perception en cause et la décharge des sommes correspondantes ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à la demande en décharge de l'obligation de payer les sommes en cause ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

" Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du ministre des finances et des comptes publics, partie perdante, une somme de 2 000 euros à verser à M. D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. D... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics, à

M. A... D...et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Jorda, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 février 2018.

2

N° 16MA00277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00277
Date de la décision : 13/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Traitement.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Julien JORDA
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : LETURCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-02-13;16ma00277 ?
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