Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser la somme de 292 013 euros en réparation du préjudice subi résultant de la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande tendant à la délivrance de l'agrément pour l'exercice à titre individuel de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.
Par un jugement n° 1506346 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 mai 2017, M. B..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 mars 2017 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 292 013 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement contesté a omis de viser et d'examiner deux des moyens qu'il a soulevés ;
- la décision du 18 juin 2014 est insuffisamment motivée ;
- l'avis que doit rendre le procureur de la République sur le fondement de l'article L. 472-1 du code de l'action sociale et des familles ne peut reposer que sur des éléments tenant à la personne et non sur des considérations relatives aux besoins quantitatifs ;
- le procureur de la République ne peut évaluer les besoins qu'au regard du nombre de personnes exerçant les fonctions de mandataire et non du nombre de missions confiées ;
- le procureur a méconnu le principe d'égalité de traitement ;
- il a entaché son avis de détournement de pouvoir ;
- le préfet n'était pas lié par l'avis du procureur de la République dès lors que les conditions légales pour obtenir l'agrément était satisfaites ;
- l'autorisation préfectorale doit se fonder sur le schéma régional d'organisation sociale et médico-sociale et non sur la déclinaison de ce schéma dédiée aux mandataires judiciaires ;
- il justifie d'un préjudice matériel lié au coût de la formation, pour un total de 6 737 euros, au coût de l'immatriculation de son entreprise pour un montant de 192 euros et au coût de diverses autres déclarations pour un montant de 250 euros ;
- il a subi un préjudice tenant à une perte de chance d'effectuer un cumul d'activités sur les périodes du 29 mai 2010 au 29 mai 2015 évalué à la somme de 56 250 euros, d'obtenir un cumul emploi-retraite sur la période du 29 mai 2010 au 29 mai 2015 évalué à la somme 198 450 euros et une retraite de base et complémentaire sur la période du 29 mai 2015 au 29 avril 2036 évaluée à la somme de 8 138 euros ;
- il a également subi un préjudice moral évalué à la somme de 10 000 euros, un préjudice d'agrément évalué à 2 000 euros et un préjudice tenant à l'atteinte à sa réputation, à son honneur et à sa carrière évalué à 10 000 euros.
La ministre des solidarités et de la santé a présenté un mémoire enregistré le 22 janvier 2018 qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me A... représentant M. B....
1. Considérant que M. B... a déposé le 27 janvier 2014 auprès du directeur départemental de la cohésion sociale de l'Hérault, dans les conditions prévues à l'article R. 472-1 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction alors applicable, un dossier de demande d'agrément pour l'exercice à titre individuel de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé par cette autorité sur cette demande pendant plus de quatre mois ainsi qu'en dispose l'article R. 472-4 du même code ; que M. B... relève appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 292 013 euros en réparation du préjudice subi résultant de cette décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges ont estimé que, le préfet se trouvant en situation de compétence liée à raison de l'avis défavorable rendu par le procureur de la République sur la demande présentée par M. B..., le moyen tiré de ce que la décision en litige ne pouvait être fondée sur le schéma régional des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales établi pour la période 2010-2014, qui est annexé à l'arrêté du 26 avril 2010, était inopérant ; qu'ainsi le tribunal a effectivement et suffisamment répondu à ce moyen ;
3. Considérant que les premiers juges ont, au point 7 du jugement attaqué, écarté le moyen tiré de ce que, en se prononçant au vu des besoins en mandataires judiciaires à la protection des majeurs sans se borner à prendre acte qu'il remplissait les conditions pour prétendre à la délivrance de l'agrément réclamé, le procureur de la République aurait outrepassé la compétence que lui confère, selon lui, les dispositions de l'article L. 471-1 du code de l'action sociale et des familles et aurait ainsi commis une erreur de droit ; qu'ils ont ainsi répondu à l'argumentaire identique articulé au soutien du moyen soulevé par M. B... tiré du détournement de pouvoir, qui présente la même portée ; que, dans ces conditions, la circonstance selon laquelle le jugement ne vise pas ce dernier moyen est sans incidence sur sa régularité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 472-1 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige : " Les personnes physiques qui exercent à titre individuel et habituel les mesures de protection des majeurs ordonnées par l'autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d'accompagnement judiciaire font l'objet, préalablement à leur inscription sur la liste prévue à l'article L. 471-2, d'un agrément en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs. / L'agrément est délivré par le représentant de l'Etat dans le département, après vérification que la personne satisfait aux conditions prévues par les articles L. 471-4 et L. 472-2 et avis conforme du procureur de la République. / L'agrément doit s'inscrire dans les objectifs et répondre aux besoins fixés par le schéma régional d'organisation sociale et médico-sociale prévu à l'article L. 312-5. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 471-4 de ce code : " Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs doivent satisfaire à des conditions de moralité, d'âge, de formation certifiée par l'Etat et d'expérience professionnelle. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 472-2 du même code : " Le bénéficiaire de l'agrément doit justifier de garanties des conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile en raison des dommages subis par les personnes qu'il prend en charge. " ;
5. Considérant que par lettre du 18 juin 2014, le directeur départemental de la cohésion sociale, sur délégation du préfet de l'Hérault a expressément répondu à la demande, formulée par M. B... dans le délai de recours contentieux, tendant à la communication des motifs de la décision implicite de rejet opposée à sa demande d'agrément ; que cette lettre indique, d'une part, que l'arrêté préfectoral du 18 juillet 2013 portant actualisation du schéma régional des mandataires judiciaires à la protection des majeurs et des délégués aux prestations familiales établi pour la période 2010-2014 et annexé à l'arrêté du 26 avril 2010 fait ressortir que " les listes départementales comportent un nombre de mandataires judiciaires exerçant à titre individuel qui s'avère suffisant au regard des besoins ", d'autre part, que le signataire de cette lettre a suivi l'avis défavorable émis le 26 mars 2014 par le procureur de la République sur la demande présentée par l'intéressé ; qu'il ressort des énonciations de cet avis que le procureur de la République, après avoir pris acte de ce que, par lettre du 26 février 2014, le directeur départemental de la cohésion sociale lui indiquait qu'il était lui-même défavorable à l'agrément de M. B..., a confirmé qu'en l'état du nombre actuel des personnes inscrites et des besoins, tels qu'appréciés par le schéma régional en application de l'article L. 312-4 du code de l'action sociale et des familles et répertoriés par le juge des tutelles du département de l'Hérault, il ne lui apparaissait " pas opportun de procéder à de nouvelles inscriptions, qui ne permettraient pas d'assurer à l'ensemble des mandataires un nombre de missions suffisant pour maintenir le professionnalisme requis pour l'exercice de celles-ci " ;
6. Considérant qu'il ne résulte aucunement des termes de l'article L. 472-1 du code de l'action sociale et des familles citées au point 7 ci-dessus que le procureur de la République, dans l'avis qu'il est appelé à rendre sur la demande d'agrément pour exercer en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, soit tenu de se limiter à l'appréciation des conditions tenant à la personne telles que fixées par les articles L. 471-4 et L. 472-2 de ce code ; qu'il ne ressort pas des travaux parlementaires préparatoires à la loi du 5 mars 2007, dont est issue la rédaction de l'article L. 472-1 précité, que le législateur ait entendu interdire à cette autorité d'émettre cet avis compte tenu des besoins en mandataires judiciaires à la protection des majeurs, et plus largement, l'empêcher de se prononcer au regard de l'ensemble des informations dont il dispose concernant la situation de cette profession ;
7. Considérant que M. B... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés de ce que le procureur de la République ne peut évaluer les besoins qu'au regard du nombre de personnes exerçant les fonctions de mandataire et non du nombre de missions confiées, qu'il a méconnu le principe d'égalité de traitement et a entaché cet avis de détournement de pouvoir ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Montpellier ;
8. Considérant que l'avis émis le 26 mars 2014 par le procureur de la République sur la demande de M. B... est, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 472-1 du code de l'action sociale et des familles, un avis conforme ; que le préfet de l'Hérault se trouvait dès lors en situation de compétence liée au regard de cet avis défavorable et était donc tenu, en l'absence d'illégalité de cet avis, de rejeter cette demande ; qu'il en résulte que les autres moyens dirigés contre la décision querellée, qui sont inopérants, ne peuvent qu'être écartés ;
9. Considérant qu'à défaut d'établir que la décision par laquelle le préfet a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un agrément pour l'exercice à titre individuel de l'activité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs serait entachée d'une illégalité fautive, M. B... n'est pas fondé à demander réparation des préjudices dont il se prévaut ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par suite, les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et à la ministre des solidarités et de la santé.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 février 2018.
N° 17MA02054
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