La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2018 | FRANCE | N°17MA01636

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 08 février 2018, 17MA01636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1606503 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 23 janvier 2017, a enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme D... un titre de s

éjour portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat la so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E..., épouseD..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2017 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1606503 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 23 janvier 2017, a enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2017, le préfet de l'Hérault demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 mars 2017.

Il soutient que la décision de refus de séjour prise à l'encontre de Mme D... n'a pas portée à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2017, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de l'Hérault ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation de son conseil à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que le moyen soulevé par le préfet de l'Hérault n'est pas fondé.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.

1. Considérant que Mme D..., ressortissante marocaine née en 1989, a sollicité le l8 octobre 2016 la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ; que, par arrêté du 8 décembre 2016, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer le titre demandé et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ; que Mme D... a saisi le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; qu'au cours de la première instance, le préfet a abrogé cet arrêté et l'a remplacé par un nouvel arrêté du 23 janvier 2017 portant à nouveau, et par les mêmes motifs, refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ; que les premiers juges ont estimé à bon droit, par un motif d'ailleurs non contesté de leur jugement, que Mme D... devait être regardée comme demandant l'annulation de la décision du 23 janvier 2017 ; que le préfet de l'Hérault relève appel du jugement du 21 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, d'une part, annulé son arrêté du 23 janvier 2017, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, enfin, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D..., divorcée depuis le 20 juin 2012 d'un précédent mariage, est mère d'un enfant de nationalité espagnole né le 4 septembre 2008 en Espagne où il réside avec son père ; qu'elle a épousé le 18 mai 2016 M. D..., ressortissant marocain titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 26 mai 2026 ; que le couple réside à Montpellier et a donné naissance à un enfant le 19 septembre 2016 ; que toutefois, la présence en France de Mme D... n'est pas attestée de façon probante depuis 2012 comme l'intéressée le soutient mais seulement depuis la fin de l'année 2015 ; que, le 21 juillet 2015, alors qu'elle avait été interpellée en provenance d'Espagne, Mme D... déclarait ainsi demeurer à Barcelone et souhaiter retourner au plus vite en Espagne ; que, par suite, compte tenu de la brièveté et des conditions irrégulières du séjour en France de Mme D... et du caractère récent de son mariage à la date de l'arrêté du 23 janvier 2017, le préfet ne peut être regardé comme ayant porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour prononcer l'annulation de cet arrêté ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... tant en première instance qu'en appel ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision :

5. Considérant que l'arrêté attaqué a été signé par M. A... C..., sous-préfet hors classe, nommé secrétaire général de la préfecture de l'Hérault par décret du 31 octobre 2016, qui a reçu délégation de signature du préfet de l'Hérault par un arrêté n° 2016-I-1143 du 3 novembre 2016 à l'effet de signer notamment tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers en France ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait et doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne de la décision :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

7. Considérant que Mme D... soutient qu'en lui opposant, dans la décision attaquée, la procédure de regroupement familial prévue par les dispositions des articles L. 411-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait commis une erreur de droit dès lors que cette procédure ne concerne que l'entrée et non le séjour en France des étrangers ; qu'il résulte toutefois des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquelles s'est référé le préfet pour opposer ce motif à l'intéressée, que la délivrance, sur le fondement de ces dispositions, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est notamment conditionnée au fait que l'étranger n'entre pas dans les catégories qui ouvrent droit au regroupement familial ; qu'en outre, il résulte des pièces du dossier et notamment des mentions de la décision attaquée que le préfet de l'Hérault s'est également fondé sur l'absence d'atteinte disproportionnée à la vie privée de Mme D... et de l'absence de motif exceptionnel d'admission au séjour pour rejeter sa demande ; qu'il y a lieu, dès lors, d'écarter le moyen ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que, pour les motifs exposés aux points 3 et 7, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour serait entachée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

10. Considérant que l'enfant de Mme D..., né le 18 mai 2016, est de nationalité marocaine ; que M. D... est également ressortissant marocain ; que l'intéressée ne fait état d'aucune circonstance qui s'opposerait à la poursuite de la vie familiale, avec son époux et leur enfant, dans leur pays d'origine ; qu'il s'ensuit que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 3-1 de la convention de New York ont été méconnues ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

11. Considérant que le moyen par lequel Mme D... entend exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de sa contestation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 10, être écarté ; qu'il y a lieu également d'écarter, pour les mêmes motifs, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché la mesure d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle de l'intimée ; qu'il n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 10, que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D... ; que, pour les mêmes motifs, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 23 janvier 2017 ; que doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions de Mme D... tendant à l'application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1606503 du 21 mars 2017 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat ministre de l'intérieur, à Mme E..., épouseD..., et à Me B....

Copie en sera adressée préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2018, où siégeaient :

- M. Bédier, président,

- Mme Paix, président assesseur,

- M. Haïli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 février 2018.

6

N° 17MA01636


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA01636
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Xavier HAILI
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-02-08;17ma01636 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award