Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet des Bouches-du-Rhône a déféré devant le tribunal administratif de Marseille, le 11 mai 2015, la SARL L'Abri Cotier, M. E... B...et M. F... A...comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour l'occupation, sans droit ni titre, de terrains situés sur le domaine public maritime au lieu-dit " Anse du Fortin " sur le territoire de la commune de Marseille.
Par un jugement n° 1503478 du 9 juin 2016, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a, d'une part, relaxé M A... des fins de poursuites pour contravention de grande voirie et, d'autre part, condamné solidairement la SARL L'Abri Cotier et M. B... au paiement d'une amende de 1 500 euros et à remettre en état le domaine public maritime par la démolition des installations irrégulièrement maintenues.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 6 juillet 2016, le 1er juin 2017 et le 18 juillet 2017, la SARL L'Abri Cotier et M. B..., représentés par Me D..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2016 en ce qu'il les condamne au paiement d'une amende de 1 500 euros et à la remise en état du domaine public maritime ;
2°) de les relaxer des poursuites de contravention de grande voirie engagées à leur encontre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de chacun, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le procès-verbal a été notifié au-delà du délai de dix jours prévu à l'article L. 774-2 du code de justice administrative ;
- l'appartenance des biens en cause au domaine public n'est pas établie ;
- le seul fait d'occuper sans droit ni titre le domaine public ne suffit pas à justifier d'une contravention de grande voirie ;
- l'ouverture d'une procédure collective au bénéfice de la société imposait que les poursuites engagées par l'administration soient suspendues afin de permettre au juge-commissaire du tribunal de commerce chargé de l'exécution du plan de continuation d'exercer ses prérogatives ;
- la survie économique de l'entreprise dépend de l'occupation de la parcelle en litige.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 janvier 2017 et le 19 juin 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me D... représentant la SARL L'Abri Cotier et M. B....
Sur la régularité des poursuites :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. (...) / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. " ;
2. Considérant que le délai de dix jours fixé par les dispositions précitées de l'article L. 774-2 du code de justice administrative pour la notification au contrevenant par le préfet du procès-verbal de contravention de grande voirie n'est pas prescrit à peine de nullité de la procédure ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que le délai de dix semaines qui s'est écoulé entre l'établissement de ce procès-verbal, le 5 janvier 2015, et sa notification à la SARL L'Abri Cotier, le 12 mars 2015, aurait eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense des contrevenants ; qu'à cet égard, les énonciations du procès-verbal exposant la nature des faits reprochés, la circonstance selon laquelle le préfet n'aurait pas joint à cette notification le courrier du 6 août 2014 informant M. B... qu'il devait, faute de disposer d'une autorisation d'occupation du domaine public, procéder à la fermeture du restaurant qu'il exploitait et le fait que ce courrier a été notifié à l'intéressé en qualité de gérant et pas à la SARL L'Abri Cotier, ne sont pas de nature à établir la réalité d'une telle atteinte ; qu'il en va de même de la circonstance que le procès-verbal a été signé par le secrétaire-général-adjoint de la préfecture des Bouches-du-Rhône en lieu et place du préfet ; que les appelants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que la procédure de contravention de grande voirie poursuivie à leur encontre serait irrégulière à raison du non-respect du délai prévu par lesdites dispositions ;
Sur le bien-fondé des poursuites :
3. Considérant, en premier lieu et d'une part, qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection (...) de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public (...) " : qu'aux termes de l'article L. 2132-3 de ce code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende (...) " ;
5. Considérant que les dispositions précitées définissent les infractions propres au domaine public maritime naturel, dont la constatation justifie que les autorités chargées de la conservation de ce domaine engagent des poursuites conformément à la procédure de contravention de grande voirie prévue par les articles L. 774-1 à L. 774-13 du code de justice administrative ; que, dans le cadre de cette procédure, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action domaniale, et à la demande de l'administration, à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale, ou à l'enlèvement des installations, afin que le domaine public maritime naturel retrouve un état conforme à son affectation publique, mais aussi, au titre de l'action publique, à une amende sanctionnant l'atteinte portée au domaine ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, particulièrement du plan annexé au décret impérial du 12 août 1857 fixant " la limite de la mer le long de la propriété que M. C... possède à Marseille, au quartier de Montredon ", par référence au " plus grand flot d'hiver ", ainsi que des photographies qui étaient annexées au procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 5 janvier 2015 par un agent assermenté et qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que le bâtiment qui supporte le restaurant exploité par la SARL L'Abri Cotier et son annexe, à usage de terrasse, sont atteints par l'eau de mer ; que ces constatations sont corroborées par plusieurs autres photographies produites par l'administration au soutien de ses écritures, qui révèlent que les bâtiments peuvent être encerclés par les flots ; qu'il ressort enfin des énonciations du plan de redressement produit par les appelants que la société a été confrontée à l'obligation de supporter les frais de reconstruction de l'établissement suite aux tempêtes successives ayant, en 2009, totalement détruit le restaurant, son assureur ayant refusé de prendre en charge le sinistre " en raison de la répétition des événements naturels " ; que l'atteinte des immeubles en cause par les plus hautes mer ne peut être regardée comme résultant de perturbations météorologiques exceptionnelles ; que, dès lors, ces installations se situent sur le domaine public maritime par application des critères définis à l'article L. 2111-4 précité du code général de la propriété des personnes publiques ;
7. Considérant que le maintien sans droit ni titre sur le domaine public maritime des installations mentionnées par le procès-verbal du 5 janvier 2015 est constitutif d'une contravention de grande voirie réprimée par les dispositions citées au point 5 ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire en application des dispositions du code de commerce n'a pas pour effet de faire obstacle à la mise en oeuvre des pouvoirs dont le préfet dispose en cas de contravention de grande voirie ; que les appelants, qui ne justifient aucunement d'une quelconque autorisation d'occupation du domaine public maritime, ne sauraient utilement se prévaloir d'une situation de " résiliation d'un contrat en cours " qui relèverait, selon eux, de la compétence exclusive du juge commissaire chargé de l'exécution du plan de continuation consenti à la société ; qu'ainsi il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le juge administratif serait tenu de " suspendre les mesures attachées à la contravention de grande voirie dans l'attente de saisir le commissaire chargé de l'exécution du plan de continuation " ;
9. Considérant, en dernier lieu, qu'est sans influence sur le bien-fondé de la contravention de grande voirie la circonstance selon laquelle la viabilité économique de l'entreprise dépend de l'occupation de la parcelle en litige ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL L'Abri Cotier et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ; que, par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL L'Abri Cotier et de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL L'Abri Cotier, à M. E... B...et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 janvier 2018.
2
N° 16MA02672
ia