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26/01/2018 | FRANCE | N°16MA02154

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2018, 16MA02154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS GGL Aménagement a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales n° 2014077-0013 du 18 mars 2014 en tant qu'il l'a mise en demeure, solidairement avec M. C... A...et la société TAS, de régulariser, au regard des articles L. 214-1 à L. 214-14 et R. 214-1 à R. 214-151 du code de l'environnement, la situation des remblais présents sur les parcelles cadastrées AT 25 et AL 10 sur le territoire de la commune de Canet-en-Roussillon.

Par un

jugement n° 1402533 du 1er avril 2016, le tribunal administratif de Montpellier a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS GGL Aménagement a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales n° 2014077-0013 du 18 mars 2014 en tant qu'il l'a mise en demeure, solidairement avec M. C... A...et la société TAS, de régulariser, au regard des articles L. 214-1 à L. 214-14 et R. 214-1 à R. 214-151 du code de l'environnement, la situation des remblais présents sur les parcelles cadastrées AT 25 et AL 10 sur le territoire de la commune de Canet-en-Roussillon.

Par un jugement n° 1402533 du 1er avril 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté en tant qu'il désigne la SAS GGL Aménagement parmi les personnes faisant l'objet de la mise en demeure.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 1er juin 2016 et le 31 juillet 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 1er avril 2016 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la SAS GGL Aménagement devant le tribunal administratif de Montpellier.

Il soutient que :

- les conclusions présentées par la société TAS sont irrecevables ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le tribunal n'était pas compétent pour connaître du contrat de droit privé liant la SAS GGL Aménagement et la société TAS ;

- le préfet des Pyrénées-Orientales a fait une juste application des dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement en regardant la SAS GGL Aménagement comme personne intéressée s'agissant de la mise en demeure de régulariser la situation des remblais en cause.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 mai 2017 et le 25 août 2017, la SAS GGL Aménagement, représentée par Me B..., conclut au rejet du recours et demande, en outre, que l'Etat lui verse une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 23 juillet 2017, la société TAS, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er avril 2016 en tant qu'il n'a annulé la mise en demeure de régulariser la situation des remblais en cause qu'au profit de la seule société GGL Aménagement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales n° 2014077-0013 du 18 mars 2014 en tant qu'il désigne les sociétés GGL Aménagement et TAS parmi les personnes faisant l'objet de la mise en demeure ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est ni la personne ayant souhaité réaliser les travaux soumis à autorisation ou déclaration, ni la propriétaire des terrains en litige ;

- le cahier des clauses techniques particulières du marché la liant à la SAS GGL Aménagement n'imposait pas l'évacuation de l'intégralité des déblais excédentaires du chantier dans un centre d'enfouissement technique ;

- aucune disposition légale ou réglementaire n'impose une telle obligation ;

- le moyen développé par la SAS GGL Aménagement tiré de la prétendue méconnaissance du cahier des clauses techniques particulières de la ZAC n'a d'autre objet que de fonder la rétention abusive du solde du marché.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me B... représentant la SAS GGL Aménagement.

1. Considérant que la commune de Saint-Nazaire-en-Roussillon a conclu avec la SAS GGL Aménagement une concession d'aménagement, sur le fondement des articles L. 300-4 et R. 300-4 du code de l'urbanisme, en vue de la réalisation d'une zone d'aménagement concerté sur son territoire, dite ZAC de l'Era ; que les services de l'Etat ont constaté la présence, sur deux parcelles cadastrées section AT n° 25 et section AL n° 10 situées sur le territoire de la commune voisine de Canet-en-Roussillon, appartenant à M. C... A..., de remblais formés de terres acheminées par la société TAS provenant du chantier d'aménagement de la ZAC ; que ces parcelles étant situées pour partie en zone humide et classées en zone rouge du plan de prévention des risques naturels d'inondation de la commune de Canet-en-Roussillon, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par arrêté n° 2014077-0013 du 18 mars 2014, mis solidairement en demeure la SAS GGL Aménagement, M. A... et la société TAS de régulariser, au regard des articles L. 214-1 à L. 214-14 et R. 214-1 à R. 214-151 du code de l'environnement, la situation de ces remblais ; que par jugement du 1er avril 2016, le tribunal administratif de Montpellier, saisi par la SAS GGL Aménagement, a annulé cet arrêté en tant qu'il la désigne parmi les personnes faisant l'objet de la mise en demeure ; que le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité des écritures présentées par la société TAS devant la Cour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 832-1 du même code : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. " ;

3. Considérant que, alors qu'elle a été invitée par le tribunal administratif de Montpellier à produire des observations dans l'instance dans laquelle la SAS GGL Aménagement a demandé l'annulation de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales n° 2014077-0013 du 18 mars 2014 en tant qu'il l'a mise en demeure de régulariser, au regard des articles L. 214-1 à L. 214-14 et R. 214-1 à R. 214-151 du code de l'environnement, la situation des remblais présents sur les parcelles cadastrées AT 25 et AL 10 sur le territoire de la commune de Canet-en-Roussillon, la société TAS s'est abstenue de présenter des écritures ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du 1er avril 2016 préjudicie aux droits de cette société dès lors que l'un des redevables solidaires de la mise en demeure de régulariser en a été dispensé ; que la société TAS justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour former appel contre le jugement du 1er avril 2016 du le tribunal administratif de Montpellier ; que, toutefois, en demandant, dans la présente instance, l'annulation de ce jugement ainsi que de l'arrêté préfectoral du 18 mars 2014 en tant qu'il la désigne parmi les personnes faisant l'objet de la mise en demeure, la société TAS présente des conclusions qui sont sans lien avec celles présentées par le ministre appelant et relèvent ainsi d'un litige distinct ; que ces conclusions, enregistrées au greffe de la Cour le 23 juillet 2017, soit postérieurement à l'expiration du délai imparti pour former appel du jugement du 1er avril 2016 notifié à la société TAS le 4 avril 2016, sont dès lors irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur la le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine, et qui ne peut excéder une durée d'un an. (...) " ;

5. Considérant qu'il est constant que les remblais en cause, aménagés sur les parcelles cadastrées AT 25 et AL 10 sur le territoire de la commune de Canet-en-Roussillon appartenant à M. A..., ont été constitués par le déversement de déblais excédentaires provenant du chantier de la zone d'aménagement concerté de l'Era, dont la SAS GGL Aménagement est le maître d'ouvrage, celle-ci exécutant une convention d'aménagement conclue avec la commune de Saint-Nazaire-en-Roussillon ; qu'il est également constant que ces déblais avaient vocation à être acheminés dans un centre d'enfouissement technique de classe III ; que si la SAS GGL Aménagement fait valoir que la société TAS, avec qui elle a conclu un marché à cet effet, était chargée de cet acheminement, les stipulations de ce contrat de droit privé, passé entre deux sociétés privées, alors que la SAS n'était pas mandataire de la commune de Saint-Nazaire-en-Roussillon, sont inopposables à l'administration ; que, dès lors, c'est par une juste application des dispositions précitées de l'article L. 171-7 du code de l'environnement que le préfet des Pyrénées-Orientales a regardé la SAS GGL Aménagement, en sa qualité de maître d'ouvrage de la ZAC, comme étant une personne intéressée au sens de ces dispositions et a mis solidairement cette société en demeure, avec M. A... et la société TAS, de régulariser, au regard des articles L. 214-1 à L. 214-14 et R. 214-1 à R. 214-151 du code de l'environnement, la situation des remblais présents sur les parcelles en cause, alors même que ladite société n'est ni exploitante des remblais, ni propriétaire des parcelles qui les supportent ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé, pour annuler l'arrêté préfectoral du 18 mars 2014 en tant qu'il désigne la SAS GGL aménagement parmi les personnes faisant l'objet de la mise en demeure, que cette société ne saurait être regardée comme une personne souhaitant réaliser des travaux soumis à autorisation ou à déclaration au sens des dispositions précitées des articles R. 214-6 ou R. 214-32 du code de l'environnement dès lors que le terrain sur lequel les remblais ont été réalisés ne lui appartient pas ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SAS GGL aménagement devant le tribunal administratif de Montpellier et devant la Cour ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 applicable à la décision en litige et désormais codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...). / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables (...) / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ;

9. Considérant que la mise en demeure contestée, prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 171-7 du code de l'environnement, constitue une mesure de police, qui doit être motivée en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, pour laquelle aucune disposition législative n'a instauré une procédure contradictoire particulière ; qu'une telle mise en demeure, pour laquelle le préfet n'est pas placé en situation de compétence liée, ne peut légalement intervenir sans qu'ait été au préalable mise en oeuvre la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, permettant à son destinataire de présenter des observations sur les faits susceptibles de justifier le bien-fondé de la mesure ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par lettre du 13 janvier 2014, le préfet des Pyrénées-Orientales a informé la SAS GGL Aménagement de son intention de la mettre en demeure de régulariser sa situation au regard des articles L. 214-3 et suivants du code de l'environnement, en l'invitant à présenter ses observations dans un délai de quinze jours ; que par courrier du 28 janvier 2014, la SAS GGL Aménagement a exposé ses arguments au regard des faits reprochés ; que l'administration n'était aucunement tenue de répondre favorablement à la demande d'organisation d'une réunion, présentée par la SAS GGL Aménagement dans un courrier du 12 février 2014 ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 18 mars 2014 en tant qu'il désigne la SAS GGL Aménagement parmi les personnes faisant l'objet de la mise en demeure de régulariser la situation des remblais en litige au regard des articles L. 214-1 à L. 214-14 et R. 214-1 à R. 214-151 du code de l'environnement ;

Sur les frais liés au litige :

12. Considérant que l'Etat n'étant pas en l'espèce la partie perdante, les conclusions de la SAS GGL Aménagement tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier 1er avril 2016 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 18 mars 2014 du préfet des Pyrénées-orientales en tant qu'il désigne la SAS GGL Aménagement parmi les personnes faisant l'objet de la mise en demeure de régulariser la situation des remblais déposés sur les parcelles cadastrées section AT n° 25 et section AL n° 10 situées sur la commune de Canet-en-Roussillon.

Article 2 : La demande présentée par la SAS GGL Aménagement devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société TAS sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à la SAS GGL Aménagement, à la société TAS et à M. C... A....

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président-assesseur,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 janvier 2018.

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N° 16MA02154

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02154
Date de la décision : 26/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. Divers régimes protecteurs de l`environnement. Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BECQUE - DAHAN - PONS-SERRADEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-26;16ma02154 ?
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