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23/01/2018 | FRANCE | N°16MA01305

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 23 janvier 2018, 16MA01305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2015, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, voire de

réexaminer son dossier dans le délai de 15 jours à compter de la notification...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2015, M. B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard, voire de réexaminer son dossier dans le délai de 15 jours à compter de la notification de ce jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1504866 du 3 mars 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er avril 2016, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté 29 septembre 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour à compter de la décision à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- tant la décision de refus de séjour que la décision portant obligation de quitter le territoire ne sont pas motivées ;

- entré régulièrement en France à l'âge de douze ans et justifiant de sa scolarisation dès cette date, il est fondé à obtenir un titre de séjour en qualité d'étudiant ;

- il justifie du sérieux et de la réalité de ses études ;

- il peut prétendre à un titre de séjour de plein droit d'une durée de validité de dix ans compte tenu notamment de sa présence en France sous couvert de son titre de circulation ;

- la décision de refus de séjour a porté atteinte à son droit de mener une vie familiale et privée ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du

11 mai 2016.

Le préfet des Alpes-Maritimes a été mis en demeure de produire des observations en défense en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative par courrier du 19 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

1. Considérant que M. B..., ressortissant tunisien, demande l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

2. Considérant que la décision de refus de séjour en litige comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ; que la motivation de l'obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique ; que par suite, le moyen tiré du défaut de motivation tant du refus de séjour que de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté ;

3. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 311-7 applicables au litige : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-7 du même code : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-1 de ce code : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : (...) 3° Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l'article R. 311-3 " ; qu'aux termes de l'article R. 313-3 dudit code : " Ne sont pas soumis aux dispositions du 3° de l'article R. 313-1 :

1° L'étranger entré en France pour y faire des études qui présente un visa de séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois comportant la mention " étudiant-concours ", s'il justifie de sa réussite effective au concours ou à l'épreuve d'admission préalable pour lequel ce visa lui a été accordé " ;

4. Considérant, à supposer même que M. B...ait présenté une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, il est constant que l'intéressé est démuni du visa d'une durée supérieure à trois mois exigible en application des dispositions citées de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressé ne justifie pas d'une nécessité liée au déroulement de ses études ni qu'il poursuit des études supérieures au sens de ces mêmes dispositions et pas davantage de la condition mentionnée au 1°) de l'article R. 313-3) du code précité pour que l'administration déroge à l'obligation de présentation d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ; que la circonstance que, l'administration mise en demeure, n'aurait produit aucune défense, n'est pas de nature à remettre en cause les constatations et appréciations ainsi retenues ; qu'ainsi, alors même que l'intéressé aurait suivi une scolarité en France avant l'âge de seize ans et serait titulaire d'un document de circulation délivré par l'administration, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il peut prétendre à l'obtention d'un titre de séjour en qualité d'étudiant ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié" (...) Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit." ; qu'aux termes de l'article 7 ter du même accord franco-tunisien : " (...) b) Les ressortissants tunisiens âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, de plein droit, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "vie privée et familiale" ou un titre de séjour d'une durée de dix ans, s'ils remplissent les conditions prévues aux articles 7 bis ou 10 du présent Accord. Ils peuvent, dans les autres cas, solliciter un titre de séjour valable un an. (...) ". Aux termes de l'article 7 bis du même accord : " Sans préjudice des dispositions de l'article 7, le ressortissant tunisien mineur ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, et dont l'un des parents au moins est titulaire d'un titre de séjour valable un an, obtient de plein droit un titre de séjour valable un an, s'il a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial. Ce titre de séjour lui donne droit à exercer une activité professionnelle. ". Au titre de l'article 10 du même accord : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) g) Au ressortissant tunisien titulaire d'un titre de séjour d'un an délivré en application des articles 5, 7 ter, ou 7 quater, qui justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France, sans préjudice de l'application de l'article 3 du présent Accord. " ;

6. Considérant que M. B... soutient également qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions visées au point précédent dès lors qu'il justifie de cinq années de résidence régulière en France, étant muni d'un document de circulation ; que, toutefois, alors même qu'il disposerait d'un document de circulation délivré par l'administration qui ne constitue en aucun cas un titre de séjour au sens des stipulations citées de l'accord franco-tunisien, il y a lieu sur ce point d'adopter le motif des premiers juges retenu au point 7 du jugement entrepris pour rejeter sa demande, dès lors que ce motif est lui-même suffisant et n'appelle aucune précision en appel ; que, par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il peut prétendre à l'obtention d'un titre de séjour de plein droit en application des stipulations citées ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est arrivé en France en 2010 alors qu'il était âgé de 12 ans, qu'il a été scolarisé dès cette date et qu'il prépare un CAP de maçonnerie ; que s'il a été pris en charge par son frère, de nationalité française, et que sa mère réside en France, cette dernière est également en situation irrégulière ; que l'intéressé, sans charges de famille en France, n'est pas démuni de toute attache dans son pays d'origine où réside son père et le reste de sa fratrie ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait transféré le centre de ses intérêts privés et familiaux en France et que, par suite, l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 29 septembre 2015 aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

9. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant la décision d'obligation de quitter le territoire en litige, le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B... ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu par voie de conséquence de rejeter les conclusions de la requête présentées à fin d'injonction, assortie d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées en application de L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse au conseil de M. B... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2017, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Coutel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 janvier 2018.

N° 16MA01305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01305
Date de la décision : 23/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Marc COUTEL
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : KHADRAOUI-ZGAREN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-01-23;16ma01305 ?
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