Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Méditerranée formation conseil communication (société MF2C) et Mme D... B..., sa dirigeante, ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 10 mai 2010 par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a, d'une part, mis à leur charge solidaire le versement au Trésor public de la somme de 543 975,28 euros au titre du rejet des dépenses engagées pour les exercices 2006, 2007 et 2008, d'autre part, mis à la charge de la société MF2C le remboursement à ses cocontractants de la somme de 889 474,43 euros au titre des prestations de formation professionnelle continue non réalisées, enfin, mis à la charge de la société MF2C le versement au Trésor public de la somme de 889 474,43 euros au titre des manoeuvres frauduleuses.
Par un jugement n° 1004682 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande et a fait droit, par l'article 2 de ce jugement, à la demande du préfet des Bouches-du-Rhône tendant à la suppression d'un passage du mémoire du 30 juin 2011 de la société MF2C et de Mme B...qu'il estimait injurieux.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 avril 2015 et le 4 octobre 2016, la société MF2C et Mme B..., représentées par Me A...C..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2015 ;
2°) d'annuler la décision préfectorale du 10 mai 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière ;
- le principe du contradictoire a été méconnu ;
- les visas de la décision contestée mentionnent une base légale erronée ;
- en vertu du principe d'application immédiate de la loi répressive nouvelle plus douce, le préfet ne pouvait fonder la sanction ni sur l'ancien article L. 991-6 du code du travail, ni sur l'article L. 6354-2 du même code, lesquels avaient été abrogés à la date à laquelle il a pris la décision contestée ;
- le rejet des dépenses ne pouvait être global pour les années concernées et devait correspondre au montant des seules prestations de formation non justifiées ;
- il appartenait à l'administration d'apporter la preuve du défaut de rattachement des dépenses à l'activité ;
- les prestations de formation en litige ont effectivement été réalisées et les dépenses se rattachaient à ces prestations ;
- les justificatifs utiles ont été produits ;
- le centre de formation était équipé et dimensionné pour assurer effectivement les prestations de formation en cause ;
- le rejet des dépenses et les décisions de reversement correspondantes sont entachés d'erreur d'appréciation ;
- le constat d'absentéisme pour certaines formations ne signifie pas que le centre de formation n'a pas engagé de frais ;
- les griefs opposés s'agissant de la validité des feuilles d'émargement ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2015, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me A...C..., représentant la société MF2C et Mme B....
Une note en délibéré présentée pour la société MF2C et Mme B... a été enregistrée le 13 octobre 2017.
1. Considérant que la SARL Méditerranée Formation Conseil Communication (MF2C), qui dispense des prestations de formation professionnelle continue, a fait l'objet d'un contrôle administratif et financier portant sur les exercices comptables 2006, 2007 et 2008 à l'issue duquel le directeur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a, par décisions des 26 et 27 octobre 2009, rejeté les dépenses engagées au titre des trois exercices et l'a assujettie, solidairement avec Mme B..., gérante de cette société, au reversement au Trésor public de la somme correspondante de 543 975,28 euros en application de l'article L. 6362-7 du code du travail ; que l'autorité administrative a également mis à la charge de la société MF2C, en application de l'article L. 6362-7 du même code, le reversement de l'intégralité des sommes perçues auprès de ses cocontractants, soit 907 101,44 euros ; qu'enfin, la société précitée a été condamnée à verser au Trésor public la même somme de 907 101,44 euros en application de l'article L. 6362-7-2 de ce code ; qu'en réponse au recours préalable obligatoire formé par la société en application de l'article R. 6362-6 du même code, le préfet a, par décision du 10 mai 2010, maintenu la somme globale de 543 975,28 euros et a ramené à 889 474,43 euros les sommes dues au titre des prestations de formation qu'il a estimé non réalisées et des manoeuvres frauduleuses ; que la société MF2C relève appel du jugement du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 6362-8 du code du travail : " Les contrôles en matière de formation professionnelle continue peuvent être opérés soit sur place, soit sur pièces. " ;
3. Considérant que ni les dispositions citées au point précédent, ni aucune autre disposition légale ou réglementaire ni aucun principe, ne font obligation à l'administration d'adresser à l'organisme de formation concerné par une opération de contrôle sur place un quelconque avis préalablement à ce contrôle ; qu'alors que Mme B..., qui s'est elle-même rendue, le 25 mai 2009, dans les locaux de la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, admet qu'un rendez-vous avait été fixé le lendemain pour l'opération de contrôle sur place de la société MF2C, les contrôleurs n'ont pu, en l'absence tant de l'intéressée que de la secrétaire, accéder aux locaux, qui étaient fermés, à la date convenue ; que les contrôleurs n'ont pas davantage pu entrer dans ces locaux lorsqu'ils se sont de nouveau rendus sur les lieux, les 2 et 3 juin 2009 ; qu'en tout état de cause, les dispositions précitées de l'article L. 6362-8 du code du travail ne réservent pas les opérations de contrôle aux seules visites sur place ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de contrôle doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 6362-10 du même code : " Les décisions de rejet de dépenses et de versement mentionnées au présent livre prises par l'autorité administrative ne peuvent intervenir, après la notification des résultats du contrôle, que si une procédure contradictoire a été respectée. " ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des énonciations de la décision querellée que si le préfet a visé l'ancien article L. 991-6 du code du travail, il a précisé que les dispositions de cet article ont été depuis codifiées à l'article L. 6354-2 du même code ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen tiré de ce que les visas de cette décision mentionnent une base légale erronée ;
6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 6354-2 du code du travail, en vigueur jusqu'au 26 novembre 2009 : " En cas de manoeuvres frauduleuses relatives à l'exécution d'une prestation de formation, le ou les contractants sont assujettis à un versement d'égal montant de cette prestation au profit du Trésor. " ; qu'aux termes de l'article L. 6362-7-2 du même code, applicable à compter du 26 novembre 2009 : " Tout employeur ou prestataire de formation qui établit ou utilise intentionnellement des documents de nature à éluder l'une de ses obligations en matière de formation professionnelle ou à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle est tenu, par décision de l'autorité administrative, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale aux montants imputés à tort sur l'obligation en matière de formation ou indûment reçus " ;
7. Considérant qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet ne pouvait fonder la sanction ni sur l'ancien article L. 991-6 du code du travail ni sur l'article L. 6354-2 du même code par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 6361-2 du code du travail : " L'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur : 1° Les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par : (...) / c) Les organismes de formation et leurs sous-traitants ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 6361-3 du même code : " Le contrôle administratif et financier des dépenses et activités de formation porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue. / Ce contrôle peut porter sur tout ou partie de l'activité, des actions de formation ou des dépenses de l'organisme. " ; qu'aux termes de l'article L. 6362-5 de ce même code : " Les organismes mentionnés à l'article L. 6361-2 sont tenus, à l'égard des agents de contrôle mentionnés à l'article L. 6361-5 : / 1° De présenter les documents et pièces établissant l'origine des produits et des fonds reçus ainsi que la nature et la réalité des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue ; / 2° De justifier le rattachement et le bien-fondé de ces dépenses à leurs activités ainsi que la conformité de l'utilisation des fonds aux dispositions légales régissant ces activités. / A défaut de remplir ces conditions, les organismes font, pour les dépenses considérées, l'objet de la décision de rejet prévue à l'article L. 6362-10. " ; qu'aux termes de l'article L. 6362-6 dudit code : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. / A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1. " ; qu'aux termes de l'article L. 6362-7 de ce code : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 versent au Trésor public, solidairement avec leurs dirigeants de fait ou de droit, une somme égale au montant des dépenses ayant fait l'objet d'une décision de rejet en application de l'article L. 6362-10. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration d'apprécier, au regard des pièces produites par la société, sur laquelle pèse la charge de la preuve, et sous le contrôle du juge, la réalité des activités conduites en matière de formation professionnelle continue au regard des dispositions combinées des articles L. 6362-5 et L. 6362-6 précités du code du travail ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle a été prise la décision querellée, la société appelante, après qu'elle a exercé devant le préfet le recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article R. 6362-6 du code du travail et en dépit des nombreuses relances de l'administration, n'a pas produit les pièces qui avaient été demandées par les agents de contrôle, soit les bilans comptables, les comptes de résultat, les grands livres détaillés, les relevés bancaires de la société, les bulletins de salaire des employés, les contrats de prestation de service conclus avec les sous-traitants ainsi que les factures qui s'y rapportent, les déclarations annuelles des données sociales des années contrôlées, les curriculum vitae des formateurs avec copies des diplômes, les justificatifs des modalités de déplacement des formateurs et des agents commerciaux, l'emploi du temps des formateurs, les plannings d'occupation des salles de cours, les justificatifs relatifs au matériel pédagogique utilisé ; qu'il résulte également de l'instruction que les documents produits par la société requérante sont incomplets, s'agissant notamment des feuilles d'émargement et des programmes et conventions de formation ; qu'enfin, les bilans pédagogiques et financiers comportent des anomalies ; que la production, par la société MF2C, d'un nombre important de feuilles de présence émargées par les stagiaires ainsi que les témoignages, recueillis par les services de police dans le cadre d'une enquête judiciaire, attestant qu'elle a effectivement assuré de nombreuses prestations de formation, ne saurait compenser le manquement ainsi relevé aux dispositions précitées des articles L. 6362-5 et L. 6362-6 du code du travail ; que par application de ces dispositions, la société MF2C doit être regardée comme n'ayant pas justifié le rattachement et le bien-fondé des dépenses à leurs activités sur la période contrôlée et est réputée ne pas avoir exécuté ces actions ; qu'en conséquence, et alors même que la société a produit des documents relatifs à l'exécution effective de certaines de ces actions, le préfet était légalement fondé à prendre la décision de rejet de l'ensemble des dépenses constatées sur la période contrôlée conformément aux dispositions de l'article L. 6362-10 du même code et à mettre à la charge de la société MF2C le remboursement à ses cocontractants des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1 ; qu'il a également fait une juste application des dispositions précitées de l'article L. 6362-7 en ordonnant le versement au Trésor public, solidairement avec Mme B..., d'une somme égale au montant des dépenses ayant fait l'objet de cette décision de rejet ;
10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 6362-7-2 du code du travail : " Tout employeur ou prestataire de formation qui établit ou utilise intentionnellement des documents de nature à éluder l'une de ses obligations en matière de formation professionnelle ou à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle est tenu, par décision de l'autorité administrative, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale aux montants imputés à tort sur l'obligation en matière de formation ou indûment reçus. " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société MF2C a intentionnellement fait obstacle aux opérations de contrôle menées par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; qu'à défaut d'avoir mis l'administration à même d'exercer ses missions de contrôle, et en persistant à s'abstenir de produire les documents demandés par les contrôleurs, la société requérante doit être regardée comme ayant indûment obtenu le paiement du prix des prestations de formation professionnelle sur la période concernée par ce contrôle ; qu'ainsi, le préfet a légalement pu faire application des dispositions précitées de l'article L. 6362-7-2 du code du travail et ordonner à la société MF2C le versement au Trésor public, solidairement avec Mme B..., d'une somme égale aux fonds indûment reçus ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société MF2C et Mme B... ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande ;
Sur la suppression des passages des écritures de la société MF2C et de Mme B... :
13. Considérant que les passages des écritures de première instance présentées par la société MF2C et Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille dont l'administration a demandé la suppression en application de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, qui reproduit les dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, ne peuvent être regardés comme injurieux ou diffamatoires ; qu'il y a lieu de faire droit à la demande des appelantes tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement contesté ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société MF2C et Mme B... demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du 3 mars 2015 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la société MF2C et Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Méditerranée formation conseil communication, à Mme B... et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 27 octobre 2017.
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N° 15MA01818