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23/10/2017 | FRANCE | N°15MA03615

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 23 octobre 2017, 15MA03615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...et Mme E... D...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté n° 2014-II-370 du 23 mai 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique l'acquisition des parcelles cadastrées RT 157 et RT 158, situées boulevard d'Angleterre sur la commune de Béziers, et a déclaré cessibles ces parcelles au profit de la commune et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté leur recours gracieux du 8 juillet

2014.

Par un jugement n° 1404143 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D...et Mme E... D...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté n° 2014-II-370 du 23 mai 2014 par lequel le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique l'acquisition des parcelles cadastrées RT 157 et RT 158, situées boulevard d'Angleterre sur la commune de Béziers, et a déclaré cessibles ces parcelles au profit de la commune et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté leur recours gracieux du 8 juillet 2014.

Par un jugement n° 1404143 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. et Mme D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 août 2015 et les 24 mai et 21 juillet 2017, M. et Mme D..., représentés par Me A... de la SCP d'avocats VERBATEAM, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 juin 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 mai 2014 portant déclaration d'utilité publique et cessibilité ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet de l'Hérault a rejeté leur recours gracieux du 8 juillet 2014 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Béziers le versement de la somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le mémoire enregistré le 28 mai 2015 et les pièces qu'il contenait n'ont pas été communiqués ;

- le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité du plan de prévention des risques naturels approuvé le 16 juin 2010, en tant qu'il classe leurs parcelles en zone d'aléa fort de risque de glissement de terrain, n'était pas inopérant ;

- il n'existe aucun risque menaçant gravement des vies humaines ;

- la notice présentée aux conseillers municipaux lors de la délibération préalable à l'ouverture de l'enquête publique comporte des informations erronées ;

- l'opération ne présente pas un caractère d'utilité publique ;

- l'arrêté en litige est entaché d'un détournement de pouvoir et de procédure ;

- il était possible de procéder à la sécurisation du site sans recourir à l'expropriation ;

- le bilan coût-avantage du projet est défavorable.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 décembre 2016 et le 5 juin 2017, la commune de Béziers, représentée par Me F... du cabinet F...- avocats associés, conclut au rejet de la requête et à qu'il soit mis à la charge des consorts D...la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- les autres moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- les autres moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me B... de la SCP d'avocats VERBATEAM, représentant M. et MmeD..., et de Me G... du cabinet F...- avocats associés, représentant la commune de Béziers.

1. Considérant que les consorts D...sont propriétaires à Béziers de terrains comprenant des maisons d'habitation anciennes avec terrasses, situés boulevard d'Angleterre, cadastrés respectivement section RT n° 157 et RT n° 158 ; qu'à la suite de nombreux glissements de terrains survenus dans cette zone et eu égard aux difficultés rencontrées pour conforter le site, la commune a décidé de recourir à la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, les consorts D...n'ayant pas accepté une vente amiable ; que, par un arrêté du 23 mai 2014, le préfet de l'Hérault a déclaré d'utilité publique l'acquisition de ces parcelles et les a déclarées cessibles au profit de la commune de Béziers ; que, par jugement du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de M. et Mme D... aux fins d'annulation de cet arrêté ainsi que la décision implicite par laquelle la commune de Béziers a rejeté leur recours gracieux ; que M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) " ; que les dispositions de l'article R. 611-1 du même code précise que : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. " ; qu'il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer un mémoire ou une pièce contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité ; qu'il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties ;

3. Considérant, qu'en l'espèce, les requérants n'établissent pas que l'absence de communication du mémoire en réplique du 28 mai 2015 et des pièces nouvelles produites ait pu préjudicier à leurs droits, dès lors qu'il s'agit de leurs propres productions et que les premiers juges ont répondu aux moyens invoqués en les écartant ; que dans ces conditions, la juridiction de première instance ne peut être regardée comme s'étant fondée sur de tels moyens pour rendre sa solution ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté portant déclaration d'utilité publique n'est pas une mesure d'application du plan de prévention des risques naturels ; qu'ainsi, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du plan de prévention des risques naturels approuvé en 2010 doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la notice explicative adressée aux conseillers municipaux mentionnait que l'îlot urbain situé boulevard d'Angleterre présentait un risque élevé pour la sécurité des personnes et des biens en raison de glissements de terrain récurrents survenus dans le secteur, en particulier depuis les mois de janvier et d'août 2006 et de l'absence de stabilisation du site en dépit des confortements considérables déjà réalisés ; que l'existence de ce risque n'est contredit par aucune pièce du dossier de première instance ou d'appel ; que, dans ces conditions, la notice explicative ne comportait pas d'informations erronées de nature à induire en erreur les conseillers municipaux ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 21 octobre 2013 en raison de l'information erronée donnée aux conseillers municipaux ;

6. Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Béziers a prévu d'importants travaux, notamment de purge des remblais avec création de bermes et d'ouvrages de soutènement ainsi que l'amélioration des butées de pied, la réfection des ouvrages existants et la réalisation de remblais renforcés et de divers ouvrages ; que ces travaux ont pour unique objectif de remédier à la dangerosité du site, liée aux glissements de terrains successifs, ainsi qu'il a été souligné au point 4, et de permettre ainsi la sécurisation durable de l'ensemble de la zone ; que, dans ces circonstances, le projet d'achat des deux parcelles appartenant aux consorts D... n'a pas pour objet de faire obstacle à l'exécution du jugement du 3 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Montpellier avait enjoint à la commune de Béziers de mettre en oeuvre les travaux de sécurisation des terrasses attenantes aux immeubles appartenant aux requérants, mais répond à une finalité d'intérêt général ; que, par ailleurs, si le renforcement de la sécurité de la zone était possible sans recourir à l'expropriation de ces deux parcelles, il ressort des chiffres avancés et non contredits que le coût global du traitement des désordres retenus par l'expert judiciaire et repris par le jugement susmentionné du 3 juillet 2012 s'élevait à une somme de 2 827 326,39 euros hors taxes alors qu'une sécurisation similaire du site après expropriation des deux seules parcelles s'élève à une somme de 149 093,95 euros ; que, par ailleurs, l'acquisition des parcelles litigieuses sera financée non directement par la commune mais entièrement par une subvention octroyée au titre du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit " Fonds Barnier " ; qu'enfin, s'agissant de l'atteinte portée à la propriété privée, il ressort des pièces du dossier que l'expropriation envisagée porte sur les deux seules parcelles, RT 157 et RT 158, d'une contenance respective de 263 m3 et de 181 m² ; qu'il ne ressort donc pas des pièces du dossier qu'il était possible, en l'espèce, de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation ; qu'ainsi l'atteinte à la propriété privée du projet n'est pas, eu égard à l'importance de l'opération et compte tenu notamment de son coût financier et des mesures prises afin de sécuriser le site, de nature à excéder l'intérêt qu'elle présente et à lui retirer, par suite, son caractère d'utilité publique ; qu'il ne ressort pas davantage du dossier que l'arrêté en litige serait entaché de détournement de pouvoir ou de procédure ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Béziers, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement d'une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par les consorts D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ; que, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des consorts D...la somme réclamée par la commune de Béziers au titre des mêmes frais ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête des consorts D...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Béziers tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D..., à M. C... D..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à la commune de Béziers.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2017, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 octobre 2017.

2

N° 15MA03615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03615
Date de la décision : 23/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01-02 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique. Existence.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : VERBATEAM

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-23;15ma03615 ?
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