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20/10/2017 | FRANCE | N°16MA01825

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 20 octobre 2017, 16MA01825


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 24 836 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de versement de l'allocation de service prévue par le décret du 27 mai 2004.

Par un jugement n° 1307018 du 21 mars 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2016, M.D..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d

'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 mars 2016 ;

2°) de condamner l'Etat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 24 836 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de versement de l'allocation de service prévue par le décret du 27 mai 2004.

Par un jugement n° 1307018 du 21 mars 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 mai 2016, M.D..., représenté par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 mars 2016 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 24 836 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de versement de l'allocation de service prévue par le décret du

27 mai 2004 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les dépens, y compris la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts.

Il soutient que :

- tous les officiers de police ont vocation à exercer des fonctions de chef de service et le poste de chef de service qu'il occupe depuis le 1er juillet 2008 ouvre droit au versement de l'allocation de service prévue par le décret du 27 mai 2004 ;

- les dispositions de ce décret qui réservent l'attribution de l'allocation de service aux seuls commandants de police méconnaissent le principe d'égalité ;

- le ministre de l'intérieur ne fait valoir aucune considération d'intérêt général de nature à justifier cette rupture d'égalité ;

- le ministre ne peut utilement opposer la possibilité pour les capitaines de police d'accéder au grade de commandant par un examen professionnel qui n'est pas prévu par les dispositions statutaires ;

- la circonstance que le poste de chef du service du renseignement intérieur à Manosque entraînerait des responsabilités moindres que celles qui existeraient dans d'autres postes est inopérante dès lors que ce poste figure sur la liste prévue par l'arrêté du 12 août 2010 ouvrant droit au versement de l'allocation de service ;

- il est indifférent qu'un capitaine de police soit bénéficiaire de l'allocation de service ;

- l'illégalité de l'absence de versement de l'allocation de service constitue une faute qui engage la responsabilité de l'Etat à son égard ;

- le préjudice économique s'élève sur la période du 12 août 2010 au 31 décembre 2013 à 14 836 euros ;

- il a subi un préjudice moral qui doit être réparé à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2017, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2004-455 du 27 mai 2004 ;

- l'arrêté du 23 décembre 2009 fixant les montants de la prime de commandement allouée aux fonctionnaires du corps de commandement de la police nationale ;

- l'arrêté du 12 août 2010 fixant la liste des postes de chef de service ou d'unité organique prévue par le décret n° 2004-455 du 27 mai 2004 modifié portant création d'une allocation de service allouée aux fonctionnaires du corps de conception et de direction de la police nationale et aux commandants de police chefs de circonscription de sécurité publique, de service ou d'unité organique ;

- l'arrêté du 6 janvier 2011 fixant les montants de la prime de commandement allouée aux fonctionnaires du corps de commandement de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., capitaine de police, a été nommé à compter du

1er juillet 2008 chef du service du renseignement intérieur (SRI) à Manosque ; qu'il relève appel du jugement du 21 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 24 836 euros en réparation du préjudice résultant de l'absence de versement de l'allocation de service prévue par le décret du 27 mai 2004 ;

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 mai 2004 susvisé, abrogé par le décret n° 2013-1144 du 11 décembre 2013 : " En raison des responsabilités particulières qu'ils assument et des contraintes inhérentes à leurs fonctions, il peut être alloué une allocation de service aux fonctionnaires du corps de conception et de direction de la police nationale, à l'exclusion des élèves, et aux commandants de police nommés par arrêté chef de circonscription de sécurité publique, de service ou d'unité organique. / Un membre du corps de commandement qui exerce l'intérim d'un membre du corps de conception et de direction ou d'un membre du corps de commandement exerçant les fonctions mentionnées au premier alinéa peut percevoir, à partir du premier jour du septième mois de cet intérim, l'allocation de service d'un membre du corps de commandement exerçant les fonctions susmentionnées " ; qu'aux termes de l'article 2 de ce même décret : " L'allocation de service est versée mensuellement après service fait. Elle est exclusive du bénéfice : (...) - de la prime de commandement ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du même décret : " Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la fonction publique fixent les montants moyens mensuels de l'allocation de service en fonction des grades et des emplois des bénéficiaires. / Le montant des attributions individuelles de l'allocation de service tient compte de l'importance des responsabilités exercées, de la manière de servir et des sujétions de toute nature inhérentes à l'exercice des fonctions et peut être versé dans la limite de 110 % des montants moyens " ; qu'en application de l'article 4 du même décret, la liste des postes de chefs de service ouvrant droit à l'allocation de service est fixée par arrêté du ministre de l'intérieur ; que, par arrêté du 12 août 2010, le poste de chef du service du SRI à Manosque a été inscrit sur cette liste ;

3. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire traite de manière différente des agents appartenant à un même corps si cette différence de traitement est justifiée soit par les conditions d'exercice des fonctions, soit par les nécessités du service ou l'intérêt général et dès lors qu'elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs susceptibles de la justifier ;

4. Considérant que, si la détention du grade de commandant constitue une différence de situation objective entre les membres du corps de commandement, et notamment ceux qui détiennent ce grade et ceux qui sont titulaires du grade de capitaine, cette différence est sans rapport avec l'objet de l'indemnité instituée par le décret du 27 mai 2004 dont le versement est conditionné à l'exercice des responsabilités qu'elles précisent ; que les conditions d'exercice des fonctions ouvrant droit à cette allocation sont identiques quel que soit le grade de celui qui les occupe ; que le ministre de l'intérieur n'a avancé aucune nécessité du service ou raison d'intérêt général qui serait de nature à justifier la différence de traitement litigieuse ; que, par suite, M. D... est fondé à soutenir qu'en réservant aux seuls commandants exerçant une fonction de chef de service ou d'unité organique le bénéfice de l'allocation de service, l'article 1er du décret du 27 mai 2004 précité méconnaît le principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps de fonctionnaires ; qu'en faisant application de ces dispositions à M. D...pour refuser de lui verser l'allocation de service, l'administration a ainsi commis une faute engageant la responsabilité de l'Etat pour réparer les préjudices qui en résultent ;

5. Considérant que M. D...a subi un préjudice économique qui résulte de la différence entre la prime de commandement perçue et l'allocation de service qui aurait dû l'être s'élève sur la période du 12 août 2010, date à laquelle le poste de chef du service du SRI à Manosque a été éligible au versement de cette allocation, au 31 décembre 2013, date au lendemain de laquelle l'allocation de responsabilités et de performance a été servie, y compris aux capitaines de police, en remplacement de cette allocation ; que le montant mensuel de la prime de commandement fixé par l'arrêté du 23 décembre 2009 était de 366 euros du

12 août 2008 au 31 décembre 2010 ; que l'arrêté du 6 janvier 2011 a porté ce montant à

378 euros à compter du 1er janvier 2011 ; que l'arrêté du 7 novembre 2006 a fixé à 743 euros le montant mensuel moyen de l'allocation de service versée aux commandants occupant les fonctions de chef de circonscription de sécurité publique, de service ou d'unité organique ;

6. Considérant que, le préjudice économique subi par le requérant s'élève, sur la période du 12 août 2008 au 31 décembre 2010, à la somme de 1 696 euros et, sur la période du

1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, à la somme de 13 140 euros, soit à la somme totale de 14 836 euros, d'ailleurs non contestée en défense ;

7. Considérant qu'en se bornant à faire valoir qu'il a occupé un poste emportant des contraintes particulières sans percevoir la reconnaissance indemnitaire constituée par l'allocation de service, M. D...ne justifie pas que la faute commise par l'administration a également été la cause d'un préjudice moral ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que l'Etat doit être condamné à lui verser la somme de 14 836 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction en vigueur à la date du 12 novembre 2013 à laquelle la demande de

M. D...a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Marseille : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;

11. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'Etat la contribution pour l'aide juridique de 35 euros prévue par l'article 1635 bis Q du code général des impôts acquittée par M. D...en première instance ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 mars 2016 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. D...la somme de 14 836 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D...est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. D...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros au titre de l'article R. 761-1 du même code.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2017, où siégeaient :

- M. Gonzales, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2017.

N° 16MA01825 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01825
Date de la décision : 20/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : GERNEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-10-20;16ma01825 ?
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