Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...D...et Mme C...D...ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 15 juillet 2013 leur ordonnant de cesser l'activité de mise sur le marché du lait provenant de leur exploitation agricole.
Par un jugement n° 1305199 du 19 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2016, les consortsD..., représentés par MeB..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2015 ;
2°) d'annuler la décision du préfet des Bouches-du-Rhône du 15 juillet 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à leur verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le préfet leur a laissé un délai de quarante-huit heures insuffisant pour présenter leurs observations en violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
- les mesures correctives à prendre n'étaient pas clairement définies et le caractère non conforme du local de stockage du lait n'a pas été motivé ;
- le préfet ne les a pas mis à même de prendre les mesures correctives préconisées comme le prévoit l'article L. 233-1 du code rural et de la pêche maritime ;
- il n'a pas été tenu compte des mesures qu'ils avaient déjà mises en oeuvre pour assurer la conformité de leur exploitation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués à l'encontre de la décision en litige du préfet des Bouches-du-Rhône n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hameline,
- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public.
1.Considérant que M. A...D...et sa soeur Mme C...D...exploitent un élevage de bovins pour la production laitière à Aix-en-Provence ; qu'à la suite d'un contrôle de leur exploitation par la direction départementale de la protection des populations, une mise en demeure de prendre des mesures correctives afin d'assurer la sécurité sanitaire des aliments leur a été notifiée le 7 juin 2013 ; que l'atelier de production de lait cru présentant toujours plusieurs caractéristiques non conformes selon un nouveau contrôle opéré le 3 juillet 2013, le préfet des Bouches-du-Rhône a informé les consorts D...de son intention de faire cesser leur activité de mise sur le marché de lait cru et les a invités à produire leurs observations ; que, par un arrêté du 15 juillet 2013 notifié aux intéressés le 18 juillet suivant, le préfet a ordonné la cessation de l'activité de commercialisation de lait cru de l'exploitation ; que les consorts D...relèvent appel du jugement du 19 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors applicable : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) " ;
3. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône a notifié aux consorts D...par un courrier du 5 juillet 2013 son intention de prononcer une décision de cessation d'activité de vente du lait cru provenant de leur exploitation, pour des motifs de santé publique tenant aux manquements majeurs aux règles d'hygiène constatés lors du contrôle de leurs installations, en leur octroyant un délai de quarante-huit heures pour présenter d'éventuelles observations ; que les requérants ont effectivement adressé des observations par un courrier du 6 juillet 2013 faisant notamment état de diverses difficultés qu'ils rencontraient dans leur exploitation ainsi que du traitement satisfaisant apporté aux animaux ; que l'administration a pu prendre connaissance en temps utile de ces observations qu'elle a reçues le 10 juillet 2013 et n'a édicté la mesure en litige que le 15 juillet 2013 soit dix jours après l'envoi de la lettre mettant en oeuvre la procédure contradictoire ; que, si les requérants font valoir que le délai imparti par cette lettre pour présenter des observations était insuffisant pour leur permettre d'invoquer des arguments en leur faveur avant l'édiction de l'arrêté leur interdisant de commercialiser leur production laitière, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont eu dans la période d'un mois et demi précédant l'arrêté de multiples occasions de faire valoir leur point de vue auprès de l'administration sur le contenu des mesures correctrices demandées et l'adaptation de celles-ci aux caractéristiques de leur exploitation ; qu'ils ont en effet été destinataires le 7 juin 2013 d'une première mise en demeure assortie de l'énoncé de mesures correctrices dont le délai de mise en oeuvre était fixé, pour certaines, à sept jours, pour les autres, à trois mois, qui les informait qu'à défaut de mise en conformité, la cessation d'activité de l'atelier de production de lait serait envisagée, à la suite d'un contrôle ayant notamment mis en évidence la présence importante de mouches dans le tank de stockage du lait cru ; que le nouveau contrôle sur place opéré le 3 juillet 2013, qui a révélé que les actions correctrices pour lesquelles le délai de mise en oeuvre avait été fixé à sept jours n'avaient pas été engagées de sorte que le risque pour la santé publique perdurait, leur a également permis d'être informés sur les conséquences de la situation constatée ; que, dans ces conditions, le délai de quarante-huit heures fixé aux consorts D...par le courrier du préfet du 5 juillet 2013, qui avait pour seule fin de leur permettre de faire valoir leurs éventuelles observations écrites ou orales sur la mesure envisagée et non de leur imposer de rendre l'exploitation totalement conforme dans ce même délai, n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 233-1 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque, du fait d'un manquement aux dispositions mentionnées à l'article L. 231-1 ou à la réglementation prise pour leur application, un établissement présente ou est susceptible de présenter une menace pour la santé publique, les agents habilités en vertu de l'article L. 231-2 peuvent ordonner la réalisation de travaux, d'opérations de nettoyage, d'actions de formation du personnel et d'autres mesures correctives, ainsi que le renforcement des autocontrôles. En cas de nécessité, le préfet peut prononcer, sur proposition de ces agents, la fermeture de tout ou partie de l'établissement ou l'arrêt d'une ou de plusieurs de ses activités. " ;
5. Considérant que ces dispositions permettent au préfet de prononcer la fermeture d'un établissement présentant ou susceptible de présenter une menace pour la santé publique afin qu'il soit mis en conformité avec les règlementations que ces dispositions mentionnent ; qu'en principe, une telle décision intervient pour que soient réalisées les mesures correctives ordonnées par l'administration et prévoit la réouverture de l'établissement lorsque les services compétents auront constaté sa mise en conformité ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les consorts D...ont eu connaissance de manière détaillée par la mise en demeure dont ils ont fait l'objet le 7 juin 2013 des diverses caractéristiques non conformes à la réglementation applicable relevées dans leur exploitation et des mesures correctrices qui leur étaient demandées afin d'assurer l'hygiène et la sécurité sanitaire lors de la traite des animaux et du stockage du lait cru ; que l'arrêté préfectoral du 15 juillet 2013 imposant la cessation de commercialisation du lait cru, qui était suffisamment motivé en fait et en droit, comportait lui-même une annexe dressant une liste de cinq mesures correctives prescrites concernant respectivement le nettoyage de l'aire de stabulation, la propreté des animaux, le nettoyage et le stockage des équipements et récipients entrant en contact avec le lait, l'installation d'un point d'eau équipé d'un dispositif de lavage et de séchage près de la zone de traite, et la fourniture d'une évaluation de la quantité de lait produite quotidiennement en précisant sa destination ; que l'article 3 de l'arrêté précisait que l'abrogation de l'interdiction de commercialisation était subordonnée à la constatation sur place de la réalisation intégrale de ces mesures ; que, par suite, les requérants ne peuvent valablement affirmer qu'ils n'ont pas été mis à même de connaître précisément les règles méconnues et les mesures qu'ils étaient tenus de mettre en oeuvre pour remédier aux risques constatés pour la santé publique ; qu'ils ne sont pas davantage fondés à soutenir que l'arrêté leur imposant de cesser la commercialisation du lait cru n'avait pas, conformément à l'article L. 233-1 du code rural et de la pêche maritime, un objet temporaire visant à la réalisation effective de ces mesures avant toute reprise de l'activité ;
7. Considérant, en troisième et dernier lieu, que l'arrêté en litige a été pris, ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, en raison de plusieurs manquements persistants aux règles d'hygiène et d'entretien des lieux de traite et des installations de production de lait de l'exploitation des consortsD..., ces manquements et l'insuffisance des mesures de maîtrise du risque présentant selon l'administration des dangers pour la santé publique qui ne sont aucunement contestés par ces derniers ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait mal pris en compte les caractéristiques de l'activité des requérants en édictant la mesure en litige, qui fait suite comme il a été dit précédemment à des constats répétés effectués sur place et ne permettant pas de conclure à une amélioration des conditions sanitaires, alors notamment que le lait cru était stocké dans un garage sans zone de stockage spécifique protégée des contaminations et permettant un nettoyage, que la présence de nombreuses mouches mortes dans le tank à lait était relevée, que les bidons nettoyés étaient entreposés ouverts dans un environnement poussiéreux à proximité d'un véhicule, et que la zone de traite des animaux ne disposait pas de conditions d'hygiène satisfaisantes ; que si les consortsD... ont, notamment dans leur courrier du 6 juillet 2013, fait état de difficultés rencontrées pour assurer la pérennité de leur exploitation dans un contexte de travaux de construction immobilière à proximité, et indiqué que leurs animaux étaient en bonne santé et alimentés en eau de manière satisfaisante, ces éléments ne présentent en toute hypothèse pas de lien direct avec les manquements relevés concernant les conditions sanitaires de la production et du stockage du lait cru, qui ne sont pas utilement contestés ; que dès lors, les requérants n'établissent pas que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur d'appréciation, ni qu'il aurait pris à leur encontre une mesure disproportionnée en édictant, après une mise en demeure non suivie de la réalisation de mesures permettant d'obtenir des conditions sanitaires d'exploitation satisfaisantes, une interdiction de commercialisation du lait cru de leur exploitation dans l'attente de la mise en oeuvre de ces mesures correctrices ;
8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les consorts D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 15 juillet 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse aux requérants la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête des consorts D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme C...D...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
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N° 16MA00545