Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Rognonas a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 16 mai 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au bénéfice de l'Etat, les immeubles nécessaires à la réalisation des tranches 2 et 3 de la liaison Est-Ouest (LEO) au sud d'Avignon, sur le territoire des communes de Rognonas et de Châteaurenard.
Par un jugement n° 1306031 du 3 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 février 2016, sous le n° 16MA00405, la commune de Rognonas, représentée par MeB..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 décembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 16 mai 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de l'exception d'illégalité du décret du 16 octobre 2003 déclarant d'utilité publique le projet " LEO " ;
- le dépôt du dossier de l'enquête parcellaire ne lui a pas été notifié, ainsi qu'à un autre propriétaire en violation de l'article R. 11-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- l'arrêté contesté est illégal en raison de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique du projet en cause compte tenu des changements intervenus depuis dans les circonstances de fait tenant à l'augmentation du coût du projet, au report de la réalisation de ses tranches 2 et 3, à l'exposition à un risque d'inondation d'aléa fort, à la modification substantielle de son tracé et à l'abandon de la liaison entre les autoroutes A7 et A9 ;
- ces éléments privent le projet litigieux d'utilité publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Rognonas ne sont pas fondés.
Un courrier du 24 janvier 2017 adressé aux parties, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Un avis d'audience portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative a été adressé le 8 août 2017.
Un mémoire présenté pour la commune de Rognonas a été enregistré le 10 août 2017, postérieurement à la clôture d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marchessaux,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant la commune de Rognonas.
Une note en délibéré présentée pour la commune de Rognonas a été enregistrée le 19 septembre 2017.
1. Considérant que la commune de Rognonas relève appel du jugement du 3 décembre 2015 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mai 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a déclaré cessibles, au bénéfice de l'Etat, les immeubles nécessaires à la réalisation des tranches 2 et 3 de la liaison Est-Ouest au sud d'Avignon, sur le territoire des communes de Rognonas et de Châteaurenard ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. " ;
3. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune appelante, le tribunal a répondu précisément au moyen tiré de l'exception d'illégalité du décret du 16 octobre 2003 déclarant d'utilité publique le projet " LEO " par onze considérants dont le n° 5 concerne le moyen tiré de la compatibilité du projet contesté avec le plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) à l'appui duquel elle se prévalait du classement de certaines parcelles en zone d'aléas forts et le n° 8 répond à la perte d'utilité publique alléguée ; qu'ainsi, le jugement attaqué n'est entaché ni d'une insuffisance de motivation, ni d'une omission à statuer ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté du 16 mai 2013 :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " Notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite par l'expropriant, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception aux propriétaires figurant sur la liste établie en application de l'article R. 11-19 lorsque leur domicile est connu d'après les renseignements recueillis par l'expropriant ou à leurs mandataires, gérants, administrateurs ou syndics ; en cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire qui en fait afficher une et, le cas échéant, aux locataires et preneurs à bail rural. " ; que ces dispositions ont notamment pour objet de permettre aux propriétaires concernés par l'expropriation de formuler leurs observations durant l'enquête parcellaire ;
5. Considérant que si la commune de Rognonas soutient que le dépôt du dossier de l'enquête parcellaire ne lui a pas été notifié, elle a, toutefois, reconnu dans sa requête de première instance que la notification de l'ouverture de l'enquête publique et du registre d'enquête était intervenue le 10 décembre 2012 ; que par ailleurs, la circonstance que des parcelles aient été regardées à tort comme appartenant à l'association syndicale forcée du 13ème syndicat de la Durance, alors que, par arrêté du 2 novembre 2004, le maire de la commune a constaté la dissolution de l'association et que, par délibération du 15 octobre 2004, le conseil municipal a accepté le transfert de ses biens fonciers, de sorte que la collectivité en est ainsi devenue propriétaire, n'a pas privé cette dernière d'une garantie, le maire de Gémenos ayant fait valoir ses observations le 30 janvier 2013 lors de l'enquête parcellaire, ou aurait influé sur le sens de la décision contestée ; que la commune de Rognonas ne peut utilement se prévaloir de l'irrégularité de cette notification à l'héritier de M. A...dès lors qu'elle n'est pas propriétaire de ces parcelles; qu'en tout état de cause elle ne conteste pas les allégations du ministre de l'environnement selon lesquelles en l'absence d'héritier connu de M. A...décédé le 7 novembre 1991, la notification du dossier d'enquête a été faite au maire de la commune de Rognonas, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 11-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et que l'héritière de M. A...s'étant fait connaître au moment de l'enquête parcellaire, son nom a été ajouté à l'état parcellaire, comme le démontre ce document ; qu'ainsi, ce moyen doit être écarté ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Si les immeubles expropriés n'ont pas reçu, dans le délai de cinq ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique. " ; que la commune de Rognonas ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions qui ont été créées par l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, postérieurement à l'arrêté contesté ; qu'en tout état de cause, la circonstance que l'article 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors en vigueur institue au profit du propriétaire exproprié un droit de rétrocession en l'absence de réalisation du projet dans les cinq ans suivant l'ordonnance d'expropriation, postérieurement à l'arrêté de cessibilité, est sans incidence sur sa légalité ;
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du décret du 16 octobre 2003 portant déclaration d'utilité publique des travaux de la liaison LEO :
7. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
8. Considérant que les travaux de construction de la liaison est-ouest au sud d'Avignon, dénommée voie "LEO", entre Les Angles (RN 100) et le lieu-dit L'Amandier, à Avignon (RN 7), ainsi que la déviation de la RN 570 à Rognonas et son raccordement à la liaison est-ouest au sud d'Avignon, ont pour objet d'améliorer le réseau de transport de l'agglomération d'Avignon, en facilitant la desserte de la nouvelle gare TGV et de la zone d'activité de la Courtine située au sud de la ville et en participant à l'amélioration générale du trafic, qui est actuellement de l'ordre de 31 000 à 45 000 véhicules/jour en différents points de son tracé ; que compte tenu de l'importance des avantages que les populations des communes intéressées retireront de l'amélioration du réseau routier, ainsi que de l'ensemble des précautions prises pour mener à bien ce projet, et malgré son coût global nécessairement élevé eu égard aux caractéristiques de l'environnement et aux mesures de protection envisagées, ainsi que les atteintes à la propriété privée, son impact sur l'agriculture et les nuisances sonores qu'il génère, les inconvénients du projet litigieux ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'il présente ; qu'il s'ensuit et comme l'a jugé au demeurant le Conseil d'Etat dans son arrêt n° 262681 du 27 juin 2005 rejetant les requêtes dirigées contre le décret du 16 octobre 2003, le moyen tiré de ce que le projet serait dépourvu d'utilité publique doit être écarté ;
9. Considérant enfin que la légalité d'un décret déclarant d'utilité publique une opération s'apprécie à la date à laquelle il est intervenu ; que, par suite, la commune de Rognonas ne peut utilement invoquer à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté préfectoral de cessibilité du 16 mai 2013 intervenu dans le délai de validité de 10 ans du décret du 16 octobre 2003 des changements dans les circonstances de fait postérieurs à ce décret pour discuter de l'utilité publique de l'opération ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Rognonas n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de cessibilité du 16 mai 2013 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune de Rognonas quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci ont exposés et non compris dans les dépens ;
DÉC I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Rognonas est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rognonas et au ministre de la transition écologique et solidaire.
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N° 16MA00405