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29/09/2017 | FRANCE | N°16MA02607

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2017, 16MA02607


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 décembre 2013 par laquelle la société Orange a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1400666 du 15 avril 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 juin 2016 et le 28 avril 2017, M. C... demande à la Cour :

1°) d'annule

r ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 avril 2016 ;

2°) d'annuler la décision précitée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 décembre 2013 par laquelle la société Orange a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois.

Par un jugement n° 1400666 du 15 avril 2016, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 juin 2016 et le 28 avril 2017, M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 15 avril 2016 ;

2°) d'annuler la décision précitée du 3 décembre 2013 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de le placer dans une situation légale et réglementaire conformément à son statut de fonctionnaire de l'Etat.

Il soutient que :

- c'est en méconnaissance de l'article 62 de la Constitution et des principes affirmés par le Conseil constitutionnel que le tribunal a fait application de l'article 29 de la loi n°90-568 du 2 juillet 1990 ;

- il a été placé d'office en position hors cadre sans en avoir formulé la demande ;

- en retenant la qualification de " fonctionnaire de France Télécom " tout en s'abstenant de requérir les pièces afférentes à la position statutaire hors cadre du fonctionnaire, le tribunal a méconnu l'article 31 de la loi n°2016-483, l'article 49 de la loi n°84-16, l'article 40 du décret n°85-986, l'article 18 de la loi n°83-634, ainsi que les règles jurisprudentielles relatives à la charge de la preuve ;

- aucun acte nouveau concernant sa situation administrative depuis 1990 ne lui a été notifié de sorte qu'il demeure fonctionnaire de l'Etat et non de France Télécom ;

- la décision du Tribunal européen du 26 février 2015 reconnait explicitement la qualité de salarié aux fonctionnaires de France Télécom ;

- la société Orange, dépourvue de toute mission de service public, ne peut employer un fonctionnaire de l'Etat ;

- il n'est pas placé sous l'autorité de la société Orange dès lors qu'il n'a pas quitté son corps et son grade d'origine, qu'il n'est ni fonctionnaire d'Orange, ni salarié de cette société ;

- la société privée Orange ne pouvait valablement constituer une commission paritaire prévue pas le statut de la fonction publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2017, la société Orange conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. C...d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;

- la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 ;

- le décret n° 58-777 du 25 août 1958 ;

- le décret n° 91-103 du 25 janvier 1991 ;

- le décret n°94-131 du 11 février 1994 ;

- le décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeD...,

- et les conclusions de M.B.soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi

1. Considérant que M. C...relève appel du jugement du 15 avril 2016 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande d'annulation de la décision du 3 décembre 2013 par laquelle la société Orange a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant que la loi du 2 juillet 1990 a créé, aux termes de son article 1er, les exploitants publics La Poste et France Télécom ; que selon l'article 29 de cette loi : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi que dans les conditions de l'article 29-1 " ; qu'aux termes de l'article 29-1 de cette loi dans sa version applicable au litige : 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent.soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité. L'entreprise nationale France Télécom emploie librement des agents contractuels sous le régime des conventions collectives. " ; qu'en vertu de l'article 44 de la même loi, les fonctionnaires en activité affectés au 31 décembre 1990 dans des emplois relevant de la direction générale de la poste ou de la direction générale des télécommunications ont été placés de plein droit respectivement sous l'autorité du président du conseil d'administration de la Poste ou celui de France Télécom à compter du 1er janvier 1991, sans changement de leur position statutaire ;

3. Considérant que la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom a transformé la personne morale de droit public France Télécom en une entreprise nationale ; que l'article 5 de cette loi a modifié l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 et rattaché les corps de fonctionnaires de France Télécom à l'entreprise nationale France Télécom, les plaçant sous l'autorité du président de cette entreprise, qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard, l'entreprise ne pouvant plus procéder à des recrutements externes de fonctionnaires à compter du 1er janvier 2002 et pouvant employer librement des agents contractuels sous le régime des conventions collectives ; que la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom a soumis cette entreprise aux dispositions applicables aux sociétés anonymes sous réserve des dispositions particulières de la loi du 2 juillet 1990 ; que, selon l'article 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 modifié par la loi du 31 décembre 2003, les pouvoirs nécessaires à la nomination et à la gestion, sauf pour le prononcé de sanctions disciplinaires du quatrième groupe, des fonctionnaires présents dans l'entreprise ont été confiés au président de France Télécom durant la période transitoire liée à la présence de fonctionnaires dans l'entreprise ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 62 de la constitution :

4. Considérant que l'article 62 de la Constitution dispose en son second alinéa : " Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ".

5. Considérant que si l'appelant se prévaut de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, laquelle, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 62 de la constitution, a jugé que les dispositions des articles 29, 29-1 et 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 susvisée sont conformes à la Constitution, il n'apparait nullement qu'en se prononçant sur la conformité à la Constitution de ce texte, le Conseil constitutionnel aurait émis une réserve d'interprétation et estimé que les articles 29 et 44 de cette loi concerneraient des catégories de fonctionnaires respectivement distinctes ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'en faisant application à sa situation des articles en cause, le jugement attaqué aurait méconnu les dispositions de l'article 62 de la Constitution qui définissent l'autorité qui s'attache aux décisions du Conseil constitutionnel ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité de sa position statutaire :

6. Considérant que les fonctionnaires en service au ministère chargé de la poste et des télécommunications antérieurement à la réforme effectuée par la loi du 2 juillet 1990 ont été intégrés d'office dans de nouveaux corps, dits de " reclassement ", créés au sein de La Poste et de France Télécom, par l'effet de décrets statutaires pris pour l'application de la loi du 2 juillet 1990 ; que ces décrets ont modifié ou remplacé et abrogé les décrets statutaires qui régissaient auparavant les corps des fonctionnaires de l'ancienne administration des postes et télécommunications ; que des décrets ultérieurs ont fixé les statuts particuliers de nouveaux corps dits de " reclassification " ; que les fonctionnaires appartenant aux corps de " reclassement " ont eu le choix d'opter pour l'intégration, selon une procédure spécifique, dans les nouveaux corps de " reclassification " ou de demeurer dans les corps et grades de " reclassement " ; qu'ainsi, les anciens corps de fonctionnaires du ministère chargé de la poste et des télécommunications ont été supprimés après l'entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 1990 et les fonctionnaires issus de l'ancienne administration des postes et télécommunications ont été intégrés dans un corps de " reclassement ", puis, le cas échéant sur leur demande, dans un corps de " reclassification " ;

7. Considérant, d'une part, que M. C...en activité dans le corps des inspecteurs des postes et télécommunications, a été intégré d'office dans le corps des inspecteurs de France Télécom par le décret n° 91-103 du 25 janvier 1991 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs de La Poste et du corps des inspecteurs de France Télécom, désormais régi par le décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011 ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'a pas été placé en position hors cadre ;

8. Considérant, d'autre part, que les fonctionnaires ne peuvent invoquer aucun droit acquis au maintien de leur statut, lequel peut être modifié à tout moment, dans le respect des dispositions législatives en vigueur ; que les dispositions transitoires de l'article 44 de la loi du 2 juillet 1990 n'interdisaient pas que soient modifiées ultérieurement les règles statutaires applicables aux corps de fonctionnaires auxquels ces personnels ont continué d'appartenir après le 1er janvier 1991 ; que, dès lors, l'appelant ne peut valablement soutenir qu'il aurait été intégré dans un corps de reclassement sans y avoir consenti ;

9. Considérant, enfin que, comme il vient d'être dit, l'intégration d'office de M. C...de l'ancien corps de l'administration de la poste et des télécommunications dans le corps de " reclassement " de France Télécom a été effectuée en conséquence des décrets statutaires pris après l'intervention de la loi du 2 juillet 1990 et pour son application ; que la circonstance alléguée selon laquelle cette intégration n'aurait été précédée d'aucun acte individuel est dépourvue d'incidence sur la légalité de la situation administrative de l'intéressé ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'illégalité du rattachement hiérarchique à la société Orange :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 susvisée : " Durant une période transitoire, liée à la présence de fonctionnaires dans l'entreprise, les pouvoirs nécessaires à la nomination et à la gestion des fonctionnaires présents dans l'entreprise sont conférés au président de France Télécom désigné par le conseil d'administration. Toutefois, le pouvoir de prononcer les sanctions disciplinaires du quatrième groupe, prévues à l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, appartient au ministre chargé des télécommunications qui l'exerce sur proposition du président de France Télécom et après avis de la commission administrative paritaire siégeant au conseil de discipline. " ;

11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, M. C...étant placé dans une situation statutaire et règlementaire au sein de France Télécom devenue depuis la société Orange, le président de ladite société tenait des dispositions précitées de l'article 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 le pouvoir d'infliger à M. C...la sanction contestée ; qu'en outre, la circonstance , à la supposer même établie, que la société Orange ne participerait pas à la réalisation d'une mission reconnue par la loi comme de service public, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne :

12. Considérant qu'il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne relative à la réforme du financement des retraites des fonctionnaires rattachés à France Télécom après la transformation en société anonyme de cette dernière que les fonctionnaires de l'Etat intégrés dans les corps de France Télécom relèveraient de la qualité de salarié d'une entreprise privée ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union Européenne ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la commission administrative

paritaire :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 67 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique de l'Etat : " Le pouvoir disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui l'exerce après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline et dans les conditions prévues à l'article 19 du titre Ier du statut général. Cette autorité peut décider, après avis du conseil de discipline, de rendre publics la décision portant sanction et ses motifs (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 février 1994 relatif aux commissions administratives paritaires de France Télécom : " Des commissions administratives paritaires sont instituées à France Télécom selon les règles énoncées par le présent décret " ; qu'aux termes de l'article 2 de ce même décret : " Une commission administrative paritaire est créée pour chaque corps de fonctionnaires de France Télécom. " ;

14. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les commissions administratives paritaires, pour les personnels concernés par le décret susvisé du 11 février 1994, pouvaient régulièrement être constituées en application des dispositions précitées de l'article 2 dudit décret ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que la société Orange ne pouvait réunir de commission administrative paritaire ;

15. Considérant, qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 3 décembre 2013 par laquelle la société Orange a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette la requête de M.C..., n'implique aucune mesure d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

19. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme de 1 500 euros à verser à la société Orange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : M. C...versera à la société Orange la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et à la société Orange.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2017, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2017.

2

N° 16MA02607


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02607
Date de la décision : 29/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : AARPI DE GUILLENCHMIDT et ASSOCIÉS - DGA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-09-29;16ma02607 ?
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