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29/09/2017 | FRANCE | N°16MA01188

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2017, 16MA01188


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Hérault a déféré la société civile immobilière Kbax et son gérant, M. D... E..., devant le tribunal administratif de Montpellier comme prévenus de contraventions de grande voirie, et a demandé, d'une part, que le tribunal condamne solidairement ceux-ci au paiement d'une amende en application des dispositions des articles L. 2132-26 et L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques pour occupation illicite du domaine public maritime résultant de l'édification d'une

clôture et de pieux sur le rivage de la mer, au lieu-dit " La Grande Cosse " s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de l'Hérault a déféré la société civile immobilière Kbax et son gérant, M. D... E..., devant le tribunal administratif de Montpellier comme prévenus de contraventions de grande voirie, et a demandé, d'une part, que le tribunal condamne solidairement ceux-ci au paiement d'une amende en application des dispositions des articles L. 2132-26 et L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques pour occupation illicite du domaine public maritime résultant de l'édification d'une clôture et de pieux sur le rivage de la mer, au lieu-dit " La Grande Cosse " sur le territoire de la commune de Vias, ainsi qu'au versement d'une somme de 50 euros au titre des frais engagés pour l'établissement du procès-verbal et, d'autre part, que le tribunal ordonne aux intéressés de supprimer les installations en cause et de libérer le domaine public maritime.

Par un jugement n° 1504234 du 29 janvier 2016, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la SCI Kbax et M. E... à payer une amende de 4 500 euros ainsi que les frais d'établissement du procès-verbal d'infraction pour un montant de 50 euros et enjoint à ces derniers de retirer sans délai la clôture en ganivelle et les pieux bois fichés dans le sol et de remettre les lieux en leur état initial sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, délai à compter duquel l'Etat sera autorisé à y pourvoir d'office, aux frais et risques de la SCI Kbax et de M. E....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 mars 2016 et le 3 mars 2017, la SCI Kbax, représentée par Me I..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 janvier 2016 ;

2°) de la relaxer des poursuites de contravention de grande voirie engagées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la compétence du rédacteur du procès-verbal et de l'autorité ayant procédé à sa notification n'est pas établie ;

- la passerelle en cause ne se situe pas dans le domaine public maritime ;

- elle n'est pas l'auteur des travaux d'extraction et de remblais de sable ;

- le montant de la contravention est supérieur à celui prévu par le code pénal ;

- elle ne saurait être condamnée à une remise en état des lieux dès lors que, le 2 juin 2015, les services municipaux de la commune de Vias ont supprimé la clôture en ganivelle.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 juillet 2016 et le 27 mars 2017, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. C...,

- et les observations de Me I..., représentant la SCI Kbax.

1. Considérant que la SCI Kbax relève appel du jugement du 29 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée, pour contravention de grande voirie, à raison de l'extraction de sable du rivage de la mer, l'édification d'une clôture en ganivelles et la pose de pieux sur le domaine public naturel, à payer une amende de 4 500 euros et à remettre immédiatement les lieux en l'état, sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, l'administration étant autorisée, en cas d'inexécution, à procéder d'office à la démolition des constructions en litige aux frais de la société contrevenante ;

Sur l'action publique :

En ce qui concerne la régularité des poursuites :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 43 du décret susvisé du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements : " Le préfet de département peut donner délégation de signature : (...) ; 2° Pour les matières relevant de leurs attributions, aux chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département ou à leurs subordonnés ; " ; qu'aux termes du I. de l'article 44 de ce décret : " I. - Les chefs de service mentionnés au 2° de l'article 43 peuvent subdéléguer leur signature à leurs subordonnés pour les attributions mentionnées aux articles 21, 22 et 23. " ; que par l'article 1er de l'arrêté n° 2014-I-1705 du 8 octobre 2014, publié au recueil des actes administratifs du 13 octobre 2014, Mme J...H..., directrice départementale des territoires et de la mer de l'Hérault, a reçu une délégation de signature du préfet de ce département pour signer notamment, en matière de contravention de grande voirie, la notification du procès-verbal au contrevenant ; qu'aux termes de l'article 2 de cet arrêté, Mme H... a été expressément autorisée à déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité ; que, dans ce cadre, par décision du 15 octobre 2014, publiée au recueil de la préfecture n° 110 du 17 octobre 2014, Mme H... a subdélégué sa signature à M. G..., directeur départemental interministériel adjoint ; que l'intéressé a signé le courrier de notification du procès-verbal à la SCI Kbax ; que, par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que la notification du procès-verbal en litige serait entachée d'incompétence de son signataire ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " (...) les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance (...) sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie " ;

4. Considérant que l'administration a versé au débat la carte de commissionnement de M. B... A..., technicien supérieur en chef du développement durable, ainsi que l'attestation de sa prestation de serment devant le tribunal de grande instance de Montpellier le 26 janvier 2006 ; que ces documents sont lisibles et probants ; que, par conséquent, l'intéressé était régulièrement habilité pour signer le procès-verbal de contravention de grande voirie ;

En ce qui concerne le bien-fondé des poursuites :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) ; / 3° Les lais et relais de la mer : / a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; / b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les lais et relais de la mer font partie du domaine public maritime naturel de l'Etat et ne peuvent faire l'objet d'une propriété privée, sans que puisse y faire obstacle les actes de propriété dont sont susceptibles de se prévaloir les riverains, et que, par suite, ces derniers ne peuvent y édifier des ouvrages ou y réaliser des aménagements sans l'autorisation de l'autorité compétente de l'Etat, sous peine de poursuites pour contravention de grande voirie ;

6. Considérant, qu'il appartient au juge administratif, saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, de reconnaître les limites du domaine public naturel et de dire si les terrains sur lesquels ont été commis les faits en raison desquels le procès-verbal a été dressé se trouvent ou non compris dans ces limites ;

7. Considérant qu'il ressort des constatations et relevés de la limite haute du rivage de la mer effectués par les agents du service maritime et de navigation du Languedoc-Roussillon les 2, 23 et 31 mars 2004 et les 13 et 14 décembre 2005, puis par les agents de la direction départementale des territoires et de la mer de l'Hérault le 20 mars 2012 et les 10 et 12 avril 2013, des clichés photographiques joints à ces constatations, des données sur l'état de la houle et du niveau marin à ces dates, et des reports de ces informations sur le plan d'état des lieux faisant figurer les limites cadastrales, annexé au procès-verbal de contravention de grande voirie en litige, que, sans qu'il soit nécessaire d'apporter une autre preuve de ce que les terrains en cause ont été soumis à l'action des flots avant que la mer ne s'en retire, la partie de la parcelle cadastrée AH n° 227 sur laquelle ont été édifiés les ouvrages en cause était située sur le rivage de la mer au sens des dispositions précitées de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, dès lors, les moyens tirés d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dans l'application de ces dispositions doivent être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " et qu'aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende " ;

9. Considérant qu'il résulte du procès-verbal dressé le 23 mars 2015, qu'ont été constatés au droit de la parcelle cadastrée section AH n° 227 appartenant à la SCI Kbax, située lieu dit " La Grande Cosse " à Vias, une extraction de sable du rivage de la mer sur une surface approximative de 850 m² et sur une hauteur moyenne d'un mètre, soit un volume d'environ 850 m3, la pose d'une clôture en ganivelles, à l'est de la parcelle, implantée perpendiculairement au rivage de la mer sur une longueur de 14 mètres et faisant obstacle à la libre circulation des piétons sur le rivage de la mer ainsi qu'un alignement de pieux en bois fichés dans le sol sur une distance de 20 mètres à l'ouest de la première clôture ; que les mentions du procès-verbal font foi jusqu'à preuve contraire ; que l'implantation des ouvrages litigieux sur le rivage de la mer est corroborée par les autres pièces du dossier, notamment la main courante rédigée le 8 avril 2015 par la police municipale à laquelle sont annexées plusieurs photographies des lieux concernant particulièrement la situation de l'enrochement édifié ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la matérialité de l'occupation sans titre du domaine public maritime est établie ; qu'ainsi, la contravention de grande voirie est caractérisée au regard des dispositions des articles L. 2122-1 et L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques ;

10. Considérant, en troisième lieu, que la personne susceptible d'être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de l'infraction ; qu'il ressort des documents photographiques joints au dossier que les aménagements en litige sont situés en pied de clôture au droit de la parcelle AH n° 227, elle-même située sur le domaine public maritime, et qui ont pour objet et pour effet de protéger ladite parcelle de l'érosion marine ; qu'ainsi la société requérante, qui utilise à son profit lesdits aménagements et doit être regardée comme en ayant la garde, n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était pas la personne susceptible d'être poursuivie pour la contravention contestée ;

11. Considérant, en quatrième lieu, que l'article 1er du décret susvisé du 25 février 2003 dispose que : " Toute infraction en matière de grande voirie commise sur le domaine public maritime en dehors des ports, et autres que celles concernant les amers, feux, phares et centres de surveillance de la navigation maritime prévues par la loi du 27 novembre 1987 susvisée, est punie de la peine d'amende prévue par l'article 131-13 du code pénal pour les contraventions de la 5e classe (...) " ; que, selon l'article 131-13 du code pénal, le montant de l'amende encourue pour les contraventions de la 5e classe est de 1 500 euros au plus ; qu'aux termes de l'article 131-41 du même code : " Le taux maximum de l'amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par le règlement qui réprime l'infraction. "

12. Considérant qu'eu égard notamment au barème prévu pour les contraventions de cinquième classe applicable aux personnes morales, le tribunal administratif n'a pas fait, dans les circonstances de l'espèce, une appréciation excessive du montant de l'amende infligée à la SCI Kbax ;

Sur l'action domaniale :

13. Considérant, d'une part, que si la SCI Kbax soutient que les dépendances du domaine public en cause auraient été remises en leur état initial suite à l'intervention des services techniques municipaux le 2 juin 2015, il ressort toutefois du constat d'huissier établi à sa demande que seul l'accès de la plage aux piétons a été remis en état ;

14. Considérant, d'autre part, que comme il a été dit au point 10, la SCI Kbax doit être regardée comme ayant la garde des ouvrages en litige ; que, dès lors, elle peut être condamnée à remettre les lieux en son état initial ;

15. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que la SCI Kbax n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par SCI Kbax et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société civile immobilière Kbax est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Kbax et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2017, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2017.

2

N° 16MA01188


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01188
Date de la décision : 29/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. Domaine public. Protection du domaine. Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jeannette FEMENIA
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : BOUMAZA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-09-29;16ma01188 ?
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