Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 7 avril 2015 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1503467 du 6 octobre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 3 mai 2016 par télécopie et régularisée par courrier le 17 mai suivant, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2015 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 avril 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale ", ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance, concernant la décision fixant le pays de destination, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en estimant qu'elle ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire, enregistré le 24 mai 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Cherrier, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Carotenuto a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme C..., ressortissante nigériane, est entrée en France le 5 février 2012 selon ses déclarations ; qu'elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile ; que sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 septembre 2012, confirmée par décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 juillet 2013 ; que par arrêté du 23 juillet 2013, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français ; que Mme C... a présenté le 10 mars 2015 une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " ; que par arrêté du 7 avril 2015, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme C... relève appel du jugement du 6 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7./ (...) " ;
4. Considérant que Mme C... fait valoir qu'elle est originaire d'une région du Nigéria à partir de laquelle opèrent des réseaux de proxénétisme vers l'Europe, qu'elle est entrée par l'intermédiaire d'un de ces réseaux en France où elle a été contrainte de se livrer à la prostitution, et qu'elle cherche à s'insérer dans la société française après avoir réussi à s'extraire de ce réseau grâce au soutien d'un ressortissant français ; qu'elle craint d'être exposée, en cas de retour au Nigéria, à des actes de vengeance de la part du réseau qui l'a fait entrer en France, et de ne pas pouvoir entretenir des relations sociales normales du fait de la réprobation de sa famille et de la société nigériane ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que l'intéressée ne réside en France que depuis l'année 2012, que ses efforts d'insertion dans la société française sont récents et que ses deux enfants mineurs sont restés auprès de leur père au Nigéria, alors qu'elle ne produit pas de pièces de nature à établir la réalité des risques qu'elle allègue encourir dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant qu'elle n'a pas fait valoir de circonstances de nature à justifier son admission au séjour à titre humanitaire sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant que pour les raisons exposées au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'arrêté attaqué sur la situation personnelle de Mme C... ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
6. Considérant que les premiers juges, qui étaient saisis du moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ont omis de se prononcer sur ce moyen, qui n'était pas inopérant ; qu'ainsi le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;
7. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur ces conclusions ;
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
8. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
9. Considérant que, ainsi qu'il a été dit au point 4, si Mme C... redoute d'être exposée, en cas de retour dans son pays d'origine, à des menaces et discriminations liées au fait qu'elle a été contrainte de se prostituer en France, elle ne produit pas plus en appel qu'elle ne l'avait fait en première instance d'éléments probants au soutien de l'allégation selon laquelle elle serait personnellement exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile les 28 septembre 2012 et 3 juillet 2013 ; que dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault aurait méconnu ces stipulations ;
10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
11. Considérant que si Mme C..., née le 14 janvier 1989, fait valoir qu'elle ne pourrait mener une vie familiale normale et serait socialement isolée en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 4, qu'elle est mère de deux enfants mineurs de nationalité nigériane, qui vivent au Nigéria avec leur père ; que, dans ces conditions et compte tenu de ce qui a été exposé au point 9, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le Nigeria comme pays de renvoi aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est ni fondée à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus d'admission au séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ; que ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par voie de conséquence, être accueillies ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 octobre 2015 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par Mme C... devant le tribunal administratif de Montpellier à fin d'annulation de la décision fixant le pays de destination sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C..., à Me A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, où siégeaient :
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- Mme Carotenuto, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.
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N° 16MA01850
nc