Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 12 octobre 2015 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter du jugement, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer un récépissé valant autorisation de travail.
Par un jugement n° 1503519 du 21 janvier 2016, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 février 2016 et le 24 mai 2016, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 janvier 2016 ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour mention "vie privée et familiale" dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois et de lui délivrer un récépissé valant autorisation de travail ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- il est entaché d'erreurs de fait ;
- il méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il viole l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet ne pouvait lui opposer une précédente obligation de quitter le territoire français ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet s'étant mépris sur l'adresse de l'employeur alors que l'adresse exacte était indiquée, le motif tiré de l'impossibilité d'instruire la demande est erroné ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en s'en remettant exclusivement à l'avis de la DIRECCTE ;
- l'arrêté méconnaît la circulaire du 28 novembre 2012 ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en se croyant tenu d'assortir sa décision de refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;
- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2017, le préfet de Vaucluse conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le
- 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Renouf.
1. Considérant que M. C..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 21 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 octobre 2015 du préfet de Vaucluse portant rejet de sa demande de titre de séjour et assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; que l'article R. 313-21 du même code dispose : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;
3. Considérant que M. C..., né en 1986, se prévaut d'un séjour habituel en France depuis fin 2009 ; qu'il est constant que ses parents vivent régulièrement en France ainsi que plusieurs de ses frères et soeurs qui ont bénéficié en 2008 du regroupement familial ; que ces circonstances, alors que l'intéressé ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans, ne suffisent pas à établir que la décision attaquée porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
4. Considérant, il est vrai, que M. C... établit entretenir une relation avec une compatriote qui vit en situation régulière en France et avec qui il a eu un enfant né le 5 juin 2014 ; qu'il n'est pas contesté que la législation marocaine ne reconnaît pas l'union libre, incrimine les relations sexuelles hors mariage et n'accorde pas aux enfants nés hors mariage les mêmes droits qu'aux enfants nés de parents mariés ; que toutefois, ces circonstances, mentionnées en termes généraux, ne sont assorties d'aucun élément quant aux conséquences effectives de cette législation sur sa situation personnelle qui empêcherait M. C... et sa compagne de poursuivre leur vie familiale dans le pays dont ils ont tous deux la nationalité ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que cependant, la fille de M. C... étant âgée de seulement 16 mois à la date de la décision attaquée et ses parents pouvant, ainsi que précisé ci-dessus, poursuivre leur vie commune dans leur pays d'origine, cette décision n'a pas, à la date à laquelle elle a été prise, méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
6. Considérant, en revanche, que si M. C... a fondé sa demande de titre de séjour salarié sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, inapplicable sur ce point aux ressortissants marocains, il ressort de la décision attaquée que le préfet de Vaucluse a accepté d'examiner la possibilité de régulariser la situation de l'intéressé en qualité de salarié ; que, pour rejeter sur ce point la demande de M. C..., le préfet de Vaucluse s'est borné à se prévaloir de ce que " il est impossible de statuer sur la demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail au motif que les courriers adressés à l'employeur sont revenus " destinataire inconnu " " ; que cependant, il ressort des pièces produites par M. C... que le préfet n'a pas adressé lesdits courriers à l'adresse indiquée expressément comme étant celle de l'employeur dans le cadre prévu à cet effet du formulaire administratif signé le 13 octobre 2014 par cet employeur, et produit par M. C... à l'appui de sa demande de titre de séjour ; que, par suite, alors même que le tampon que l'employeur a apposé sur divers documents à côté de sa signature porte l'adresse erronée à laquelle l'administration a adressé ses courriers, le préfet de Vaucluse a commis une erreur de fait en opposant à M. C... le fait que l'adresse de son employeur étant inexacte, sa demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail ne pouvait être instruite ; qu'ainsi, la décision prise par le préfet de Vaucluse le 12 octobre 2015 de rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. C... est entachée d'illégalité ainsi que, par voie de conséquence, la décision du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-3 du même code : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;
9. Considérant que l'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique seulement que le préfet de Vaucluse procède au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. C... dans un délai de deux mois à compter de sa notification ; qu'il y a lieu de le lui enjoindre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le préfet de Vaucluse demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1503519 du tribunal administratif de Nîmes du 21 janvier 2016 et l'arrêté du 12 octobre 2015 par lequel le préfet de Vaucluse a rejeté sa demande de titre de séjour et a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du préfet de Vaucluse présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2017, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.
N° 16MA00538 2