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11/07/2017 | FRANCE | N°15MA02514

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2017, 15MA02514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 à 2005 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1202969 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2015, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :r>
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 février 2015 ;

2°) de prononce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2003 à 2005 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1202969 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 juin 2015, M. D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 février 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il ne peut être regardé comme ayant eu son domicile fiscal en France dès lors que son foyer, son activité professionnelle principale et le centre de ses intérêts économiques se trouvent hors de France ;

- sa résidence fiscale n'est pas en France au sens du 1 de l'article 4 B du code général des impôts ;

- par ailleurs, l'administration n'établit pas qu'il serait le maître de l'affaire des établissements stables en France des sociétés luxembourgeoises IPL et LEL ;

- les conditions de mise en oeuvre de la majoration de 40 % pour manquement délibéré ne sont pas réunies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2016 et régularisé le 6 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention entre la France et le Grand Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune conclue le 1er avril 1958, modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Cherrier, président de la 4ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Carotenuto,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite de deux examens de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2003 à 2005, M. D... a été regardé par l'administration comme résidant fiscalement en France et a été en conséquence assujetti à des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties de pénalités, au titre des années 2003 à 2005 selon la procédure de taxation d'office à raison de revenus d'origine indéterminée figurant sur des comptes bancaires monégasques et selon la procédure de rectification contradictoire à raison de traitements et salaires ; que M. D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice, en date du 19 février 2015, qui a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités ;

Sur la domiciliation fiscale de M. D... :

2. Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

En ce qui concerne le droit interne :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) " ; que, pour l'application des dispositions du paragraphe a du 1 de l'article 4 B précité, le foyer s'entend du lieu où le contribuable possède sa résidence habituelle et le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles ; que le lieu du séjour principal du contribuable ne peut déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne dispose pas de foyer ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des éléments saisis à l'issue d'une procédure de visite et de saisie diligentée sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, ainsi que des éléments obtenus par l'exercice du droit de communication et dans le cadre de l'assistance administrative auprès notamment des autorités fiscales monégasques, que pour les années en litige, M. D... vivait en France, d'abord à Yermenonville puis à Nice, avec Mme C... avec laquelle il a eu quatre enfants nés en 1991, 1995, 1997 et 1998 ; qu'il n'établit pas être séparé de Mme C... depuis 2002 ainsi qu'il le soutient ; que l'administration a constaté que M. D... a signé la promesse de vente de l'appartement occupé ainsi en France, sis 71 boulevard Cimiez à Nice le 28 mars 2003 et en a versé le dépôt de garantie ; que si Mme C... a finalement acquis seule le bien, l'appelant en a réglé les frais d'acquisition ; qu'il a également supervisé les travaux de rénovation de ce bien et payé les loyers de la personne chargée de le rénover ; que M. D... possédait les codes d'accès et d'alarmes de ce domicile à Nice et des documents personnels à son nom y ont été trouvés, dont des relevés de comptes bancaires français, luxembourgeois et monégasques ; que l'administration a également constaté, pour ce domicile occupé à Nice, la souscription par l'appelant d'abonnements permanents à des chaînes de télévision et qu'il y recevait régulièrement des colis ; que le requérant s'est également porté caution du prêt souscrit par Mme C... pour acquérir des biens sis 19 impasse Marlin à Nice ; que M. D... et Mme C... ont souscrit chacun au profit de l'autre un contrat d'assurance-vie le 19 mai 2004, mentionnant l'adresse du 71 boulevard Cimiez à Nice ; que le requérant a également été assuré comme conducteur sur les véhicules de Mme C... ; qu'il a, en outre, disposé au cours des années 2003 à 2005 de deux lignes téléphoniques en France, ne comportant que peu d'appels émis depuis l'international, et de deux badges de télépéage, dont les relevés font état d'une utilisation régulière en France ; que M. D... disposait également en France, au cours des années en litige, de deux comptes bancaires, dont les relevés font état de nombreux paiements de dépenses personnelles ordinaires en France ; qu'il ne justifie pas, ainsi qu'il le soutient, que ses cartes bancaires auraient été de façon significative utilisées par des tiers ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. D... doit être regardé comme ayant eu au cours des années 2003 à 2005 son foyer en France, au sens du paragraphe a du 1 de l'article 4 B du code général des impôts ; que si M. D... affirme avoir vécu au Luxembourg pendant cette période, il n'apporte aucune justification probante à l'appui de ses allégations, en produisant notamment une assurance d'habitation pour les années 2001 à 2005 ainsi que des factures d'électricité faisant apparaître des montants modestes ; que la circonstance qu'il se soit vu délivrer divers documents officiels par le Luxembourg n'est pas plus de nature à établir le fait qu'il aurait résidé au Luxembourg, mais seulement qu'il y dispose d'un bien immobilier ; que, dans ces conditions, M. D... doit être regardé comme ayant eu au cours de ces années son domicile fiscal en France au regard de la loi française ;

En ce qui concerne l'application de la convention franco-luxembourgeoise :

5. Considérant qu'en vertu de l'article 2-4 de la convention conclue le 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg : " Le domicile fiscal des personnes physiques est au lieu de la résidence normale entendue dans le sens de foyer permanent d'habitation ou, à défaut, au lieu du séjour principal " ; qu'aux termes de l'article 19-1 de la même convention : " Les revenus qui, d'après les dispositions de la présente convention, ne sont imposables que dans l'un des deux Etats, ne peuvent être imposés dans l'autre Etat, même par voie de retenue à la source. Néanmoins, chacun des deux Etats conserve le droit de calculer au taux correspondant à l'ensemble du revenu du contribuable des impôts directs afférents aux éléments du revenu dont l'imposition lui est réservée. " ;

6. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, et en l'absence de tout élément qui tendrait à prouver que le foyer permanent d'habitation de M. D... se serait trouvé au Luxembourg, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'il devrait être regardé comme un résident fiscal du Luxembourg de 2003 à 2005 en vertu des stipulations précitées de la convention franco-luxembourgeoise et que ses revenus devraient être imposés au Luxembourg, à l'exclusion de toute imposition en France ;

Sur les distributions versées par les sociétés International Presse Luxembourg (IPL) et les éditeurs Luxembourgeois (LEL) :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital " ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés (...) " ;

8. Considérant que M. D... n'ayant pas accepté les redressements qui lui ont été notifiés par les propositions de rectification du 22 décembre 2006 et du 11 juillet 2007, l'administration fiscale supporte la charge de la preuve de l'appréhension par le requérant des revenus regardés comme distribués ; que, toutefois, le contribuable maître de l'affaire est réputé avoir appréhendé les distributions réalisées par la société qu'il contrôle ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que M. D... est administrateur des sociétés IPL et LEL, qu'il était la personne habilitée à effectuer des opérations bancaires sur les comptes des sociétés et qu'il représente ces sociétés vis-à-vis des tiers ; que la société LEL disposait des moyens humains et techniques de la société AE MEDIA, dont M. D... est gérant de fait, afin de réaliser son activité d'édition ; qu'ainsi, l'administration a établi que M. D... était, à l'égard de chacune de ces deux sociétés IPL et LEL, le seul maître de l'affaire ; qu'il résulte également de l'instruction que M. D... a effectivement appréhendé sur ses comptes personnels des sommes en provenance de ces deux sociétés et qu'il a procédé à des retraits d'espèces sur les comptes bancaires des deux sociétés ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve que le résultat reconstitué des sociétés IPL et LEL a été appréhendé par lui, sans qu'elle soit tenue d'établir la confusion des patrimoines ;

Sur les pénalités :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'espèce : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ; qu'il incombe à l'administration, en application des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, d'établir l'absence de bonne foi du contribuable pour justifier de l'application de la dite majoration ;

11. Considérant que l'administration établit l'absence de bonne foi du contribuable, eu égard, d'une part, à l'importance des revenus non déclarés, lesquels constituaient l'intégralité des ressources de M. D... et, d'autre part, au fait que ce dernier exerçait son activité d'édition sous couvert du statut de salarié d'une société luxembourgeoise mais effectivement par l'intermédiaire des établissements stables en France des sociétés IPL, LEL et Compagnie International Presse Luxembourg et qu'il ne pouvait, par suite, ignorer le caractère imposable des revenus qu'il percevait ; qu'en outre, M. D... utilisait ses comptes bancaires ouverts à l'étranger pour assurer ses dépenses en France ; que, dans ces conditions, compte tenu de la volonté délibérée de M. D... de se présenter comme résident à l'étranger, l'administration a pu, à bon droit, faire application de la majoration pour manquement délibéré ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, où siégeaient :

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Boyer, premier conseiller,

- Mme Carotenuto, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.

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N° 15MA02514

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02514
Date de la décision : 11/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-07-11;15ma02514 ?
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