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10/07/2017 | FRANCE | N°12MA01430

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 10 juillet 2017, 12MA01430


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vinci Construction Terrassement, venant aux droits de la société GTM Terrassement SAS, la société Bec Frères, la société Eurovia Etanchéité SNC et la société Simeco SAS ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté d'agglomération du Pays d'Aix à leur payer les sommes de 59 565,93 euros hors taxe au titre des intérêts moratoires sur les acomptes mensuels majorés des intérêts complémentaires au sens du décret n° 2002-232, 57 850 euros hors taxe en a

pplication du bordereau des prix n° 5.3, 528 688,16 euros hors taxe à titre d'indemnité...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vinci Construction Terrassement, venant aux droits de la société GTM Terrassement SAS, la société Bec Frères, la société Eurovia Etanchéité SNC et la société Simeco SAS ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la communauté d'agglomération du Pays d'Aix à leur payer les sommes de 59 565,93 euros hors taxe au titre des intérêts moratoires sur les acomptes mensuels majorés des intérêts complémentaires au sens du décret n° 2002-232, 57 850 euros hors taxe en application du bordereau des prix n° 5.3, 528 688,16 euros hors taxe à titre d'indemnité en raison de difficultés rencontrées dans l'exploitation de déblais, 28 476,84 euros hors taxe en application de la clause de révision des prix sur les deux sommes précitées et 246 975,38 euros hors taxe au titre de la révision des situations mensuelles, ces sommes, à l'exception de la première, étant assorties d'intérêts moratoires au taux de 5,99 % à compter du 22 mars 2008 et d'intérêts complémentaires au sens du décret n° 2002-232, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés et le tout devant être versé sur le compte commun du groupement d'entreprises titulaires alimenté par la communauté pendant la durée du chantier.

Par un jugement n° 0808306 du 13 février 2012, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande des sociétés requérantes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 avril 2012, 12 juin 2013 et 21 octobre 2014, la société Vinci Construction Terrassement, la société Razel-Bec, la société Eurovia Etanchéité et la société Simeco, représentées par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 février 2012 ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération du Pays d'Aix à leur payer les intérêts moratoires dus sur la situation n° 9 ainsi que des intérêts complémentaires au sens du décret n° 2002-232 et à leur verser la somme de 528 688,16 euros hors taxe à titre d'indemnité en raison de difficultés rencontrées dans l'exploitation de déblais, la somme de 25 694,25 euros hors taxe en application de la clause de révision des prix sur la somme précitée et la somme de 246 975,38 euros hors taxe au titre de la même clause, sur les situations mensuelles, l'ensemble de ces sommes étant assorti d'intérêts moratoires au taux de 5,99 % à compter du 22 mars 2008 et d'intérêts complémentaires au sens du décret n° 2002-232, eux-mêmes capitalisés et le tout devant être versé sur le compte commun du groupement d'entreprises titulaires alimenté par la communauté pendant la durée du chantier ;

3°) d'ordonner au besoin une mesure d'expertise ;

4°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la communauté d'agglomération du Pays d'Aix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- elles justifient de la première présentation, le 29 juin 2006, de la situation n° 9, et les premiers juges auraient dû appeler le maître d'oeuvre en la cause ;

- elles renoncent à leur demande de première instance au titre de l'application du bordereau des prix n° 5.3 ;

- elles ont droit à une indemnisation au titre de surcoûts liés à des discordances entre la consistance du sol et les caractéristiques des matériaux à extraire et à exploiter et celles révélées lors de l'exécution des travaux et font suite à des instructions précises du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre ;

- l'ordre de service n° 4 n'a pas satisfait leur réclamation qui n'a jamais été fondée sur la théorie des sujétions imprévues, mais seulement sur la responsabilité contractuelle de l'administration ;

- l'article 4.5.1 du CCAP relatif aux révisions des prix déroge illégalement à l'article 10.41 du CCAG applicable, n'est pas mentionné à l'article 12 du CCAP, en méconnaissance de l'article 3.12 du CCAG, ne figure pas à l'article 4.5.4 du CCAP relatif aux révisions des prix, méconnaît l'article 17 du code des marchés publics applicable et doivent être réputées non écrites en application de l'article 3.12 du CCAG ;

- la révision des prix doit être appliquée sur la totalité de la durée du marché.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2013, la communauté d'agglomération du Pays d'Aix, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande des sociétés requérantes devant le tribunal administratif était irrecevable :

- le décompte général est définitif, leur mémoire en réclamation du 5 mars 2008 était tardif au regard de l'article 13.44 du CCAG applicable ;

- elles ont saisi le tribunal administratif plus de six mois après le rejet exprès de leur mémoire en réclamation, soit après l'expiration du délai imparti par l'article 50.32 du CCAG ;

- les moyens qu'elles soulèvent ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 12MA01430 du 10 novembre 2014, la Cour a, avant dire droit, d'une part, rejeté les conclusions des sociétés requérantes tendant au paiement d'intérêts moratoires et d'intérêts complémentaires au titre de la situation n° 9, ainsi que celles présentées au titre de la clause de révision des prix et d'autre part, ordonné une expertise portant sur :

- les discordances entre la consistance du sol et les caractéristiques des matériaux à extraire et à exploiter décrites dans l'étude géotechnique annexée au cahier des clauses techniques particulières et celles révélées lors de l'exécution des travaux ;

- les éventuelles insuffisances, erreurs ou omissions de l'étude géotechnique ;

- leurs conséquences sur le volume des travaux réalisés par le groupement d'entreprises, les surcoûts supportés par le groupement d'entreprises par rapport aux prévisions initiales du marché, en relation directe, notamment, avec les éventuelles insuffisances, erreurs ou omissions de l'étude géotechnique ;

- les travaux prévus au marché et éventuellement non réalisés par le groupement d'entreprises ainsi que les éventuelles compensations dont il a pu bénéficier ;

- la prise en compte, par l'ordre de service n° 4 du 26 mai 2006, des contraintes d'exécution du marché et des éventuels surcoûts d'exploitation des déblais exposés par le groupement d'entreprises ;

- et de manière générale, tous éléments chiffrés permettant d'établir les comptes entre les parties.

L'expert a rendu son rapport le 21 juin 2016.

Par des mémoires, enregistrés les 4 octobre et 21 novembre 2016, la métropole d'Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Pays d'Aix, représentée par Me B..., conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et demande que la somme mise à la charge des sociétés requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 15 000 euros.

Elle soutient, en outre, que :

- l'arrêt du 10 novembre 2014 n'a pas répondu aux fins de non-recevoir qu'elles avaient opposées ;

- sa part de responsabilité ne saurait être comprise entre 90 et 95 % ;

- l'expert retient une part de responsabilité du maître d'oeuvre comprise entre 78 % et 80 % ;

- il a indument minimisé la part de responsabilité du groupement d'entreprises qui n'a pas averti le maître de l'ouvrage des insuffisances de l'étude géotechnique, et ne saurait opposer au maître de l'ouvrage sa propre carence ;

- le marché en litige ne dépendait pas des marchés conclus ultérieurement avec les carriers ;

- l'ordre de service n° 4 a pris en compte l'intégralité du surcoût exposé par les sociétés requérantes et n'a fait l'objet d'aucune réserve de leur part ;

- la perte résultant des travaux non réalisés a été compensée par le gain lié aux travaux de remplacement ;

- les sociétés requérantes ne sauraient revendiquer à la fois un surcoût pour perte de rendement et un surcoût pour transport de matériaux supplémentaires, dès lors que leur rémunération forfaitaire a compensé leurs pertes de rendement.

Par des mémoires, enregistrés les 21 octobre et 6 décembre 2016, les sociétés requérantes concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens et demandent que l'indemnité allouée au titre des difficultés rencontrées dans l'exploitation de déblais soit réduite à la somme de 395 418,59 euros hors taxes, majorée des intérêts moratoires capitalisés dans des conditions inchangées, que la somme mise à la charge de la communauté d'agglomération du Pays d'Aix au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 50 000 euros et que les frais de l'expertise soient également mis à sa charge.

Elle soutient, en outre, que :

- le volume et la qualité des matériaux à extraire ont été contractualisés, en considération des données de l'étude géotechnique, qui était insuffisante et elle a procédé à des analyses complémentaires au début des travaux ;

- son offre n'était pas anormalement basse ;

- le maître de l'ouvrage doit l'indemniser aux titres de sa propre part de responsabilité et de celle du maître d'oeuvre qui n'est pas dans la cause ;

- son préjudice doit être évalué conformément aux conclusions de l'expert, sous déduction d'une somme de 103 500 euros hors taxes correspondant à une erreur de sa part.

Par ordonnance du 22 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 15 décembre 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 15 mai 2017 par laquelle le président de la Cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. D....

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies, président assesseur, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de M. Moussaron, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gautron,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de Me A... représentant les sociétés requérantes et de Me C... représentant la métropole Aix-Marseille-Provence venant aux droits de la communauté d'agglomération du pays d'Aix.

Une note en délibéré, présentée par Me A..., pour les sociétés requérantes, a été enregistrée le 27 juin 2017.

Une note en délibéré, présentée par Me C..., pour la communauté d'agglomération du pays d'Aix, a été enregistrée le 30 juin 2017.

1. Considérant que par acte d'engagement du 26 juillet 2005, la communauté d'agglomération du Pays d'Aix, aux droits de laquelle vient la métropole d'Aix-Marseille-Provence, a attribué à un groupement d'entreprises, dont le mandataire était la société GTM terrassement devenue la société Vinci construction terrassement, un marché public de travaux portant sur la construction du troisième bassin du centre de stockage de déchets ultimes de l'Arbois et d'installations annexes, pour un montant total de 8 189 655,06 euros hors taxes ; que l'ouvrage a été réceptionné sans réserves, le 30 juin 2006 ; que, dès le 20 janvier 2006, le groupement d'entreprises a transmis au maître d'oeuvre un mémoire en réclamation par lequel il sollicitait notamment l'allocation d'une indemnité d'un montant de 454 000 euros, en raison de difficultés rencontrées dans l'exploitation de déblais ; que le maître de l'ouvrage a, par un ordre de service n° 4 " prix nouveaux " du 26 mai 2006, répondu à cette demande qui a été reçue sans réserves par le groupement d'entreprises ; que, le 25 avril 2007, celui-ci a transmis son décompte final au maître d'oeuvre, comportant un solde en sa faveur de 9 936 889,98 euros toutes taxes comprises ; que le 16 janvier 2008, le maître d'ouvrage a adressé à la société GTM terrassement son projet de décompte général du marché, retenant un solde de 9 092 048,43 euros toutes taxes comprises ; que la société lui a retourné ce décompte, signé avec réserves et accompagné d'un mémoire en réclamation le 5 mars suivant ; que, par courrier du 17 avril 2008, la communauté d'agglomération du Pays d'Aix a expressément rejeté cette réclamation ; que les sociétés requérantes ont saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de la collectivité à leur payer diverses sommes aux titres d'intérêts moratoires et complémentaires, du bordereau de prix n° 5.3, d'une indemnité complémentaire à raison des difficultés d'exploitation des déblais et de la révision des prix ; qu'elles relèvent appel du jugement du tribunal administratif du 13 février 2012 ayant rejeté l'ensemble de leurs demandes ; que, par un arrêt du 10 novembre 2014, la Cour a, avant dire droit, d'une part, rejeté les conclusions des sociétés requérantes tendant au paiement d'intérêts moratoires et d'intérêts complémentaires, ainsi que celles présentées au titre de la clause de révision des prix et d'autre part, ordonné une expertise relative aux difficultés rencontrées dans l'exploitation de déblais ; que l'expert a rendu son rapport le 21 juin 2016 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition légale ou réglementaire, ni d'aucun principe que les premiers juges auraient été tenus d'appeler d'office dans la cause la société SOGREAH, maître d'oeuvre, à l'encontre de laquelle aucune demande n'était présentée par les parties ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les sociétés requérantes auraient demandé au tribunal administratif la désignation d'un expert ; qu'au surplus, lorsqu'elle s'estime suffisamment informée en l'état du dossier pour trancher le litige, la juridiction n'est jamais tenue d'ordonner une expertise ; qu'en l'espèce, il ressort des motifs de fond retenus par les premiers juges que ceux-ci ont considéré à juste titre qu'une telle expertise était inutile pour la solution du litige ;

4. Considérant, en dernier lieu, que les premiers juges, pour rejeter la demande indemnitaire des sociétés requérantes au titre de difficultés d'exploitation des déblais, se sont notamment fondés sur un motif tiré de ce que l'indemnisation de ce préjudice aurait fait l'objet d'un accord entre les parties ; que par suite, ils n'avaient pas à répondre au moyen tiré de la faute contractuelle de la communauté d'agglomération, qui étaient inopérant ; qu'ainsi, le moyen d'irrégularité du jugement, à le supposer soulevé, tiré de ce que les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ou l'ont dénaturé doit être écarté ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier ;

Sur la demande d'indemnité des sociétés requérantes au titre des difficultés rencontrées dans l'exploitation de déblais :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir contractuelles opposées par la communauté d'agglomération du Pays d'Aix aux droits de laquelle vient la Métropole d'Aix-Marseille-Provence :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 2.2.4.4 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché en litige : " (...) Une partie des déblais sera utilisée pour les remblais pour la création de B3. Une seconde partie des déblais sera mise en stock en vue de l'exploitation du site : (...) Pour externalisation dans le cadre d'un contrat de fortage : / Classe 50/700 : Tonnage voulu : 1 250 000 tonnes. (soit environ 500 000 m3 en place) (...) " ; qu'aux termes de l'article 3.2.2 du même cahier: " Le maître d'ouvrage s'engage dans le cadre d'une convention de fortage en cours d'élaboration à livrer 1 250 000 tonnes de matériaux issus de l'abattage ayant subi un scalpage à 50 mm et dont la dimension maximale sera de 700 mm de diamètre. / Il appartient à l'entreprise de terrassement titulaire du présent marché de prévoir sans son prix les sujétions induites par les engagements pris par le maître d'ouvrage. / Les produits sélectionnés après scalpage seront chargés et mis en andains sur la plateforme haute prévue à cet effet. Il sera constitué durant toute la durée des travaux de terrassement un stock minimum de 25 000 tonnes. / Les carriers procèderont au chargement et à l'évacuation des matériaux (...) à raison de 5 700 tonnes par jour ouvrable d'amplitude 16 heures. (...) " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces stipulations que le titulaire du marché en litige était tenu, en sus de la réalisation du troisième bassin et de ses installations annexes, de fournir une quantité de roches, issus des déblais extraits, fixée contractuellement à 1 250 000 tonnes sur la durée totale du chantier, à destination de carriers auprès desquels le maître d'ouvrage s'était engagé à les leur livrer, par des conventions distinctes; que cette quantité de roches, qui n'était pas, contrairement à ce que soutient la métropole d'Aix-Marseille-Provence, purement indicative, avait été fixée sur la base des estimations, figurant à l'article 1.1.4.2 du même cahier, relatives à la nature des roches présentes dans le sous-sol du périmètre des travaux de déblaiement prévus au marché, lesquelles résultaient exclusivement d'une étude géotechnique réalisée par la société Fugro Géotechnique préalablement à la consultation ;

8. Considérant, toutefois, qu'il est constant que, dès le début des travaux, il est apparu que les caractéristiques réelles du sous-sol ne correspondaient pas aux hypothèses formulées par l'étude géotechnique et reprises par le CCTP, s'agissant en particulier de la proportion de matériaux de type R21 correspondant à des " calcaires blancs en bancs épais et rigides " et à des " marno-calcaires et marnes calcareuses " et " facilement réutilisables ", devant constituer l'essentiel des roches à fournir au titre des stipulations précitées de l'article 3.2.2 du CCTP ; que si, par l'ordre de service n° 4 susvisé du 26 mai 2006, la quantité de roches a été réduite à 600 000 tonnes, compte tenu des difficultés ainsi survenues dans l'exploitation des déblais, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que leur production a entrainé, pour le titulaire du marché, des surcoûts, par rapport aux prévisions initiales du marché, résultant à la fois de difficultés d'élaboration et de mise en stocks des matériaux de type R21, d'une baisse de rendement dans la réalisation du bassin n° 3 et de ses installations annexes et de transports de matériaux supplémentaires ;

9. Considérant, d'une part, que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics ;

10. Considérant, d'autre part, que, sans qu'y fasse obstacle l'article 15.4 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché public de travaux en litige, qui prévoit que la réalisation de travaux excédant la masse initiale prévue doit donner lieu à l'émission d'un ordre de service, ni, le cas échéant, le caractère forfaitaire du marché, le cocontractant de l'administration peut demander à être indemnisé, sur la base du contrat, des travaux supplémentaires réalisés sur ordre de service, ainsi que de ceux qui ont été réalisés sans ordre de service mais qui étaient indispensables à l'exécution du contrat dans les règles de l'art, sans qu'il soit besoin de rechercher si ces travaux supplémentaires ont ou non, par leur importance, bouleversé l'économie du marché ;

En ce qui concerne la faute de la communauté d'agglomération :

11. Considérant que le rapport d'expertise indique, sans être contesté sur ce point, que si l'étude géotechnique élaborée par la société Furgro Géotechnique ne présentait pas d'insuffisance intrinsèque, dès lors qu'elle était envisagée, au regard de la norme technique NF P 94-500 du 5 juin 2000 applicable, comme une simple étude G0 " exécution de sondages, essais et mesures géotechniques " suivie d'une étude G11 " étude préliminaire de faisabilité géotechnique ", excluant " toute approche des quantités, délais et coûts d'exécution des ouvrages ", elle ne pouvait, en tant que telle et sans être complétée par des études approfondies de type G12 " étude de faisabilité des ouvrages géotechniques (après une mission G11) " et G2 " étude de projet géotechnique ", être ainsi intégrée au CCTP ; que le même rapport relève, en outre, qu'alors que l'étude géotechnique dont s'agit soulignait expressément, en page 12, que le nombre d'essais de laboratoire réalisés, s'il était suffisant " en phase G11 pour dégager une tendance ", était " largement insuffisant en phase ultérieure pour définir (...) un schéma d'exploitation ou de terrassement " ; que le CCTP en reproduit les conclusions sans rappeler cette réserve ;

12. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que si le contenu de l'étude géotechnique repris au sein du CCTP ne mentionnait pas la réserve évoquée au point précédent, cette étude était intégralement reproduite en annexe ; qu'en outre, le groupement d'entreprises, qui était antérieurement intervenu sur le site immédiatement voisin du bassin n° 2, ne pouvait ignorer l'hétérogénéité du sous-sol ; qu'ainsi, s'il n'est pas établi qu'il aurait été à même d'apprécier les insuffisances de l'étude géotechnique dans toute leur étendue et leur portée, il était néanmoins en mesure de prendre en compte, pour l'établissement de son offre et en particulier du prix de cette dernière, des incertitudes concernant la composition du sous-sol ; que, comme le relève l'expert sans être contredit, tel n'a pas été le cas ; que la circonstance, à la supposer établie, que son offre n'aurait pas, pour autant, été anormalement basse au sens de l'article 55 du code des marchés publics est, à cet égard, sans incidence ; que dans ces conditions, le groupement d'entreprises n'a pas été empêché, par le fait du maître d'ouvrage, d'apprécier l'étendue de ses obligations ; que par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir d'une faute de ce dernier dans l'estimation de ses besoins et dans la conception même du marché, de nature à engager sa responsabilité contractuelle ;

En ce qui concerne les sujétions imprévues :

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le surcoût total invoqué par le groupement d'entreprises, qu'il chiffre à 528 688,16 euros, ne représente que 6,5 % environ du montant hors taxes du marché en litige ; que ce surcoût ne peut être regardé, en tout état de cause, comme ayant entraîné un bouleversement de l'économie générale du marché ; que par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à en réclamer l'indemnisation sur le fondement des sujétions techniques imprévues ;

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

14. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les difficultés d'exploitation des remblais n'ont pas occasionné, pour les sociétés requérantes, un accroissement de la masse des travaux à réaliser, laquelle a été au contraire réduite en contrepartie d'une révision à la hausse du prix de certains d'entre eux, en application de l'ordre de service n° 4 précité, sans incidence notable sur le prix final du marché; que ces difficultés ont seulement été à l'origine, pour le groupement d'entreprises attributaire du marché, d'une augmentation du coût des travaux réalisés ; que dès lors, les sociétés requérantes ne sont pas fondées, en tout état de cause, à demander l'allocation d'une indemnité au titre de travaux supplémentaires réalisés par elles au titre de ces difficultés ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, par le jugement attaqué, ont rejeté sa demande indemnitaire ;

Sur les dépens :

16. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;

17. Considérant que les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 36 564,78 euros doivent être mis à la charge définitive des sociétés requérantes, qui sont les parties perdantes dans la présente instance ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par les sociétés requérantes soit mise à la charge de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Pays d'Aix, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge des sociétés requérantes une somme globale de 2 000 euros à verser à la métropole d'Aix-Marseille-Provence, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Vinci construction terrassement, de la société Razel-Bec, de la société Eurovia étanchéité et de la société Simeco est rejetée.

Article 2 : Les dépens de la présente instance, constitués des frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 36 564,78 euros sont mis à la charge définitive de la société Vinci construction terrassement, de la société Razel-Bec, de la société Eurovia étanchéité et de la société Simeco.

Article 3 : La société Vinci construction terrassement, la société Razel-Bec, la société Eurovia étanchéité et la société Simeco verseront à la métropole d'Aix-Marseille une somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vinci construction terrassement, à la société Razel-Bec, à la société Eurovia étanchéité, à la société Simeco et à la métropole d'Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Pays d'Aix.

Copie en sera adressée à M.D..., expert.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2017 où siégeaient :

- Mme Steinmetz-Schies, président,

- Mme Héry, premier conseiller,

- M. Gautron, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 juillet 2017.

10

N° 12MA01430


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01430
Date de la décision : 10/07/2017
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant - Indemnités - Travaux supplémentaires.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Intérêts - Point de départ des intérêts - Intérêts moratoires dus à l'entrepreneur sur le solde du marché.


Composition du Tribunal
Président : M. GUERRIVE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : POLLET

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-07-10;12ma01430 ?
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