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29/06/2017 | FRANCE | N°15MA02250

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 29 juin 2017, 15MA02250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D...née Morina demandé au tribunal administratif de condamner le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins à lui verser une somme totale de 291 446,55 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices consécutifs à un accident de service survenu le 31 mai 2007.

Par l'article 1er d'un jugement n° 1203786 du 27 mars 2015, le tribunal administratif de Nice a condamné le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins à verser à Mme D... la somm

e de 18 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... D...née Morina demandé au tribunal administratif de condamner le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins à lui verser une somme totale de 291 446,55 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices consécutifs à un accident de service survenu le 31 mai 2007.

Par l'article 1er d'un jugement n° 1203786 du 27 mars 2015, le tribunal administratif de Nice a condamné le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins à verser à Mme D... la somme de 18 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 août 2012, capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts. Par les articles 2 et 3 de ce jugement, il a mis la somme de 1 000 euros à la charge du centre hospitalier, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté les conclusions présentées par le centre hospitalier au même titre. Par l'article 4 de ce jugement, il a rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme D....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 28 mai 2015 et le 27 janvier 2017, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 4 de ce jugement du tribunal administratif de Nice du 27 mars 2015 ;

2°) de mettre à la charge de le centre hospitalier d'Antibes-Juan-les-Pins la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mauvaise organisation du service, le délabrement des locaux et des conditions de travail, fautifs, sont à l'origine de l'accident dont elle a été victime ;

- en mettant à sa disposition un matériel défectueux qui est à l'origine de l'accident, l'administration a commis une faute qui est à l'origine de ses préjudices ;

- en ne pourvoyant pas à son remplacement immédiat au moment de l'accident mais seulement trois heures plus tard, l'administration a commis une faute ;

- en s'abstenant de lui faire passer une visite médicale de reprise, l'administration a commis une nouvelle faute qui est à l'origine de sa rechute ;

- en lui faisant reprendre le travail sur des postes inadaptés à son état de santé, et avant consolidation, l'administration a commis une nouvelle faute ;

- dès lors que l'accident a été reconnu comme étant imputable au service, la responsabilité pour faute de l'administration se trouve engagée ;

- les séances d'ostéopathie qu'elle a été contrainte d'effectuer sont en lien direct avec l'accident ;

- le tribunal a fait une évaluation insuffisante du chef de préjudice correspondant à son déficit fonctionnel permanent, qui doit être réparé par le versement d'une somme de 13 280 euros ;

- les troubles dans les conditions d'existence qu'elle subit doivent faire l'objet d'une indemnisation distincte du déficit fonctionnel permanent, qui doit être évaluée à la somme de 20 000 euros ;

- le préjudice moral qu'elle subit à raison de la perte de chance de pouvoir exercer les fonctions qu'elle avait toujours pratiquées et de percevoir les revenus y afférents doit être réparé par l'allocation d'une somme forfaitaire de 210 000 euros, demande à laquelle les premiers juges n'ont pas répondu ;

- la réparation de ses souffrances physiques doit être portée à la somme de 5 000 euros ;

- la réparation de ses pertes de revenu doit être fixée à 42 536,55 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2015, et un mémoire en réplique, enregistré le 7 mars 2017, le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins, représenté par Me Martin conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions présentées par Mme D... dans son dernier mémoire récapitulatif et tendant à l'annulation du jugement n° 1676-4 rendu le 9 mars 2011 par le tribunal administratif de Nice et à l'annulation de la décision du 3 novembre 2009 par laquelle il l'a radiée des cadres sont irrecevables, la cour n'étant pas saisie de ce litige ;

- les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 13 mars 2017.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611 7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que c'est que le tribunal avait méconnu son office en s'abstenant de statuer sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés.

Un mémoire, enregistré le 19 mai 2017, a été présenté par le centre hospitalier en réponse à la communication de ce moyen d'ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-836 du 19 avril 1988 ;

- le décret n° 2005-442 du 2 mai 2005 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère,

- les conclusions de M. Frédéric Salvage, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant le centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins.

1. Considérant que Mme D..., employée au centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins en qualité d'infirmière de bloc opératoire diplômée d'Etat (IBODE) titulaire, a été victime le 31 mai 2007 d'un accident de service avec abduction et rotation externe forcée de l'épaule gauche en voulant retenir un patient intubé et ventilé alors que la table opératoire se serait brutalement relevée ; que Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier à lui verser une indemnité de 291 446,55 euros en réparation des préjudices consécutifs à cet accident et relève appel du jugement rendu le 27 mars 2015 en tant qu'il a limité cette indemnisation à la somme de 18 000 euros ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, qu'en première instance, Mme D... demandait la réparation d'un préjudice moral qu'elle évaluait à 10 000 euros et la réparation d'un préjudice qu'elle qualifiait de personnel lié à sa perte de chance de pouvoir exercer les fonctions d'infirmière de bloc en dehors des conditions préconisées par l'expert Parienti, qu'elle évaluait par référence à une perte de revenus de 700 euros par mois ; qu'il résulte de l'instruction que les premiers juges se sont prononcés tant sur le chef de préjudice correspondant à l'incidence professionnelle du dommage corporel que sur les troubles dans les conditions d'existence et sur le préjudice moral de l'intéressée ; que Mme D... n'est donc pas fondée à soutenir qu'ils se seraient abstenus de statuer sur un poste de préjudice au titre duquel une réparation leur était demandée ;

Sur la réparation :

3. Considérant que l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 impose aux établissements de santé d'allouer aux fonctionnaires atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service entraînant une incapacité permanente d'au moins 10 % une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement et versée à compter de la date de reprise des fonctions ; que le a) de l'article 2 du décret du 2 mai 2005 réserve l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux fonctionnaires maintenus en activité qui justifient d'une invalidité permanente résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'un taux au moins égal à 10 % ;

4. Considérant que, compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, l'allocation temporaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ; que les dispositions instituant cette prestation déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions ; que ces dispositions ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature ou des préjudices personnels, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ;

5. Considérant que la circonstance que le fonctionnaire victime d'un accident de service ne remplit pas les conditions auxquelles les dispositions mentionnées ci-dessus subordonnent l'obtention d'une allocation temporaire d'invalidité fait obstacle à ce qu'il prétende, au titre de l'obligation de la collectivité qui l'emploie de le garantir contre les risques courus dans l'exercice de ses fonctions, à une indemnité réparant des pertes de revenus ou une incidence professionnelle ; qu'en revanche, elle ne saurait le priver de la possibilité d'obtenir de cette collectivité la réparation de préjudices d'une autre nature, dès lors qu'ils sont directement liés à l'accident ou à la maladie ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le taux de l'incapacité permanente dont reste atteinte Mme D... est égale à 8 % et qu'elle ne perçoit pas d'allocation temporaire d'invalidité faute de remplir les conditions pour pouvoir y prétendre ; qu'il s'ensuit, au regard de ce qui a été dit précédemment, qu'elle ne saurait obtenir la réparation de pertes de revenus ou de l'incidence professionnelle du dommage corporel, à laquelle tendent, en réalité, ses conclusions visant à obtenir la réparation d'un préjudice moral lié à la perte de chance d'exercer ses fonctions d'IBODE ou d'IDE, qu'elle évalue en retenant une somme forfaitaire de 700 euros mensuels ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

7. Considérant, en premier lieu, que Mme D... a versé aux débats une lettre datée du 19 juin 2006, adressée au directeur de l'établissement, signée par seize infirmières affectées au bloc opératoire et dénonçant une suractivité, un manque de personnel infirmier et un état de délabrement significatif des locaux et des conditions de travail ; que toutefois, ce document élaboré près d'un an avant l'accident est dépourvu de toute précision permettant d'apprécier le fondement de ces doléances ; qu'il n'est corroboré par aucune pièce du dossier ; que les éléments versés aux débats ne permettent pas, notamment, d'apprécier si le constat de la dégradation des conditions de travail invoquée aurait été partagé par les autres catégories de personnel amenées à intervenir au bloc opératoire au même titre que le personnel infirmier ; qu'ils ne permettent pas davantage de déterminer si cette dégradation aurait été signalée et débattue lors de la réunion des instances représentatives du personnel et notamment évoquée devant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; qu'aucun élément ne permet d'attester que les dysfonctionnements dénoncés de façon très imprécise par Mme D..., à les supposer établis, aient perduré dans le temps et que le courrier qu'elle produit reflète une situation toujours actuelle à la date de l'accident bien qu'une année se soit écoulée depuis cette pétition ; qu'ainsi, faute d'en apporter la preuve, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir qu'un dysfonctionnement fautif dans l'organisation du service a été à l'origine de l'accident dont elle a été victime ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que Mme D... a indiqué dans la déclaration dans laquelle elle détaillait les circonstances de l'accident s'être " blessée à l'épaule gauche en retenant la table d'opération où il y avait un patient intubé, ventilé " ; que le seul témoignage direct de l'accident versé aux débats, émanant de Mme A..., mentionne que " Mme D... s'est fait mal à l'épaule gauche en retenant la table d'opération où il y avait un patient intubé, ventilé " ; que la cadre du service s'est bornée à indiquer qu'elle avait été informée de l'accident et des circonstances décrites ci-dessus, sans apporter de précision supplémentaire ; que ces éléments ne permettent pas de déterminer les raisons pour lesquelles la table d'opération a dû être retenue par Mme D... ; qu'à supposer même qu'une défectuosité en soit à l'origine, aucune des pièces du dossier ne permet de considérer qu'elle résulterait d'un comportement fautif de l'hôpital, tel un défaut d'entretien ; que, dans ces conditions, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que son accident trouve son origine dans la fourniture, fautive, par son employeur, d'un matériel défectueux ;

9. Considérant, en troisième lieu, que l'accident est survenu à 9 heures 45 et qu'un certificat médical initial de constatation des blessures a été établi le jour-même à 13 heures 23, après que Mme D... a été examinée par le service des urgences ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la blessure que s'est faite l'intéressée, qui était ce jour-là de service de 8 heures 30 à 19 heures, imposait son départ immédiat du bloc, sans considération pour les exigences de la continuité du service, particulièrement impératives au sein d'une salle d'opération, en présence d'un patient intubé et ventilé ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le traitement qui lui a alors été prescrit reposait sur la prise d'antalgiques et d'anti-inflammatoires ; que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif a noté, pour sa part, qu'il n'y a eu, le jour même aucune nécessité d'immobiliser l'épaule gauche et que la blessée a pu regagner son domicile en voiture ; qu'au vu de ces éléments, et comme l'a relevé le tribunal, le délai qui s'est écoulé entre la survenue de l'accident et le moment où l'appelante a quitté son service n'apparaît ni être à l'origine d'une aggravation de son état ni davantage à l'origine d'une perte de chance de guérison ; qu'il en résulte que Mme D... n'est fondée à soutenir ni qu'en s'abstenant de pourvoir à son remplacement immédiat, son employeur aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ni que le délai écoulé entre sa blessure et sa sortie du bloc est à l'origine de ses préjudices ;

10. Considérant, en quatrième lieu, et contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, qu'en vertu des dispositions de l'article L. 231-1 du code du travail, alors en vigueur : " (...) sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et les établissements de soins privés " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 241-51 du même code, alors en vigueur : " Les salariés doivent bénéficier d'un examen par le médecin du travail (...) après une absence d'au moins huit jours pour cause d'accident du travail, (...) / Cet examen a pour seul objet d'apprécier l'aptitude de l'intéressé à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. / Cet examen doit avoir lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours. " ; qu'il est constant qu'après un arrêt de travail de plus de huit jours, Mme D... a repris ses fonctions, pour quinze jours, le 2 juillet 2007, sans avoir été examinée par le médecin du travail ; qu'en s'abstenant de veiller au respect des dispositions précitées, le centre hospitalier a commis une faute ;

11. Considérant toutefois qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les conditions de cette reprise de travail, qui s'est effectuée alors que le médecin traitant de Mme D... avait établi un certificat de guérison apparente avec possibilité de rechute ultérieure, soient à l'origine d'une aggravation de son état ; qu'il n'apparaît pas que l'état de Mme D... se soit dégradé du fait de sa reprise de travail et que le dommage corporel dont elle se plaint ne soit pas entièrement la conséquence de son accident initial ; qu'ainsi la faute commise par l'administration apparaît sans lien avec le dommage dont il est demandé réparation ;

12. Considérant, en dernier lieu, que, pour se conformer aux prescriptions du médecin du travail, le centre hospitalier a autorisé Mme D... à reprendre ses fonctions à mi-temps thérapeutique, le 1er février 2008, après six mois d'arrêt de travail, en proscrivant le port de charges supérieures à cinq kilos ; que ni le rapport rédigé par le docteur Vives en septembre 2008 ni celui rédigé par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal ne permettent de considérer que ces préconisations auraient été malheureuses ou fautives ; que le courrier adressé par le docteur Boileau à ses confrères versé aux débats par Mme D... ne le permet pas davantage ; que si, en septembre 2008, le docteur Vives a indiqué que l'état de l'intéressée était tout à fait compatible avec une reprise de travail sur un poste aménagé sans port de charge ni manutention de malade, cette indication n'implique nullement que le centre hospitalier aurait commis une faute en se conformant, six mois auparavant, aux prescriptions concordantes du médecin du travail et du médecin agréé qu'il avait sollicités ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de son employeur doit être engagée sur le terrain de la faute ;

En ce qui concerne la réparation des préjudices en l'absence de faute :

S'agissant des préjudices patrimoniaux autres que les pertes de revenu et l'incidence professionnelle :

14. Considérant que l'expert désigné par le juge des référés du tribunal a indiqué que, outre la prise d'antalgiques, d'anti-inflammatoires et des séances de kinésithérapie, le traitement dont a bénéficié Mme D... reposait sur des séances d'ostéopathie, qu'il a également prises en compte dans son évaluation des souffrances endurées ; qu'eu égard à ces mentions, et aux dates auxquelles se sont déroulées ces séances, comprises entre le 12 juin 2007 et le 8 avril 2008, Mme D... est fondée à soutenir que, contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, la preuve de l'existence d'un lien entre ces dernières et l'accident dont elle a été victime est rapportée ; qu'elle est fondée, ainsi, à obtenir le remboursement des sommes qu'elle a exposées à ce titre, pour un montant de 690 euros ;

S'agissant des préjudices à caractère non patrimonial :

15. Considérant, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le taux du déficit fonctionnel permanent après consolidation dont reste atteinte Mme D... s'élevait à 8 %, les premiers juges ont arrêté la réparation, incluant les troubles dans les conditions d'existence, de ce chef de préjudice à la somme de 10 000 euros ; qu'eu égard à l'âge de quarante ans atteint par l'appelante au moment de la consolidation et aux circonstances de l'espèce, ils ne se sont pas livrés, ce faisant, à une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que l'expert ayant évalué les souffrances physiques endurées par Mme D... à 2,5 sur 7, les premiers juges les ont réparées de façon suffisante en arrêtant l'évaluation de ce poste de préjudice à la somme de 3 500 euros, qu'il n'y a pas lieu de porter à 5 000 euros ;

17. Considérant, en troisième lieu, que pour justifier de son préjudice d'agrément, dont l'expert avait indiqué qu'il devait être documenté, l'appelante s'est bornée à produire une attestation d'assurance et quelques photos antérieures de dix ans à l'accident ; qu'elle n'est pas fondée à revendiquer une réévaluation de la somme de 3 000 euros qui lui a été accordée par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice ;

18. Considérant, en quatrième lieu, que Mme D... fait valoir que le fait de ne plus pouvoir exercer ses fonctions de panseuse est à l'origine d'un préjudice moral ; qu'elle établit avoir été placée en disponibilité en 1999-2000 afin de suivre cette formation diplômante et établit avoir obtenu de bon résultats au cours de la formation ; qu'en revanche, Mme D... n'a produit aucun des compte-rendus d'entretien annuel d'évaluation qui ont nécessairement été réalisés au cours de la période de sept ans écoulée entre l'obtention de son diplôme et l'accident et qui auraient pu constituer, parmi d'autres, un élément corroborant l'étendue de l'investissement professionnel dont elle fait état, et permettant à tout le moins de l'apprécier ; que s'il elle ne peut plus exercer ses fonctions au sein d'un bloc opératoire, elle demeure toutefois, du fait de son statut, titulaire de son grade d'infirmière diplômée d'Etat de bloc opératoire ; que dans ces circonstances, les premiers juges n'ont pas réparé de façon insuffisante son préjudice moral, incluant la perte de chance de pouvoir continuer à exercer ses fonctions dans les mêmes conditions, en lui allouant à ce titre une somme de 2 500 euros ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont refusé de condamner le centre hospitalier à l'indemniser des frais d'ostéopathie qu'elle a exposés pour un montant total de 690 euros ;

Sur les dépens :

20. Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-13 du code de justice administrative : " Lorsque l'expertise a été ordonnée sur le fondement du titre III du livre V, le président du tribunal ou de la cour, après consultation, le cas échéant, du magistrat délégué, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux en fixe les frais et honoraires par une ordonnance prise conformément aux dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4. Cette ordonnance désigne la ou les parties qui assumeront la charge de ces frais et honoraires. Elle est exécutoire dès son prononcé, et peut être recouvrée contre les personnes privées ou publiques par les voies de droit commun. Elle peut faire l'objet, dans le délai d'un mois à compter de sa notification, du recours prévu à l'article R. 761-5. / Dans le cas où les frais d'expertise mentionnés à l'alinéa précédent sont compris dans les dépens d'une instance principale, la formation de jugement statuant sur cette instance peut décider que la charge définitive de ces frais incombe à une partie autre que celle qui a été désignée par l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent ou par le jugement rendu sur un recours dirigé contre cette ordonnance. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 761-1 du même code : " Les dépens comprennent (...) les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) " ;

21. Considérant que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé sur la dévolution des frais de 1'expertise ordonnée par le juge des référés et a ainsi méconnu la règle applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un incident de procédure y ferait obstacle, d'épuiser son pouvoir juridictionnel ; que, par suite, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer sur la charge des frais d'expertise en les mettant à la charge du centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins, partie perdante ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme D... qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie tenue aux dépens, verse au centre hospitalier la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Mme D... au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 mars 2015 est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer sur la dévolution des frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nice le 3 juillet 2009.

Article 2 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, liquidés et taxés à la somme de 800 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Nice du 7 mai 2012, sont mis définitivement à la charge du centre hospitalier d'Antibes Juan-les Pins.

Article 3 : La somme de 18 000 euros mentionnée à l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nice du 27 mars 2015 est portée à 18 690 euros.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 mars 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme D... est rejeté.

Article 6 : Les conclusions du centre hospitalier d'Antibes-Juan-les Pins tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... Morinépouse D...et au centre hospitalier d'Antibes Juan-les-Pins.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2017, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Chanon, premier conseiller,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 juin 2017.

N° 15MA02250

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