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27/06/2017 | FRANCE | N°16MA02064

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 16MA02064


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 10 février 2016 par lesquels le préfet de l'Hérault, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et, d'autre part, a décidé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600719 du 17 février 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

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Par une requête, enregistrée le 26 mai 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 10 février 2016 par lesquels le préfet de l'Hérault, d'une part, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination et, d'autre part, a décidé son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1600719 du 17 février 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 mai 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 février 2016 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Hérault du 10 février 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de l'admettre au séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet l'a obligé à quitter le territoire français à destination de la Turquie sans respecter le principe général du droit de l'Union européenne en vertu duquel tout individu a le droit d'être entendu avant qu'une décision défavorable ne soit prise à son encontre ;

- en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 511-4-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit au regard de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination est elle-même entachée d'illégalité dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire français ferait échec à sa demande d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2017, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 avril 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Mastrantuono a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par deux arrêtés en date du 10 février 2016, le préfet de l'Hérault a, d'une part, obligé M. A..., né en 1993, de nationalité turque, à quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, a placé l'intéressé en rétention administrative ; que M. A... relève appel du jugement en date du 17 février 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a été arrêté sur un chantier le 10 février 2016 en possession d'un titre de séjour espagnol falsifié, a été auditionné le même jour par les services de police, préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français en litige ; que, lors de cette audition, M. A... a déclaré notamment être entré irrégulièrement en France en janvier 2016, ne pas être en possession d'un document l'autorisant à y séjourner, ne pas avoir demandé la régularisation de sa situation administrative, et a décrit sa situation familiale ; que les services de police ont expressément fait état de ce que l'autorité préfectorale était susceptible de prendre à son encontre une mesure d'éloignement ; que le requérant a indiqué qu'il voulait rester sur le territoire français et demander l'asile en France ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu avant de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant que M. A... fait valoir que son père réside régulièrement en France et que deux de ses cousins sont de nationalité française ; que, toutefois, il est célibataire et sans charge de famille en France, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Turquie, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans et où résident sa mère, ainsi que son frère et sa soeur ; qu'il est entré en France moins de deux mois avant l'édiction de la mesure d'éloignement attaquée ; que, dans ces conditions, cette mesure n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur sa situation personnelle ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

6. Considérant que si M. A..., qui a indiqué lors de son audition par les services de police qu'il ne désirait pas faire l'objet d'un examen médical, soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que son état de santé nécessite un suivi psychiatrique, les certificats médicaux qu'il produit, qui font état de la présence de cicatrices et d'un trouble anxieux en rapport avec sa situation juridique, ne permettent pas de justifier qu'il remplirait l'ensemble des conditions cumulatives posées par ces mêmes dispositions ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) f ) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 (...) " ;

8. Considérant que pour refuser à M. A... un délai de départ volontaire, le préfet de l'Hérault a estimé que le risque de fuite était établi aux motifs que, démuni de tout document de voyage, le requérant était en possession d'un titre de séjour espagnol falsifié, qu'il déclarait habiter chez son père à Montpellier sans pouvoir préciser l'adresse de ce dernier et ne pas vouloir quitter la France, et qu'il n'avait pas effectué de démarches afin de régulariser sa situation ; que M. A... ne conteste pas sérieusement ces éléments en se bornant à soutenir qu'il n'a pas disposé du temps nécessaire à la constitution de son dossier de demande d'asile entre son entrée en France et son arrestation ; que, dans ces conditions, M. A..., qui entrait bien dans le champ d'application des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 précité, n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne pouvait légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que M. A... ne peut utilement soutenir, à l'encontre de l'arrêté en date du 10 février 2016 portant obligation de quitter le territoire français à destination de la Turquie, que la mise à exécution de cet arrêté ferait échec à la demande d'asile qu'il a présentée postérieurement à son édiction, le 23 février 2016 ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'il suit de ce qui a été dit précédemment que M. A... n'est pas fondé à exciper au soutien de sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de destination de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que M. A... fait valoir qu'en raison de son origine kurde, il a subi au cours de son service militaire des actes de torture et des mauvais traitements, et qu'en raison de son refus de se soumettre à une convocation du commissariat militaire relative à la réserve, il craint d'être soumis dans le pays dont il a la nationalité à des traitements inhumains ou dégradants ; que, toutefois, en se bornant à produire un document présenté comme une lettre de convocation, rédigé en langue turque, ainsi que des documents à caractère général relatifs au service militaire en Turquie et à la situation des objecteurs de conscience, il ne démontre pas qu'il serait réellement et personnellement exposé aux risques dont il fait état en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault, en décidant l'éloignement de M. A... à destination de la Turquie, aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. A... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2017 où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

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N° 16MA02064

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02064
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-27;16ma02064 ?
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