Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Châteaurenard a demandé au tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, de condamner la société Colas Méditerranée, venue aux droits de la société Sacer Sud Est, elle-même venue aux droits de la société Axima, ainsi que la société Aup'n et le groupement de maîtrise d'oeuvre, composé de la société SP2I, de la société Infratec et de MM. F...etB..., architectes, à lui verser une somme de 457 294,21 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires, à raison des désordres affectant la chaussée du cours Carnot sur le territoire de la commune.
Par un jugement n° 1203299 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné solidairement les sociétés Colas Méditerranée, la société Aup'n, la société SP2I et la société Infratec à verser à la commune de Châteaurenard la somme de 707 294,21 euros toutes taxes comprises avec intérêt au taux légal à compter du 14 mai 2012, déduction faite de la provision versée, d'autre part, a réparti la charge finale de la condamnation ainsi que les frais d'expertise, à concurrence de 30 % pour la société Colas Méditerranée, 30 % pour la société Aup'n, 30 % pour la société SP2I et 10 % pour la société Infratec, enfin, a accueilli les conclusions à fin d'appel en garantie réciproque des sociétés SP2I et Infratec.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 11 février 2016, sous le n° 16MA00642, complétée par un mémoire du 28 avril 2017, la société BET Infratec, représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) à titre principal d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de la commune de Châteaurenard, à titre subsidiaire de rejeter toute demande en garantie dirigée contre elle, à titre infiniment subsidiaire de condamner la société SP2I, la société Sacer Sud Est, la société Aup'n à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Châteaurenard une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête ne méconnaît pas les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- la commune ne peut se prévaloir du décompte général définitif établi dans le cadre de la procédure de reprise des travaux afin de justifier sa demande en paiement dès lors que la procédure n'a pas été régulièrement mise en oeuvre ;
- le tribunal n'a pas pu vérifier que les travaux réalisés correspondent aux travaux nécessaires à la remise en état de l'avenue Carnot ;
- la société doit être mise hors de cause dès lors que la société SP2I assurait une mission DET (suivi d'exécution) et qu'elle-même n'était investie que d'une mission d'organisation du pilotage du chantier et d'assistance à la réception, ainsi que cela ressort de la note méthodologique jointe au marché de maîtrise d'oeuvre ;
- elle n'était pas tenue à un devoir de conseil à l'égard de la société SP2I ;
- les désordres en cause trouvent leur origine dans un défaut d'exécution et à des manquements de la maîtrise d'oeuvre.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 avril 2017 et 5 mai 2017, la commune de Châteaurenard, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête, au rejet de l'appel provoqué de la société Colas, et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise solidairement à la charge de la société Aup'n, du BET Infratec et de la société Colas au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la requête d'appel du BET Infratec est irrecevable dès lors qu'elle méconnaît l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les désordres en cause relèvent de la garantie décennale et les désordres n'étaient pas connus et apparents dans toute leur ampleur lors de la réception des travaux ;
- la société Aup'n ne peut invoquer le moyen, nouveau en appel, de la survenance des désordres pendant l'année de garantie de parfait achèvement, ce moyen étant au surplus infondé ;
- les désordres sont imputables tant au groupement de maîtrise d'oeuvre qu'aux entreprises Sacer Sud-Est et Aup'n, la maîtrise d'ouvrage n'ayant commis aucune faute ;
- la procédure adaptée de l'article 28 du code des marchés publics pouvait être utilisée pour la passation du nouveau marché avec la société Eiffage ;
- les travaux réalisés correspondent à ceux préconisés par l'expert ;
- l'indemnisation doit être calculée toutes taxes comprises.
Par un mémoire enregistré le 24 avril 2017, la société Colas Midi Méditerranée, venant aux droits de la société Sacer Sud Est, représentée par MeA..., conclut, par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, au rejet de toutes demandes à son encontre, à la condamnation de la commune de Châteaurenard à lui rembourser la somme de 220 443,90 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 5 mars 2009, à la condamnation de la société Aup'n à lui verser la somme de 6 648 euros, au report des 10 % de responsabilité de la société Infratec sur la société SP2I, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de toute partie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le phénomène d'affaissement constaté n'est pas lié à la solidité de la couche de grave traitée et sa responsabilité ne peut être retenue ;
- l'entreprise Aup'n a réceptionné le support en qualité et en altimétrie, et a manqué à ses obligations contractuelles en ne posant pas un ragréage dans la couche de base ;
- la responsabilité de la maîtrise d'oeuvre est engagée ;
- les désordres en cause ne relèvent pas de la garantie décennale ;
- toute condamnation doit tenir compte d'un coefficient de vétusté dès lors que l'ouvrage a été utilisé pendant six ans.
Par un mémoire enregistré le 25 avril 2017, la société SP2I, représentée par Me D..., conclut, par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, à titre principal, à l'annulation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale des constructeurs, à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé une condamnation toutes taxes et excédant la somme de 539 105,41 euros, à la condamnation solidaire des sociétés Colas Midi Méditerranée, Aup'n et Infratec à prendre en charge toutes condamnations, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge, à titre principal de la commune de Châteaurenard, à titre subsidiaire de la Société Infratec, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune ne peut demander le versement de sommes à raison du caractère définitif des décomptes généraux des marchés, notifiés sans retenue, alors que certaines réserves n'avaient pas été levées ;
- en l'absence d'indication par la commune du montant qu'elle a perçu au titre du FCTVA, seuls des montants hors taxes peuvent être retenus ;
- le montant des travaux de réfection effectués par la commune ne peut être pris en compte dès lors qu'elle aurait dû les réaliser durant la garantie de parfait achèvement ;
- la société SP2I doit être mis hors de cause à raison de la note méthodologique définissant les missions de chacun des membres de la maîtrise d'oeuvre.
Un mémoire présenté par l'EURL Aménagement urbain en B...naturelle (Aup'n), enregistré le 15 mai 2017 n'a pas été communiqué.
II. Par une requête, enregistrée le 29 février 2016, l'EURL Aménagement urbain en B...naturelle (Aup'n), représentée par la SCP Charrel et associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2015 ;
2°) de rejeter la demande de la commune de Châteaurenard ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Châteaurenard une somme de 3 500 euros hors taxes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;
Elle soutient que :
- les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale des constructeurs, mais de la responsabilité contractuelle des constructeurs, à savoir de la garantie de parfait achèvement ;
- les désordres étaient connus de la commune avant la réception des travaux et ont été signalés à la commune par elle et par la maîtrise d'oeuvre, avant l'expiration du délai de parfait achèvement ;
- le montant réclamé n'est pas justifié par la production du décompte général et définitif du marché attribué ;
- la commune fait supporter aux constructeurs le coût de l'amélioration de l'ouvrage ;
- la commune est à l'origine de l'aggravation des désordres par son refus de réaliser les travaux de reprise au titre de la garantie de parfait achèvement ;
- elle n'a commis aucune faute.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2016, complété par un mémoire du 5 mai 2017, la commune de Châteaurenard, représentée par MeG..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge solidaire de la société Aup'n et de la société Infratec au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les désordres en cause relèvent de la garantie décennale dès lors qu'ils n'étaient pas connus et apparents dans toute leur ampleur lors de la réception des travaux ;
- les désordres sont imputables tant au groupement de maîtrise d'oeuvre qu'aux entreprises Sacer Sud-Est et Aup'n ;
- la procédure adaptée de l'article 28 du code des marchés publics pouvait être utilisée pour la passation du nouveau marché ;
- les travaux réalisés correspondent à ceux préconisés par l'expert ;
- l'indemnisation doit être calculée toutes taxes comprises.
Par un mémoire enregistré le 24 avril 2017, la société Colas Midi Méditerranée, venant aux droits de la société Sacer Sud-Est, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, à la réformation du jugement en tant qu'il a retenu 30 % de responsabilité à son encontre, à la condamnation de la commune de Chateaurenard à lui rembourser la somme de 220 443,90 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 5 mars 2009, à la condamnation de la société Aup'n à lui verser la somme de 6 648 euros, au report des 10 % de responsabilité de la société Infratec sur la société SP2I, au rejet des conclusions de la société Aup'n, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de toute partie au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- le phénomène d'affaissement constaté n'est pas lié à la solidité de la couche de grave traitée et sa responsabilité ne peut être retenue ;
- l'entreprise Aup'n a réceptionné le support en qualité et en altimétrie, et a manqué à ses obligations contractuelles en ne posant pas un ragréage dans la couche de base ;
- la responsabilité de maîtrise d'oeuvre est engagée ;
- les désordres en cause ne relèvent pas de la garantie décennale ;
- toute condamnation doit tenir compte d'un coefficient de vétusté dès lors que l'ouvrage a été utilisé pendant six ans.
Par un mémoire enregistré le 25 avril 2017, la société SP2I, représentée par Me D..., conclut, par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, à titre principal, à l'annulation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale des constructeurs, à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé une condamnation toutes taxes et excédant la somme de 539 105,41 euros, à la condamnation solidaire des sociétés Colas Midi Méditerranée, Aup'n et Infratec à prendre en charge toutes condamnations, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge, à titre principal de la commune de Châteaurenard, à titre subsidiaire de la société Infratec, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune ne peut demander le versement de sommes à raison du caractère définitif des décomptes généraux des marchés, notifiés sans retenue, alors que certaines réserves n'avaient pas été levés;
- en l'absence d'indication par la commune du montant qu'elle a perçu au titre du FCTVA, seuls des montants hors taxes peuvent être retenus ;
- le montant des travaux de réfection effectués ne peut être pris en compte dès lors qu'elle aurait dû les réaliser durant la période de la garantie de parfait achèvement ;
- la société SP2I doit être mise hors de cause à raison de la note méthodologique définissant les missions de chacun des membres de la maitrise d'oeuvre ;
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2017, la société BET Infratec, représentée par Me E..., conclut, par la voie de l'appel incident et de l'appel provoqué, à titre principal, à l'annulation du jugement du 22 décembre 2015 et au rejet de la demande de la commune de Châteaurenard, à titre subsidiaire à sa mise hors de cause et au rejet de tout appel en garantie, à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation de la société SP2I, de la société SACER Sud-Est et de la société Aup'n à la relever et garantir de toute condamnation, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Châteaurenard au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'il ne lui a été confié qu'une mission d'OPC, seule la société SP2I ayant une mission DET (suivi d'exécution) aux termes d'une note méthodologique et une mission d'assistance à la réception de l'ensemble des ouvrages.
Un mémoire présenté par l'EURL Aménagement urbain en B...naturelle (Aup'n), enregistré le 15 mai 2017 n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur ;
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public ;
- et les observations de Me H...pour la société Infratec, de Me C... pour la société Aup'n, de Me A...pour la société Colas Midi Méditerranée, et de Me G... pour la commune de Chateaurenard.
1. Considérant que les requêtes susvisées concernent un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
2. Considérant que dans le cadre de l'opération de requalification et d'embellissement de son centre ville, la commune de Châteaurenard a confié le réaménagement des espaces publics à un groupement de maîtrise d'oeuvre composé de la société SP2I, de la société Infratec, bureau d'études techniques, et de Messieurs F...etB..., architectes ; que la première tranche de travaux, concernant la réhabilitation du cours Carnot, comportait trois lots ; que le lot n°1, VRD, consistant en la rénovation de tous les réseaux publics, du corps de chaussée, du mobilier urbain et de l'éclairage a été confié par un acte d'engagement du 19 juillet 2004 à un groupement d'entreprises solidaires Axima-EHTP pour un montant de 1 755 906 euros toutes taxes comprises ; que le lot n°2 relatif à la réalisation des revêtements de sol en pavés et dalles de B...a été confié par un acte d'engagement du 19 juillet 2004 pour un montant de 863 815,49 euros toutes taxes comprises à un groupement solidaire composé de la société Aménagement urbain en B...naturelle (Aup'n) et de la société Sportiello Bâtiment, dont l'entreprise Aup'n était le mandataire ; que le lot n° 3 relatif à la réhabilitation des canaux d'arrosage a été confié à un groupement solidaire composé de la société Entreprise hydraulique et travaux publics et de la société Axima, aux droits de laquelle est venue la société Sacer Sud-Est, puis la société Colas Méditerranée ; qu'après réception des travaux, un affaissement de la chaussée a été constaté à différents endroits du cours Carnot avec une détérioration des joints des pavés entraînant des infiltrations d'eau pluviales dans les couches de la chaussée ; qu'un expert a été désigné le 24 juillet 2006 et a rendu son rapport le 2 juin 2008, modifié le 2 juillet 2008 en raison d'une erreur matérielle ; que, par une ordonnance du 19 décembre 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a accordé à la commune de Châteaurenard une provision d'un montant de 250 000 euros, confirmée par la cour administrative d'appel le 11 juin 2010 ; qu'un nouveau marché a été attribué à la société Eiffage Travaux publics, afin de remédier aux désordres constatés, pour un montant de 770 540, 94 euros toutes taxes comprises ;
3. Considérant que la société Infratec et la société Aup'n relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2015 en tant, d'une part, qu'il a les a condamnés, solidairement avec les sociétés Colas Midi Méditerranée et SP2I, à verser une indemnité de 707 294,21 euros à la commune de Chateaurenard et, d'autre part, que, statuant sur les appels en garantie, il a mis à leur charge finale, respectivement 10 % et 30 % de la condamnation ; que, par voie d'appels incident et provoqué, les sociétés Colas Midi Méditerranée et SP2I contestent tant leur condamnation à l'égard de la commune que la charge finale de cette condamnation leur incombant, s'élevant pour chacune d'elles à 30 % ;
Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel de la société Infratec :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ;
5. Considérant que la requête présentée par la société Infratec ne constitue pas la reproduction littérale de son mémoire de première instance ; que sa requête satisfait ainsi aux exigences posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Châteaurenard tirée de la méconnaissance de l'article R. 411-1 précité par la société Infratec doit être écartée ;
Sur la responsabilité à l'égard de la commune :
6. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;
7. Considérant que l'EURL Aup'n soutient que la garantie décennale des constructeurs ne peut être mise en oeuvre dès lors que les désordres étaient apparents lors des réceptions de travaux intervenus à chacune des phases de travaux de voirie ; qu'il résulte de l'instruction que les trois phases de travaux de rénovation de la chaussée du cours Carnot ont fait l'objet de trois procès-verbaux de réception en date des 17 décembre 2004, 1er mars 2005 et 10 mai 2005 ; que les réserves émises ont notamment porté sur des joints de pavés à quelques endroits de la chaussée, dont la reprise a été effectuée rapidement ; que les désordres ainsi relevés, lors des réceptions, ont revêtu un caractère ponctuel, sans commune mesure avec les désordres d'affaissements constatés ultérieurement ; qu'il ne résulte pas des procès-verbaux de réunion de chantier que la commune aurait pu, aux dates de réception, connaître la nature des vices et l'ampleur de leurs conséquences ; que, par suite, ni les désordres en litige, apparus en 2006, ni l'ampleur de leurs conséquences ne peuvent être regardés comme ayant été apparents lors de la réception des travaux ;
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le cahier des clauses techniques particulières des lots 1 et 2 prévoyait la pose d'une couche de fondation en béton maigre de 15 cm d'épaisseur et la pose de pavés de B...sur le lit de sable de 5 cm d'épaisseur, et qu'en début des travaux, le groupement titulaire du lot n°1 a fait état de l'insuffisance d'un béton maigre de 15 cm d'épaisseur eu égard aux charges roulantes ; que la maîtrise d'oeuvre a accepté son remplacement par une couche de grave ciment traitée sur 30 cm d'épaisseur ; qu'après avoir fait réaliser une étude physico-chimique par une société spécialisée, l'expert a constaté que " pour les quelques zones qui ne présentent pas de déformation majeure, la solidité n'est pas assurée eu égard aux nombreux sondages faits sur l'ensemble de l'avenue Carnot et eu égard à l'aspect aléatoire de la réalisation tant dans la couche de fondation que du système de pose des pavés " ; que l'expert a relevé " qu'il s'ensuit une impropriété à destination de la voirie puisque des ornières quasi généralisées se sont formées sur la zone de circulation alors que la variante technique proposée par l'entreprise titulaire du lot n°1 visait, par la réalisation d'une grave ciment en fondations, à assurer l'usage de cette chaussée tant aux véhicules légers qu'aux camions " ; qu'il résulte ainsi de l'instruction que les désordres affectant la chaussée rendaient l'ouvrage impropre à sa destination ; que, par suite, les désordres en cause sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, ainsi que l'ont jugé à juste titre les premiers juges ;
9. Considérant que, dès lors qu'étaient remplies les conditions de mise en jeu de la garantie décennale, rien ne s'opposait à ce que la commune de Châteaurenard engageât une action sur ce fondement, alors même qu'elle aurait également pu, à la date où les désordres sont apparus, engager une action sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ;
10. Considérant que les constructeurs sont responsables de plein droit de la totalité des désordres affectant l'ouvrage à la construction duquel ils ont participé, dès lors qu'ils leur sont imputables, fût-ce partiellement ; que, lorsque sa responsabilité est recherchée sur le fondement de la garantie décennale, un constructeur ne peut dès lors en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables ; que, dans ces conditions, eu égard à la participation, rappelée au point 2, des sociétés Aup'n, Infratec, SP2I et Colas Midi Méditerranée aux travaux affectés des désordres en litige, la commune était fondée à mettre en cause leur responsabilité solidaire au titre de la garantie décennale des constructeurs ;
Sur le préjudice de la commune :
11. Considérant que si la société Infratec soutient que la commune de Châteaurenard aurait à tort utilisé la procédure adaptée de l'article 28 du code des marchés publics alors en vigueur, pour attribuer le marché de reprise des désordres à la société Eiffage travaux publics, alors que le montant des travaux excédait le seuil prévu par l'article 26 du code des marchés publics, un tel moyen est inopérant dès lors qu'il n'est ni allégué ni démontré que le montant versé à la société Eiffage aurait été surévalué du fait de l'erreur commise par la commune dans le choix de la procédure ;
12. Considérant que la circonstance que le décompte général du marché de reprise, attribué à la société Eiffage travaux publics, n'a pas été examiné par l'expert n'établit pas que les travaux réalisés ont excédé les travaux de reprise qu'il a préconisés ;
13. Considérant que l'expert a relevé le caractère généralisé des désordres, nécessitant la reprise générale de l'ouvrage ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas établi par la société, que le coût des travaux de reprise aurait pu être moindre s'ils avaient été réalisés pendant la période de la garantie de parfait achèvement; que, par suite, la société Aup'n n'est pas fondée à soutenir que la commune a tardé dans la reprise des désordres, et est à l'origine de l'aggravation de ces mêmes désordres ;
14. Considérant que si la cote du fond de terrassement a été abaissée de moins 63 cm à moins 84 cm, et qu'un géotextile a été mis en place, ce qui n'avait pas été initialement mis en place, ces éléments n'établissent pas que la commune aurait apportée une plus-value à l'ouvrage ;
15. Considérant que le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations ; qu'il est constant que la commune de Châteaurenard n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de ses services administratifs, dont la voirie qui relève du domaine public routier ; que si l'article L. 235-13 du code des communes a institué un fonds de compensation destiné à permettre progressivement le remboursement de la taxe à la valeur ajoutée acquittée par les collectivités locales sur leurs dépenses réelles d'investissement, les dispositions législatives alors en vigueur, qui ne modifiaient pas le régime fiscal des opérations desdites collectivités, ne faisaient pas obstacle à ce que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection de l'immeuble soit incluse dans le montant de l'indemnité due par les constructeurs à la commune de Châteaurenard ; que, par suite, la société SP2I n'est pas fondée à demander que l'indemnité qu'elle a été condamnée à payer à la commune de Châteaurenard soit diminuée de ladite taxe au taux applicable aux travaux de reprise ;
16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le montant des dépenses mandatées pour l'opération de reprise des pavés du cours Carnot s'est élevé à la somme de 755 700,21 euros ; que le montant du préjudice indemnisable au titre de la garantie décennale des constructeurs, déduction faite des travaux d'embellissement effectués à la demande de la commune, qui ne sont pas contestés, doit être fixé, comme l'ont estimé les premiers juges, à la somme de 707 294,21 euros toutes taxes comprises ;
Sur les appels en garantie et la charge finale de la réparation :
17. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la société Aup'n, co-titulaire du lot n° 2 relatif au revêtement enB..., a commis une faute en ne procédant pas à la réception de la couche de fondation posée par le titulaire du lot n° 1, comme le contrat du lot n° 2 lui en faisait l'obligation ; qu'elle a commis une seconde faute en ne procédant pas au ragréage de la couche de fondation et en posant sur cette couche une couche de sable dont l'épaisseur était irrégulière et supérieure à l'épaisseur contractuellement prévue ; qu'elle n'a pas respecté ses obligations contractuelles en posant sur la couche de fondation une couche de sable supérieure aux 4 à 6 cm contractuellement prévus, et d'autre part, en ne réceptionnant pas la couche de fondation dont elle devait vérifier la conformité ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, 30 % des conséquences dommageables des désordres ont été mises à sa charge ;
18. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la note méthodologique, annexée à l'acte d'engagement, a précisé que la direction générale du chantier incombe à la société SP2I, mandataire, alors que la société Infratec, n'a été chargée que de la mission " organisation pour la planification et la coordination " (OPC), qui consiste, aux termes du décret du 19 novembre 1993, à analyser les tâches élémentaires portant sur les études d'exécution des travaux, de déterminer leur enchaînement, et d'harmoniser dans le temps et dans l'espace les différents intervenants au stade des travaux ; qu'ainsi, la société Infratec est fondée à soutenir que les désordres litigieux ne sont pas dus à une faute de sa part et qu'aucune part de responsabilité ne peut être mise à sa charge, au titre de la charge finale de la réparation, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;
19. Considérant en troisième lieu, que la société SP2I a été chargée, en vertu du décret du 19 novembre 1993, d'une mission de contrôle de l'exécution des travaux (DET) ; qu'il ressort du rapport d'expertise que l'intervention de la maîtrise d'oeuvre " DET " aurait permis d'éviter la mauvaise réalisation des travaux ; que, par suite, eu égard à cette faute, la part de responsabilité de la société SP2I dans la survenance du désordre doit être fixée à 40 % , contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;
20. Considérant en quatrième lieu qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient commis une erreur d'appréciation en fixant à 30 % la part de la société Colas Midi Méditerranée dans la charge finale de la réparation ;
Sur les conclusions de la société Colas Midi Méditerranée à fin de remboursement de frais d'huissier ;
21. Considérant d'autre part, qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société Aup'n, débiteur de la société Colas Midi Méditerranée, la somme de 6 648 euros correspondant à des frais d'huissier qu'elle a dû exposer pour obtenir le paiement de la garantie due en application du jugement de première instance ;
22. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu, d'une part, de condamner la société Aup'n à verser une somme de 6 648 euros à la société Colas Midi Méditerranée, d'autre part, de fixer la charge finale de la condamnation prononcée par le tribunal administratif de Marseille à 30 % pour la société Colas Midi Méditerranée, 30 % pour la société Aup'n et 40 % pour la société SP2I, et de rejeter le surplus des conclusions des parties ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des parties les sommes demandées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La charge finale de la condamnation fixée par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 2015 est répartie à concurrence de 30 % pour la société Colas Méditerranée, de 30 % pour la société Aup'n et de 40 % pour la société SP2I.
Article 2 : Les articles 2, 5, 6 et 7 du jugement du tribunal administratif de Marseille sont réformés en ce qu'ils sont contraires à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La société Aup'n est condamnée à verser à la société Colas Midi Méditerranée la somme de 6 648 euros au titre des frais d'exécution du jugement de première instance.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Les conclusions des parties tendant au versement de sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Aup'n, à la société Infratec, à la commune de Châteaurenard, à la société Colas midi méditerranée et à la société SP2I.
Délibéré après l'audience du 12 juin 2017, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 26 juin 2017.
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Nos 16MA00642-16MA00768