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22/06/2017 | FRANCE | N°17MA00296

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 22 juin 2017, 17MA00296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 mai 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 1608120 du 3 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistr

ée le 19 janvier 2017, M. A..., représenté par Me B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 mai 2016 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours mentionnant le pays de destination.

Par un jugement n° 1608120 du 3 janvier 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2017, M. A..., représenté par Me B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 janvier 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à une nouvelle instruction de sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et, dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil qui renonce dans ce cas à percevoir la part contributive de l'Etat due au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée au regard de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 codifié à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- sa situation personnelle n'a pas été examinée ;

- la décision en litige méconnaît les articles L. 313-14 et L. 513-2, L. 711-2, L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- il encourt des risques de persécution en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision contestée est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Gougot été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que, par arrêté du 25 mai 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande de titre de séjour que lui avait présentée le 9 avril 2015 M. A..., ressortissant gambien, sur le fondement de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ; que M. A... interjette appel du jugement du 3 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : /1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ... " ; que selon l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision contestée dispose que : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. " ;

3. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône mentionne dans sa décision les textes appliqués et précise notamment que le requérant déclare être entré en France le 7 juin 2014, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris une décision de refus le concernant le 9 octobre 2015, confirmée le 25 avril 2016 par la Cour nationale du droit d'asile ; que l'autorité administrative a vérifié que l'intéressé ne pouvait séjourner en France au regard des articles L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en relevant notamment que son épouse et son enfant demeuraient dans son pays d'origine ; que le préfet est seulement tenu de mentionner les éléments sur lesquels il se fonde ; qu'il n'avait pas à tenir compte des risques éventuels encourus par M. A... en cas de retour dans son pays d'origine pour l'édiction de la décision de refus de séjour pour laquelle de telles circonstances sont inopérantes ; que l'erreur sur l'orthographe des nom et prénom de l'intéressé ainsi que sur l'année de sa date de naissance, pour regrettables qu'elles soient, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, dés lors qu'il ressort des autres éléments de la décision que le préfet a examiné la situation particulière de M. A... ; que les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et du défaut d'examen personnel de sa situation doivent, par suite, être écartés ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de la méconnaissance L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté dès lors que le requérant n'a pas fondé sa demande sur cette disposition ainsi qu'il a été dit au point 1 ; que, de même, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, qui n'est applicable qu'aux étrangers auxquels la qualité de réfugié a été reconnue, doit être écarté comme inopérant, la demande d'asile de M. A... ayant été rejetée ainsi qu'il a été dit au point 3 ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné :/ 1° A destination du pays dont il a la nationalité [...] Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que l'article L. 711-2 du même code précise que : " ...S'agissant des motifs de persécution, les aspects liés au genre et à l'orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l'appartenance à un certain groupe social ou de l'identification d'une caractéristique d'un tel groupe.... " ; qu'enfin selon l'article L. 722-1 du même code : " Un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément pour les hommes comme pour les femmes, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison d'une violence qui peut s'étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle dans des situations de conflit armé international ou interne. "

6. Considérant qu'un groupe social est, au sens de ces dispositions, constitué de personnes partageant un caractère inné, une histoire commune ou une caractéristique essentielle à leur identité et à leur conscience, auxquels il ne peut leur être demandé de renoncer, et une identité propre perçue comme étant différente par la société environnante ou par les institutions ; qu'en fonction des conditions qui prévalent dans un pays, des personnes peuvent, à raison de leur orientation sexuelle, constituer un groupe social au sens de ces dispositions ; qu'il convient dès lors, dans l'hypothèse où une personne sollicite le bénéfice du statut de réfugié à raison de son orientation sexuelle, d'apprécier si les conditions existant dans le pays dont elle a la nationalité permettent d'assimiler les personnes se revendiquant de la même orientation sexuelle à un groupe social du fait du regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions et dont les membres peuvent craindre avec raison d'être persécutés du fait même de leur appartenance à ce groupe ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'octroi du statut de réfugié du fait de persécutions liées à l'appartenance à un groupe social fondé sur des orientations sexuelles communes ne saurait être subordonné à la manifestation publique de cette orientation sexuelle par la personne qui sollicite le bénéfice du statut de réfugié dès lors que le groupe social, au sens des dispositions précitées, n'est pas institué par ceux qui le composent, ni même du fait de l'existence objective de caractéristiques qu'on leur prête mais par le regard que portent sur ces personnes la société environnante ou les institutions ;

8. Considérant, que le requérant ne peut utilement se prévaloir de risques prétendument encourus en cas de retour dans son pays d'origine au soutien de ses conclusions en annulation du refus de séjour et de la mesure d'éloignement ;

9. Considérant en revanche que, s'agissant de la décision fixant le pays de destination, il ressort des pièces du dossier qu'en application de l'article 144 du code pénal de Gambie, l'homosexualité revêt une qualification de " crime " passible d'une peine d'emprisonnement de 14 ans ; que l'intéressé a été arrêté, détenu et poursuivi pour " activité homosexuelle " ; que par suite, le requérant doit être regardé comme encourant des risques de persécutions contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel renvoie l'article L. 513-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tenant à l'annulation de la décision fixant la Gambie comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que, l'arrêt, qui annule la décision fixant le pays de destination, implique que le préfet des Bouches-du-Rhône réexamine la situation de M. A..., après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que le requérant a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de M. A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 janvier 2017, en tant qu'il a rejeté la demande de M. A...dirigée contre la décision en date du 25 mai 2016 fixant la Gambie comme pays de destination de la mesure d'éloignement, ensemble cette décision, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt après lui avoir délivré, dans le délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour et suivant les modalités précisées dans les motifs sus-indiqués.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à MeB..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que l'intéressé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme C..., première conseillère,

- Mme Gougot, première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 juin 2017.

6

N° 17MA00296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00296
Date de la décision : 22/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : MICHEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-22;17ma00296 ?
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