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15/06/2017 | FRANCE | N°16MA02756

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 16MA02756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 18 février 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif économique à la demande de la société Sundio Group France.

Par un jugement n° 1503113 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregist

rés le 8 juillet 2016 et le 2 décembre 2016, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 18 février 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif économique à la demande de la société Sundio Group France.

Par un jugement n° 1503113 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 8 juillet 2016 et le 2 décembre 2016, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 mai 2016 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail autorisant son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- seul le ministre du travail était compétent pour statuer sur le recours hiérarchique introduit par la société ;

- s'il pouvait annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail, le ministre ne pouvait légalement la retirer ;

- l'administration ne pouvait se fonder sur les seuls résultats des exercices clos en 2012 et 2013 pour apprécier les difficultés économiques ;

- à la date de la décision du ministre, les difficultés économiques invoquées ne pouvaient justifier l'autorisation de licenciement demandée ;

- il appartenait à l'employeur de justifier de la persistance de ces difficultés, et non à la salariée de démontrer qu'elles n'existaient plus ;

- l'obligation de reclassement n'a pas été mise en oeuvre de manière loyale et sérieuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2016, la SARL Sundio Group France, représentée par Me G... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mai 2017.

Un mémoire présenté par la ministre du travail a été enregistré le 24 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, première conseillère,

- les conclusions de M. Frédéric Salvage, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la société Sundio Group France.

Une note en délibéré présentée pour la SARL Sundio Group France a été enregistrée le 1er juin 2017.

1. Considérant que le 26 mai 2014, la société alors dénommé Sunweb Vacances, désormais dénommée Sundio Group France, a demandé l'autorisation de licencier Mme B..., déléguée du personnel titulaire, pour motif économique ; que, par décision du 24 juillet 2014, l'inspectrice du travail d'Aix-en-Provence, constatant que le siège social avait été transféré à Paris, s'est déclarée incompétente et a, en conséquence, rejeté la demande dont elle était saisie ; que, sur recours hiérarchique reçu le 18 août 2014, le ministre du travail a, le 18 février 2015, retiré la décision implicite de rejet née de son silence, retiré la décision de l'inspectrice du travail et a autorisé le licenciement de Mme B... ; que celle-ci fait appel du jugement du 3 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de la décision du ministre ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du ministre :

En ce qui concerne le retrait du recours hiérarchique et l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des délégués du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ;

3. Considérant que, lorsqu'il est saisi d'un recours hiérarchique contre une décision d'un inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé, le ministre compétent doit, soit confirmer cette décision, soit, si celle-ci est illégale, l'annuler, puis se prononcer de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement compte tenu des circonstances de droit et de fait à la date à laquelle il prend sa propre décision ;

4. Considérant, en premier lieu, que, par arrêté du 24 mars 2014 publié au Journal officiel du 28 mars 2014, M. D... A..., directeur adjoint du travail, a reçu délégation à l'effet de signer, dans les limites des attributions de son bureau, et au nom du ministre chargé du travail, tous actes, décisions ou conventions, à l'exclusion des décrets ; qu'une telle délégation lui permettait de signer les décisions se prononçant sur les recours hiérarchiques portant sur les décisions prises en matière de demande d'autorisation de licenciement de salariés protégés, sans qu'une délégation de compétence soit nécessaire ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet " ; qu'il résulte de ces dispositions que le ministre chargé du travail peut légalement, dans le délai de recours contentieux, rapporter tant sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail refusant le licenciement d'un salarié protégé que le refus initial, dès lors que ces deux décisions sont l'une et l'autre illégales ; que le moyen tiré de ce que le ministre ne pouvait retirer la décision de l'inspectrice du travail mais seulement l'annuler doit ainsi être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, pour retirer la décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Sundio Group France contre la décision de rejet de l'inspectrice du travail intervenue le 24 juillet 2014, le ministre du travail a indiqué qu'il appartenait à l'inspectrice de transmettre la demande d'autorisation de licenciement à l'autorité compétente en application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et non de se borner à se déclarer incompétente ; qu'eu égard au motif retenu par le ministre pour rapporter la décision de l'inspectrice et sa propre décision implicite, les moyens tirés de ce que le ministre se serait mépris sur les difficultés économiques, aurait commis une erreur de droit dans leur appréciation ou de ce que l'obligation de reclassement n'aurait pas été mise en oeuvre de manière réelle et sérieuse sont inopérants ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le ministre ne pouvait légalement, par la décision attaquée, intervenue dans le délai de recours contentieux, rapporter le rejet implicite du recours hiérarchique formé par la société intimée ainsi que la décision de l'inspecteur du travail rejetant la demande d'autorisation de la licencier ;

En ce qui concerne l'autorisation de licenciement :

8. Considérant que le ministre s'est prononcé sur le recours hiérarchique dont il était saisi le 18 février 2015 ; qu'il a relevé que l'employeur avait décidé de fermer son établissement d'Aix-en-Provence, de centraliser et regrouper l'activité " individuelle " assurée par les salariés de cet établissement avec l'activité " groupe " à Paris, puis de centraliser et réorganiser les activités commerciales et marketing nécessaires et adaptées au nouveau périmètre de l'entreprise dans l'établissement de Paris ; qu'il ressort des pièces du dossier que le nombre de licenciements envisagés était, en mars 2014, de dix-sept, et que le licenciement des salariés non protégés devait avoir lieu au cours du printemps 2014 ; que le siège social a été transféré à Paris le 20 juin 2014, l'établissement aixois, qualifié de secondaire, ne subsistant que dans l'attente de la décision de l'inspecteur du travail concernant les trois salariés protégés rattachés au site ;

9. Considérant qu'il ressort des termes de la décision du 18 février 2015 que, pour considérer que les difficultés rencontrées pouvaient être suffisamment importantes et durables pour justifier le licenciement sollicité, le ministre, dont la décision ne fait état d'aucun résultat intermédiaire porté à sa connaissance, s'est borné à se référer aux résultats nets du groupe constaté en 2012 et en 2013, soit respectivement - 363 000 euros et - 10 962 000 euros ; qu'il ressort des pièces du dossier que la plus récente de ces données remontait au 31 octobre 2013 soit plus de quinze mois avant la décision du ministre ; que ces résultats ne permettaient pas de déterminer si les difficultés économiques qu'ils reflétaient avaient perduré, malgré les mesures adoptées et, en particulier, les licenciements intervenus depuis plus de six mois à la date à laquelle le ministre a statué ; qu'aucune des mentions de la décision attaquée ne permettent de considérer que le ministre aurait pris en compte des éléments économiques et financiers plus récents, recueillis au cours de l'instruction du recours hiérarchique ; que la transmission à l'inspectrice du travail, au début du mois de juillet 2014, soit sept mois et demi avant la décision, d'éléments intermédiaires portant sur l'exercice alors en cours, à la supposer établie, ne permet pas de considérer que la décision du ministre serait fondée sur des données plus récentes que celles dont il est fait état dans ses motifs ; que, dès lors, Mme B... est fondée à soutenir qu'en s'abstenant de se fonder, pour apprécier la réalité des difficultés économiques de l'entreprise, sur les circonstances de fait qui prévalaient à la date à laquelle il a pris sa décision, le ministre du travail a commis une erreur de droit ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, en tant qu'elle portait sur l'article 3 de la décision du ministre, autorisant la société Sundio Group France à la licencier, et à demander l'annulation, dans cette mesure, de la décision du 18 février 2015 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la société intimée au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La décision du ministre du travail du 18 février 2015 est annulée en tant qu'elle autorise la société Sundio Group France à licencier Mme B....

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de La SARL Sundio Group France tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...B..., à la ministre du travail et à la SARL Sundio Group France.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2017, où siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Chanon, premier conseiller,

- Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 juin 2017.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA02756
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-03-04 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Modalités de délivrance ou de refus de l'autorisation. Recours hiérarchique.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. SALVAGE
Avocat(s) : ERMENEUX- LEVAIQUE- ARNAUD et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-15;16ma02756 ?
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