Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La communauté d'agglomération de Nîmes Métropole a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 433 175 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait des fautes qu'aurait commises l'administration fiscale dans le calcul de la compensation relais établie au titre de l'année 2010 en application de l'article 1640 B du code général des impôts, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2014 et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1403026 du 18 juin 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 août 2015, le 30 septembre 2016, le 17 janvier 2017 et le 22 mai 2017, la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole, représentée par la SCP Seban et associés agissant par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 18 juin 2015 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 942 458 euros assortie des intérêts au taux légal ainsi que de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement ne fait pas mention des observations orales de son conseil et des représentants de l'administration fiscale à l'audience ;
- l'Etat a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité ;
- il convenait d'intégrer dans les deux composantes de calcul de la compensation relais les rôles supplémentaires de taxe professionnelle émis jusqu'au 30 juin 2012 ;
- l'absence de prise en compte du rôle émis au nom de la SAS Saur est fautive et lui occasionne un préjudice s'élevant à 283 925 euros ;
- le montant de la taxe professionnelle dû par la SAS Saur a été sous-évalué de 658 533 euros en raison de l'absence de prise en compte de la base supplémentaire liée aux nouvelles installations de la station d'épuration mises en service en 2008.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 février 2016, le 27 octobre 2016, le 22 décembre 2016 et le 31 mars 2017, le ministre chargé du budget conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole étant toujours recevable à contester la décision portant versement de la compensation, sa demande indemnitaire est irrecevable ;
- seules les impositions supplémentaires émises avant le 30 juin 2011 sont prises en compte pour le calcul de la première composante de la compensation alors que la date du 30 juin 2012 ne concerne que les rectifications apportées au montant de la taxe professionnelle " théorique " de l'année 2010 ;
- l'administration fiscale n'a pas émis avec retard les rôles supplémentaires qui n'ont été portés à sa connaissance qu'après la date butoir du 30 juin 2011 ;
- l'administration n'a commis aucune faute dans l'évaluation des bases de taxe professionnelle de la SAS Saur dont les nouvelles installations, achevées en 2009, ne pouvaient entrer dans la base de la taxe professionnelle de l'année 2010.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., la SCP Seban et associés, représentant la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole.
1. Considérant que la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole relève appel du jugement du 18 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 433 175 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison des fautes qu'aurait commises l'administration fiscale dans le calcul de la compensation relais établie pour l'année 2010 en application de l'article 1640 B du code général des impôts ; qu'elle ramène ses prétentions en appel à la somme de 942 458 euros correspondant à l'absence, selon elle fautive, de prise en compte du rôle supplémentaire émis le 17 avril 2012 au titre de l'année 2009 au nom de la SAS Saur pour un montant de 283 925 euros, lequel, de plus, aurait été sous-évalué de 658 533 euros en l'absence d'intégration dans les bases imposables de la société des nouvelles installations de la station d'épuration mises en service en 2008 ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus (...) " ;
3. Considérant qu'il est établi par les pièces du dossier de première instance que le conseil de la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole et les représentants de l'administration fiscale ont formulé des observations orales lors de l'audience devant le tribunal administratif de Nîmes du 4 juin 2015 ; qu'il ressort de la lecture du jugement du 18 juin 2015 qu'il n'a pas été fait mention de ces observations dans ses visas en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; qu'ainsi, le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole devant le tribunal administratif de Nîmes ;
Sur le bien-fondé de la demande de la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole :
5. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant à la réforme de la taxe professionnelle et notamment à la liquidation du montant de la compensation relais versée aux collectivités locales en 2010 en lieu et place du produit de la taxe professionnelle est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard d'une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et notamment du fait de ne pas avoir perçu des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 1640 B du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 : " II (...) les collectivités territoriales (...) et les établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre reçoivent au titre de l'année 2010, en lieu et place du produit de la taxe professionnelle, une compensation relais. Le montant de cette compensation relais est (...) égal au plus élevé des deux montants suivants : - le produit de la taxe professionnelle qui résulterait de l'application, au titre de l'année 2010, des dispositions relatives à cette taxe dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009 (...). - le produit de la taxe professionnelle de la collectivité territoriale ou de l'établissement public au titre de l'année 2009 (...) III. (...) La compensation relais versée en 2010 en application du II fait l'objet d'une actualisation correspondant aux redressements opérés par les services fiscaux au titre de la taxe professionnelle de 2010, pendant le délai de reprise visé à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales " ; qu'aux termes du I du 1.4. de l'article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 : " (...) En tant que de besoin, le montant de la compensation relais prévue au II de l'article 1640 B du code général des impôts est corrigé sur la base des impositions à la taxe professionnelle et à la cotisation foncière des entreprises émises jusqu'au 30 juin 2011 et des dégrèvements de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises ordonnancés jusqu'à la même date (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 174 du livre des procédures fiscales : " Les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle, la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises peuvent être réparées par l'administration jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; qu'il résulte de ce qui précède que le montant de la compensation relais versée aux collectivités locales en 2010 en lieu et place du produit de la taxe professionnelle est égal au plus élevé des montants soit du produit de la taxe professionnelle que la collectivité aurait perçu au titre de l'année 2010 si la réforme de la taxe professionnelle n'était pas intervenue, soit du produit de la taxe professionnelle de l'année 2009 ; que la compensation relais peut faire l'objet d'une actualisation du premier produit correspondant aux redressements opérés par l'administration fiscale sur la taxe professionnelle de l'année 2010 pendant le délai de reprise prévu à l'article L. 174 du livre des procédures fiscales, soit jusqu'au 31 décembre 2013, et ayant donné lieu à l'émission d'un rôle supplémentaire ; que la compensation relais peut également faire l'objet d'une correction de son mode de calcul pour tenir compte des rôles de taxe professionnelle émis jusqu'au 30 juin 2011 et des dégrèvements de taxe professionnelle ordonnancés jusqu'à cette même date ; que la date du 30 juin 2012, invoquée par la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole, résulte de la modification de l'article 1640 B du code général des impôts par la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 applicable seulement à compter du 1er janvier 2013 et, par suite, non applicable en l'espèce ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la compensation relais versée en 2010 à la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole a été assise sur le produit " théorique " de la taxe professionnelle que la collectivité aurait perçu au titre de l'année 2010 pour un montant de 56 162 567 euros si la réforme de la taxe professionnelle n'était pas entrée en vigueur, qui était supérieur au produit d'un montant de 54 321 502 euros de la taxe professionnelle de la communauté d'agglomération au titre de l'année 2009 ; que le rôle supplémentaire émis le 17 avril 2012 au nom de la SAS Saur était relatif à la cotisation de taxe professionnelle établie au titre de l'année 2009 et n'avait pas à être pris en compte pour la détermination de ce produit ; que l'administration n'a pas commis de faute en refusant de tenir compte de ce rôle supplémentaire pour procéder à l'actualisation de la compensation relais prévue au III de l'article 1640 B du code général des impôts dès lors qu'il ne s'agit pas d'un rôle supplémentaire de taxe professionnelle de l'année 2010 ; que ce rôle supplémentaire n'avait pas davantage à être pris en compte au titre de la correction de la compensation relais prévue par le I du 1.4. de l'article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 dès lors qu'il a été émis postérieurement au 30 juin 2011 ; qu'il résulte en outre de l'instruction que la fraction de ce rôle supplémentaire à laquelle prétend, à concurrence de la somme de 283 925 euros, la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole, n'aurait pas porté le produit de la taxe professionnelle de l'année 2009 à un montant supérieur à celui du produit " théorique " de la taxe professionnelle que la collectivité aurait perçu au titre de l'année 2010 ; que, dès lors, l'administration n'a pas davantage commis de faute en retenant ce dernier produit pour déterminer le montant de la compensation relais due à la communauté d'agglomération ;
8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de la déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux déposée le 30 juin 2009 par le président de la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole que les travaux de la station d'épuration exploitée par la SAS Saur étaient achevés le 30 juin 2009 ; que cet élément de fait n'est pas contredit par le procès-verbal de réception du 12 novembre 2010 par lequel la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole a prononcé la réception sans réserve des travaux avec effet rétroactif au 17 novembre 2008 ; que, dès lors, la station d'épuration doit être regardée comme étant entrée en service en 2009 ; que, par suite, la valeur des immobilisations résultant de ces travaux n'entrait pas dans la base d'imposition à la taxe professionnelle de la SAS Saur au titre des années 2009 et 2010 mais affectait seulement son imposition à la cotisation foncière des entreprises de l'année 2011 ; qu'ainsi, l'administration n'a pas commis de faute en s'abstenant de prendre en compte l'incidence de ces travaux sur la base de la taxe professionnelle de la SAS Saur pour le calcul de l'un ou l'autre des produits servant à la détermination de la compensation relais ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête de première instance que la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole n'est pas fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 942 458 euros, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1403026 du 18 juin 2015 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La demande de la communauté d'agglomération de Nîmes Métropole présentée devant le tribunal administratif de Nîmes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Nîmes Métropole et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 31 mai 2017, où siégeaient :
- Mme Erstein, président de la Cour,
- M. Bédier, président,
- M. Cherrier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller,
- M. Sauveplane, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 juin 2017.
N° 15MA03467 2