La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2017 | FRANCE | N°16MA03346

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 12 juin 2017, 16MA03346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Agostini a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le marché public de travaux conclu entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement Valli-SCTP-Mochi-Castellani en vue de la réalisation de travaux de génie civil et de condamner cette collectivité à lui verser la somme de 137 388 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du marché et capitalisation des intérêts échus.

Par un jugement n° 1400626

du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé le marché pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Agostini a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler le marché public de travaux conclu entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement Valli-SCTP-Mochi-Castellani en vue de la réalisation de travaux de génie civil et de condamner cette collectivité à lui verser la somme de 137 388 euros en réparation des préjudices subis, avec intérêts au taux légal à compter de la notification du marché et capitalisation des intérêts échus.

Par un jugement n° 1400626 du 23 juin 2016, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé le marché passé le 24 mars 2014 entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement Valli-SCTP-Mocchi-Castellani et, d'autre part, condamné la collectivité territoriale de Corse à verser à la société Agostini, mandataire du groupement Agostini, Ciabrini et Leandri une somme de 136 388 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 22 juillet 2014 et capitalisation des intérêts.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 12 août 2016 sous le n° 16MA03346, la collectivité territoriale de Corse, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de rejeter la demande de la société Agostini ;

3°) de mettre à la charge de la société Agostini, en sa qualité de mandataire du groupement des sociétés Agostini, Ciabini et Leandri, une somme de 4 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le moyen d'annulation retenu par les premiers juges, tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait neutralisé le critère de la valeur technique et l'ensemble de ses sous-critères, n'est pas fondé ;

- la sanction de l'annulation du marché est disproportionnée eu égard à l'illégalité retenue ;

- la société Agostini ne bénéficiait pas d'une chance réelle et sérieuse de remporter le marché.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 août et 27 octobre 2016 sous le n° 16MA03349, la collectivité territoriale de Corse, représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1400626 du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé le marché passé le 24 mars 2014 entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement Valli-SCTP-Mocchi-Castellani, d'autre part, condamné la collectivité territoriale de Corse à verser à la société Agostini, mandataire du groupement Agostini, Ciabrini et Leandri une somme de 136 388 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 22 juillet 2014 et capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge de la société SOTEM et de Me A..., agissant en qualité de mandataire de la société Unidoc, chacun, une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable et fondée à demander le sursis à exécution du jugement dès lors que les moyens soulevés dans la requête n° 16MA03346 et repris dans la présente requête sont de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande de la société Agostini devant le tribunal administratif ;

- l'annulation du marché en cause, prononcée par le jugement du tribunal administratif porte une atteinte excessive à l'intérêt général et à la sécurité publique en raison du risque d'effondrement de la route territoriale 10.

Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2016, la société Agostini, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Corse au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requérante n'est pas exposée à la perte définitive d'une somme qui ne devrait pas rester à sa charge ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est de nature à entraîner l'annulation du jugement.

III. Par une requête, enregistrée le 24 août 2016 sous le n° 16MA03434, la société Valli, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de la société Agostini ;

3°) à titre subsidiaire, d'une part, d'ordonner la reprise de l'exécution du marché, d'autre part, d'indemniser la société Agostini d'une somme de 1 000 euros au titre de la présentation de son offre ou, à titre infiniment subsidiaire, de condamner la collectivité territoriale de Corse à lui verser une somme de 40 916,40 euros au titre de son manque à gagner ;

4°) de mettre à la charge de la société Agostini, une somme de 5 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement méconnaît les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;

- le moyen d'annulation retenu par les premiers juges, tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait neutralisé le critère de la valeur technique et l'ensemble de ses sous-critères, n'est pas fondé ;

- la sanction de l'annulation du marché est disproportionnée eu égard à l'illégalité retenue et à raison de l'atteinte à l'intérêt général;

- l'indemnisation du manque à gagner de la société Agostini n'est pas fondée dès lors qu'elle ne bénéficiait pas d'une chance réelle et sérieuse de remporter le marché ;

- la demande indemnitaire de la société Agostini est irrecevable.

IV. Par une requête enregistrée le 25 août 2016 sous le n° 16MA03453, complétée par un mémoire du 2 février 2017, la société Valli, représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1400626 du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé le marché passé le 24 mars 2014 entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement Valli-SCTP-Mocchi-Castellani, d'autre part,

condamné la collectivité territoriale de Corse à verser à la société Agostini, mandataire du groupement Agostini, Ciabrini et Leandri une somme de 136 388 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 22 juillet 2014 et capitalisation des intérêts.

Elle soutient que :

- elle est recevable et fondée à demander le sursis à exécution du jugement dès lors que les moyens soulevés dans la requête n° 16MA03434 et repris dans la présente requête sont de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué ainsi que le rejet de la demande de la société Agostini devant le tribunal administratif ;

- l'annulation du marché en cause, prononcée par le jugement du tribunal administratif met en péril sa situation financière, porte une atteinte excessive à l'intérêt général et à la sécurité publique.

Par un mémoire enregistré le 19 septembre 2016, la société Agostini, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Valli au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est régulier ;

- la demande de sursis à exécution n'est pas fondée ;

- aucun des moyens soulevés par la requérante n'est de nature à entraîner l'annulation du jugement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, président assesseur ;

- les conclusions de M. Thiéle, rapporteur public ;

- et les observations de Me C... pour la collectivité territoriale de Corse, et de Me D... pour le groupement Valli.

1. Considérant que les requêtes n° 16MA03346, n° 16MA003349, n° 16MA03434 et n° 16MA03453 concernent le même jugement et présentent à juger des questions identiques ; qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que par un avis d'appel public à la concurrence du 9 août 2013, la collectivité territoriale de Corse a lancé une procédure de passation, sous la forme d'un appel d'offres ouvert, d'un marché public de travaux portant sur des prestations de " génie civil des routes nationales : déblais, remblais ; ouvrages hydrauliques ; trottoirs et îlots ; petits ouvrages de soutènement " ; que ce marché a été divisé en quatre lots géographiques ; qu'un groupement momentané d'entreprises, composé des sociétés Agostini, Ciabini et Leandri a remis une offre pour le lot 2A Sud (RN196, pont d'Abra 140, l'agglomération de Bonifacio, haute ville) ; que le 7 mars 2014, la société Agostini a été informée du rejet de son offre et de l'attribution du marché au groupement Valli-SCTP-Mocchi-Castellani ; que la collectivité territoriale de Corse et la société Valli relèvent appel et demandent que soit prononcé, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement par lequel le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé le marché passé le 24 mars 2014 entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement Valli-SCTP-Mocchi-Castellani, d'autre part, condamné la collectivité territoriale de Corse à verser à la société Agostini, mandataire du groupement Agostini, Ciabrini et Leandri une somme de 136 388 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 22 juillet 2014 et capitalisation des intérêts ;

Sur les requêtes Nos16MA03346 et 16MA03434 :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué ;

3. Considérant qu'indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l'excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d'un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivant le code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d'être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département dans l'exercice du contrôle de légalité ; que le représentant de l'Etat dans le département et les membres de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, peuvent invoquer tout moyen à l'appui du recours ainsi défini ; que les autres tiers ne peuvent invoquer que des vices en rapport direct avec l'intérêt lésé dont ils se prévalent ou ceux d'une gravité telle que le juge devrait les relever d'office ;

4. Considérant que, saisi ainsi par un tiers dans les conditions définies ci-dessus, de conclusions contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses, il appartient au juge du contrat, après avoir vérifié que l'auteur du recours autre que le représentant de l'Etat dans le département ou qu'un membre de l'organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné se prévaut d'un intérêt susceptible d'être lésé de façon suffisamment directe et certaine et que les irrégularités qu'il critique sont de celles qu'il peut utilement invoquer, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier l'importance et les conséquences ; qu'ainsi, il lui revient, après avoir pris en considération la nature de ces vices, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat ; qu'en présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci ; qu'il peut enfin, s'il en est saisi, faire droit, y compris lorsqu'il invite les parties à prendre des mesures de régularisation, à des conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice découlant de l'atteinte à des droits lésés ;

En ce qui concerne la validité du marché en litige :

S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

5. Considérant que, pour annuler le marché en litige, les premiers juges se sont fondés sur un motif unique, tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait neutralisé le critère de la valeur technique et l'ensemble de ses sous-critères, en méconnaissance notamment du I de l'article 53 du code des marchés publics ;

6. Considérant qu'aux termes du I de cet article applicable au présent litige : " Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, les coûts tout au long du cycle de vie, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution, la sécurité d'approvisionnement, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; (...) " ; qu'aux termes du II du même article : " Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération. (...) " ;

7. Considérant que le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en oeuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics ; que, toutefois, ces méthodes de notation sont entachées d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en oeuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie ; qu'il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publiques, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, de telles méthodes de notation ;

8. Considérant que l'article 6 du règlement de la consultation prévoyait que la valeur des offres serait appréciée par rapport aux critères du prix pondéré à 50 % et de la valeur technique pondéré à 50 % ; que, s'agissant du critère de la valeur technique, un mémoire technique, réalisé sur la base de deux chantiers tests à réaliser en simultané, expliciterait l'offre du candidat ; que le règlement prévoyait trois sous-critères de jugement de la valeur technique : " méthodologie employée (phasage chantier, planning) " pondéré à 20 %, " moyens matériels et personnel affectés à chaque poste de travail " pondéré à 20 % et " qualité" pondéré à 10 % ;

9. Considérant, d'une part, que les seules circonstances que la note pondérée identique de 10 a été attribuée aux valeurs techniques respectives des offres du groupement Valli-SCTP-Mocchi-Castellani et du groupement Agostini-Ciabrini-Leandri, par suite de la même note à chacun de ces groupements au titre des trois sous-critères précités et que ces offres ont bénéficié des mêmes appréciations sur ces points, ne suffisent pas à établir que la collectivité territoriale de Corse aurait entendu neutraliser le critère de la valeur technique en vue de favoriser le groupement d'entreprises attributaire du marché en litige ;

10. Considérant, d'autre part, qu'alors même qu'un tableau récapitulant les notes sur les sous-critères n'est pas produit dans l'extrait du rapport d'analyse des offres, une telle circonstance n'établit pas que le pouvoir adjudicateur n'aurait pas apprécié les offres sur la base des sous-critères annoncés ; qu'en effet, le rapport d'analyse des offres, page 17, indique que les deux groupements candidats avaient " bien détaillé le phasage chantier " ainsi que " le planning ", que les " contraintes d'exploitation sont bien prises en compte ", précise les " effectifs moyens affectés à chaque chantier ", que " les moyens humains et les matériels sont très bien adaptés aux travaux et bien répartis par poste de travail ", que les " rendements présentés sont tout à fait réalistes ", que les " fiches techniques ainsi que la provenance des matériaux sont présents dans le mémoire technique ", que la " sécurité sur le chantier est bien mise en avant ", et enfin que les " CV des intervenants sont joints et attestent de très bonnes compétences humaines de l'entreprise " ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué que ces mentions, qui traduisent la réalité de l'analyse menée par la commission d'appel d'offres sur ces différents points, seraient manifestement erronées au regard des attentes du pouvoir adjudicateur, telles qu'elles figuraient aux articles 4 et 6 du règlement de la consultation et du cahier des clauses techniques particulières du marché en litige ; que ce dernier ayant, ainsi, estimé les offres des deux groupements pareillement satisfaisantes au regard de ses différentes attentes, pouvait, sans davantage neutraliser le critère de la valeur technique, attribuer des notes identiques aux deux offres et porter sur elles des appréciations identiques sur l'ensemble des points indiqués ;

11. Considérant que dans ces conditions, il n'est pas établi que la méthode de notation mise en oeuvre au titre du critère de la valeur technique aurait abouti au choix d'une offre n'étant pas économiquement la plus avantageuse ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la collectivité territoriale de Corse et la société Valli sont fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif mentionné au point 4 pour annuler le marché en litige ;

13. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Agostini devant le tribunal administratif ;

S'agissant des autres moyens soulevés par la société Agostini devant le tribunal administratif :

14. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 83 du code des marchés publics : " Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat écarté qui n'a pas été destinataire de la notification prévue au 1° du I de l'article 80 les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre dans les quinze jours de la réception d'une demande écrite à cette fin. Si le candidat a vu son offre écartée alors qu'elle n'était aux termes de l'article 35 ni inappropriée, ni irrégulière, ni inacceptable, le pouvoir adjudicateur est en outre tenu de lui communiquer les caractéristiques et les avantages relatifs de l'offre retenue ainsi que le nom du ou des attributaires du marché ou de l'accord-cadre. " ;

15. Considérant que la collectivité territoriale de Corse a communiqué à la société Agostini, par courrier du 7 mars 2014, le nom de l'attributaire, à savoir la société Valli, le montant de son offre (2 030 490 euros HT), ainsi que son classement en première position au regard notamment du prix ; que par ailleurs, par un courrier du 25 mars 2014, elle lui a aussi communiqué un extrait du rapport d'analyse des offres sur lequel figurent les tableaux de notation des critères prix et valeur technique des offres de chaque candidat, le tableau de synthèse des notations ainsi que les commentaires de la collectivité sur l'analyse du critère valeur technique et les mémoires techniques présentés par les candidats ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 83 précité doit être écarté ;

16. Considérant en deuxième lieu, qu'un organigramme des équipes de la société Mocchi, membre du groupement attributaire, est joint à l'article 1.4 du mémoire technique du groupement, et précise que celle-ci met à disposition du groupement des maçons, manoeuvres et conducteurs d'engins ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le choix du groupement attributaire par la collectivité territoriale de Corse serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 55 du code des marchés publics : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies. Pour les marchés passés selon une procédure formalisée par les collectivités territoriales et les établissements publics locaux, à l'exception des établissements publics sociaux ou médico-sociaux, c'est la commission d'appel d'offres qui rejette par décision motivée les offres dont le caractère anormalement bas est établi. (...) " ;

18. Considérant d'une part, que si la société Agostini soutient que la collectivité territoriale de Corse aurait dû écarter l'offre de la société Valli sur le fondement des dispositions précitées ou, à tout le moins, l'inviter à justifier l'écart sensible entre le prix de son offre et celui proposé par les sociétés concurrentes, ainsi qu'avec les estimations du pouvoir adjudicateur, un tel écart de prix, alors même qu'il n'est pas contesté qu'il était, en l'espèce, supérieur à 25 et 32 % par rapport à l'une et l'autre références, n'est pas, à lui seul, de nature à faire suspecter le caractère anormalement bas de l'offre de la société Valli ; que la société Agostini ne démontre pas que l'offre finalement retenue aurait, en outre, été manifestement sous-évaluée et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché ; que dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure au regard des dispositions précitées de l'article 55 du code des marchés publics doit être écarté ;

19. Considérant d'autre part, qu'aucun élément ne permet d'établir que la collectivité territoriale de Corse a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de demander des justifications sur le montant de l'offre de la société attributaire ;

20. Considérant, en quatrième et dernier lieu, que le sous-critère " qualité " du critère de la valeur technique était pondéré à 10 sur les 100 points de la note finale ; qu'eu égard à l'écart des notes entre le groupement évincé, qui a obtenu une note de 87,20 sur 100, et le groupement attributaire, qui a obtenu une note de 100 sur 100, les différentes irrégularités invoquées par la société et tenant à la définition et à la mise en oeuvre de ce sous-critère ont, en l'absence d'autre irrégularité affectant les autres sous-critères ou leur mise en oeuvre, été insusceptibles d'influencer l'attribution du marché ; qu'elles sont donc insusceptibles d'avoir lésé la société Agostini, qui ne peut par conséquent utilement les invoquer ;

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires de la société Agostini :

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'éviction de la société Agostini de la procédure d'attribution du marché en litige n'était pas irrégulière ; que par suite, celle-ci n'est pas fondée à demander l'indemnisation du préjudice résultant de cette éviction ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la collectivité territoriale de Corse et la société Valli sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé le marché en litige et ont condamné la collectivité territoriale de Corse à indemniser la société Agostini du préjudice consécutif à son éviction de la consultation ; qu'elles sont également fondées, par suite, à demander l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions de cette société à fin d'annulation de ce marché et de ses conclusions indemnitaires ;

Sur les requêtes Nos16MA03349 et 16MA03453 :

23. Considérant que le présent arrêt statue sur les requêtes à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 juin 2016 ; que, dès lors, les requêtes de la collectivité territoriale de Corse et de la société Valli tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Agostini une somme de 1 000 euros à verser à la collectivité territoriale de Corse et une somme de 1 000 euros à verser à la société Valli au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent, en revanche, à ce que la somme réclamée par la société Agostini au même titre soit mise à la charge de la collectivité territoriale de Corse et de la société Valli, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1400626 du tribunal administratif de Bastia est annulé.

Article 2 : La demande de la société Agostini devant le tribunal administratif de Bastia et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution des requêtes n° 16MA03349 et n° 16MA03453.

Article 4 : La société Agostini versera à la collectivité territoriale de Corse, d'une part, et à la société Valli, d'autre part, une somme de mille euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la collectivité territoriale de Corse, à la société Agostini et à la société Valli.

Délibéré après l'audience du 29 mai 2017, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juin 2017.

2

Nos16MA03346-16MA3349-16MA03434-16MA03453


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03346
Date de la décision : 12/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre Steinmetz-Schies
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SELAS ALAIN BENSOUSSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-12;16ma03346 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award