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01/06/2017 | FRANCE | N°16MA00514

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 01 juin 2017, 16MA00514


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 27 mars 2014 par laquelle le ministre du travail a autorisé la SA SEAC Guiraud Frères à la licencier.

Par un jugement n° 1402645 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2016, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembr

e 2015 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail du 27 mars 2014 ;

3°) de mettre à la charge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 27 mars 2014 par laquelle le ministre du travail a autorisé la SA SEAC Guiraud Frères à la licencier.

Par un jugement n° 1402645 du 15 décembre 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 février 2016, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2015 ;

2°) d'annuler la décision du ministre du travail du 27 mars 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 4 et 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2016, la SA SEAC Guiraud Frères, représentée par la SELARL Clément-Malbec-Conquet, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, que Mme D... lui verse leur verse une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2017, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public.

1. Considérant que Mme D..., recrutée par la SA SEAC Guiraud Frères le 1er octobre 2003, exerçait des fonctions d'employée administratif au sein de l'établissement de Montredon-des-Corbières et était détentrice d'un mandat de représentante du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'établissement et de conseiller du salarié ; que par lettre du 19 novembre 2009, l'employeur, invoquant des motifs économiques, a proposé à Mme D... une affectation sur d'autres fonctions ; que le 28 décembre 2009, Mme D... a saisi le procureur de la République d'une plainte, dirigée contre son supérieur hiérarchique, pour discrimination liée à ses origines et convictions religieuses, qui a donné lieu à une enquête ; que la SA SEAC Guiraud Frères, estimant que l'initiative de Mme D... avait provoqué des troubles graves au sein de l'entreprise, a engagé une procédure de licenciement à son encontre ; que par décision du 16 mai 2011, l'inspecteur du travail de l'Aude a rejeté la demande d'autorisation de licenciement présentée par la SA SEAC Guiraud Frères ; que par décision du 25 novembre 2011, le ministre du travail, saisi sur recours hiérarchique, a confirmé cette décision, laquelle a toutefois été annulée par un jugement du 21 janvier 2014 du tribunal administratif de Montpellier ; que par décision du 27 mars 2014, le ministre, de nouveau saisi par l'effet de ce jugement d'annulation de la demande de la SA SEAC Guiraud Frères, a autorisé celle-ci à procéder au licenciement de Mme D... ; que l'intéressée relève appel du jugement du 15 décembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 27 mars 2014 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que les premiers juges, qui n'étaient aucunement tenus, contrairement à ce qu'affirme Mme D..., de vérifier que la signature apposée sur la décision contestée était bien celle de l'autorité signataire identifiée, soit M. C... A..., a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que la compétence du signataire de l'acte attaqué n'était pas établie ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du second alinéa de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, repris à l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ;

4. Considérant que la décision contestée comporte, conformément aux dispositions précitées, la mention du prénom, du nom et de la qualité de son signataire, M. C... A..., chef du bureau des recours, du soutien et de l'expertise juridique au ministère du travail, lequel bénéficiait d'une délégation de signature du ministre consentie par décision du 24 mars 2014 ; que Mme D... n'apporte aucun commencement de preuve de nature à susciter un doute sur le fait que la signature apposée sur cette décision ne serait pas celle de M. A... ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ladite décision n'aurait pas été signée par une autorité compétente doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail, l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit procéder à une enquête contradictoire ; que le caractère contradictoire de cette enquête impose à l'autorité administrative que le salarié protégé puisse notamment être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande ; que pour l'application de cette règle, le ministre chargé du travail, saisi d'un recours contre une décision relative au licenciement d'un salarié protégé sur le fondement de l'article R. 2422-1 du même code, doit, en application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dont les dispositions sont désormais reprises aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration, communiquer le recours au tiers au profit duquel la décision contestée par ce recours a créé des droits, et recueillir ses observations ; que, si, en revanche, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire ni d'aucun principe que le ministre soit tenu de procéder à une enquête contradictoire au sens de l'article R. 2421-4 cité, il en va autrement lorsque l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre du travail a, par lettre du 12 février 2014, informé tant Mme D... que son employeur de l'annulation, par le tribunal administratif, de sa décision du 25 novembre 2011 et de ce qu'il était en conséquence de nouveau saisi du recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail du 16 mai 2011 ayant rejeté la demande d'autorisation de licenciement de la requérante ; que le ministre, dans cette même lettre, renvoyait à la DIRECCTE de Languedoc-Roussillon le soin de procéder à une nouvelle enquête permettant à chacune des parties, salariée et employeur, de présenter ses observations ; que Mme D... ne conteste pas avoir été conviée par la responsable de l'unité territoriale de l'Aude à la DIRECCTE, par lettre du 25 février 2014, à une réunion fixée au 6 mars 2014 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée n'aurait pas été mise à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par son employeur au cours de l'enquête ; que la seule circonstance, invoquée par Mme D..., selon laquelle la décision du ministre du travail du 27 mars 2014 ne vise pas l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, ne saurait être de nature, contrairement à ce qu'elle soutient, à l'entacher d'un vice de procédure au motif que cette carence ne permettrait pas de vérifier que le principe du contradictoire a bien été respecté ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'à la suite de l'annulation, par le tribunal administratif, de sa précédente décision du 25 novembre 2011, le ministre était tenu de se prononcer de nouveau sur la demande de la SA SEAC Guiraud Frère, dont il demeurait saisi, en se fondant sur les circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il a pris sa nouvelle décision ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, c'est à bon droit que le ministre a pris en compte, pour se prononcer, des éléments postérieurs au 16 mai 2011 et qu'il s'est notamment appuyé, dans la décision contestée, sur l'arrêt définitif du 28 mars 2013 par lequel la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Montpellier a reconnu Mme D... coupable de dénonciation calomnieuse à l'encontre de son directeur ;

8. Considérant que la circonstance selon laquelle le ministre, dans sa première décision du 25 novembre 2011, avait admis la bonne foi de Mme D..., avant que celle-ci soit annulée, ne faisait pas obstacle à ce qu'il fasse désormais valoir, dans sa nouvelle décision, que le comportement de l'intéressée avait perturbé le bon fonctionnement de l'entreprise et qu'elle s'était ainsi placée dans une situation ne permettant pas la poursuite de la relation contractuelle de travail ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que l'article L. 1132-1 du code de travail prohibe toute mesure discriminatoire à l'égard d'un salarié en raison, notamment, de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses convictions religieuses ou encore de son activité syndicale ;

10. Considérant que Mme D..., qui ne conteste pas que la demande de licenciement était fondée sur un motif disciplinaire, n'établit pas qu'elle aurait été victime, au sein de l'entreprise qui l'employait, de l'une des discriminations mentionnées à l'article L. 1132-1 précité du code de travail ;

11. Considérant, en cinquième lieu, que l'article L. 1134-4 du code du travail prévoit qu'est nul et de nul effet le licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 1132-1 du même code, lorsqu'il est établi que le licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de cette action en justice ;

12. Considérant que Mme D... n'établit pas que son licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'elle ne peut, dès lors, utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 1131-4 du code du travail ;

13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement en litige soit en lien avec l'exercice des mandats dont Mme D... était détentrice ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D..., au titre des frais exposés par lui elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme D... la somme demandée par la SA SEAC Guiraud Frères, au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SA SEAC Guiraud Frères présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D..., à la ministre du travail et à la SA SEAC Guiraud Frères.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Chanon, premier conseiller,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er juin 2017.

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N° 16MA00514

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA00514
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. GUIDAL
Rapporteur ?: M. Bruno COUTIER
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : SCP GOUIRY MARY CALVET BENET

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-06-01;16ma00514 ?
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