Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Statim Provence et la société Statim ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 290 363 euros émis à l'encontre de la société Statim le 23 décembre 2011 par la commune de Beaucaire, ensemble la mise en demeure valant commandement à payer la même somme émis le 26 décembre 2011 par cette commune à l'encontre de la société Statim et, d'autre part, à être déchargées de l'obligation de payer cette somme représentative de la participation de raccordement au réseau des eaux usées pour le lotissement Les Jardins d'Ugernum I et II.
Par un jugement n° 1301548-1301792 du 20 janvier 2015, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ce titre exécutoire et cette mise en demeure valant commandement à payer et a déchargé la société Statim de l'obligation de payer cette somme.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2015 et par un mémoire, enregistré le 3 février 2017, la commune de Beaucaire, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 janvier 2015 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter les demandes des sociétés Statim et Statim Provence ;
3°) de mettre à la charge des sociétés Statim et Statim Provence la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes des deux sociétés présentées devant le tribunal administratif étaient tardives ;
- l'identification du débiteur est dépourvue d'ambigüité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2017, la société Statim, représentée par la SCP d'avocats Scheuer-Vernhet et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Beaucaire la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2017, la société Statim Provence, représentée par la SCP d'avocats Scheuer-Vernhet et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Beaucaire la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de première instance était recevable ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un courrier du 28 avril 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré, d'une part, de la tardiveté de la demande de première instance de la société Statim Provence et, d'autre part, du défaut d'intérêt pour agir de la société Statim Provence à l'encontre du titre de perception en litige émis à l'encontre de la société Statim.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant les sociétés Statim et Statim Provence.
1. Considérant que la commune de Beaucaire a délivré le 14 mars 2005 à la société Statim Provence un permis de lotir pour un lotissement de 169 lots, portés à 172 lots dénommé "les Collines d'Urgernum" ; que ce permis prévoyait notamment que les acquéreurs des lots étaient assujettis lors de l'obtention du permis de construire au paiement de la participation de raccordement au réseau des eaux usées pour un moment de 991 euros par construction et que la somme totale pour l'ensemble des lots devait être avancée par le lotisseur, conformément aux délibérations du conseil municipal du 12 juin 1989, du 2 mars 1992 et du 4 mars 1996 ; que la commune de Beaucaire a délivré le 16 novembre 2005 à la société Statim Provence un autre permis de lotir pour un lotissement de 121 lots dénommé "les Collines d'Urgernum II" ; que ce second permis prévoyait la même avance par le lotisseur de la participation de raccordement au réseau des eaux usées pour l'ensemble des lots ; que les travaux de voirie et de réseaux ont été réalisés par le lotisseur ; que la commune de Beaucaire a émis un titre exécutoire le 23 décembre 2011 à l'encontre de la société Statim pour un montant total de 290 363 euros ; qu'une mise en demeure valant commandement à payer la même somme a été émis le 26 décembre 2011 par la commune à l'encontre de la société Statim ; qu'à la demande des sociétés Statim et Statim Provence, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ce titre exécutoire et ce commandement à payer et a déchargé la société Statim de l'obligation de payer cette somme ; que la commune de Beaucaire relève appel de ce jugement ;
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de la société Statim Provence :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 de ce même code : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai de deux mois n'est pas opposable ; que, toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ; qu'en une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ; qu'en règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Statim Provence a eu connaissance le 9 janvier 2012 du titre exécutoire d'un montant de 290 363 euros émis à l'encontre de la société Statim le 23 décembre 2011 par la commune de Beaucaire, dès lors qu'elle a, par lettre du 9 janvier 2012, " émis des réserves sur la validité " de ce titre auprès du maire de la commune ; que la société Statim Provence n'a introduit sa demande auprès du tribunal administratif de Nîmes que le 10 juin 2013, soit après l'expiration du délai raisonnable d'un an qui a commencé à courir le 9 janvier 2012, date du courrier précité qui ne présentait pas le caractère d'un recours gracieux ; que, par suite, et ainsi que les parties en ont été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, sa demande était tardive et par suite, irrecevable ; qu'au surplus, la société Statim Provence ne justifie pas d'une qualité donnant intérêt pour contester le titre de perception émis à l'encontre de la seule société Statim, ainsi que les parties en ont aussi été informées en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de la société Statim Provence ; que la commune de Beaucaire est fondée à demander dans cette mesure l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée devant le tribunal administratif par la société Statim Provence ;
En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par la commune s'agissant de la demande de la société Statim :
4. Considérant qu'aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale (...) pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire (...) " ; que l'article R. 421-5 suscité du code de justice administrative prévoit que les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ; qu'il résulte de ces dernières dispositions, d'une part, que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire, ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle et, d'autre part, qu'une mention portée sur un titre exécutoire indiquant au débiteur d'une créance qu'il peut la contester devant le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de cette créance, suivie d'une liste d'exemples ne comportant pas celui de la créance en litige, ne peut faire courir les délais de recours ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il était indiqué au verso du titre exécutoire émis par la commune de Beaucaire le 23 décembre 2011que : " Dans un délai de deux mois suivant la notification du présent acte (article L. 1617-s du code général des collectivités territoriales) vous pouvez contester la somme mentionnée au verso en saisissant directement le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif compétent selon la nature de la créance " et qu'étaient cités ensuite plusieurs exemples de créances pour lesquelles était précisée la juridiction compétente, mais que la participation de raccordement au réseau des eaux usées, en cause dans le présent litige, ne figurait pas dans cette liste ; que dès lors que cette notification ne comportait pas l'indication des voies de recours conformément aux dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé, contrairement à ce que soutient la commune de Beaucaire, que la demande de la société Statim n'était pas tardive ;
Sur le bien fondé du jugement :
6. Considérant que, pour annuler le titre de perception en litige, les premiers juges ont estimé que l'erreur commise par la commune sur la désignation de la société débitrice de la somme en litige entachait d'irrégularité ce titre de perception ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'extrait Kbis d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés daté du 5 juillet 2013 que les sociétés Statim et Statim Provence sont deux personnes morales de droit privé distinctes ; que si le titre de perception en litige indique comme base de la créance de 290 363 euros la taxe de raccordement aux eaux usées exigible pour les lotissements les collines d'Urgernum I et II sur le fondement des permis de lotir délivrés à la société Statim Provence, il désigne toutefois la société Statim en qualité d'unique débiteur de cette somme ; que la circonstance invoquée par la commune requérante que ces deux sociétés ont leur siège social à la même adresse, qu'elles ont le même gérant et qu'elles ont le même conseil dans la présente procédure et qu'elles créeraient délibérément une confusion entre elles pour s'exonérer des obligations particulières qui incombe à chacune d'elles ne permet pas d'établir que la mise à la charge de la société Statim de la créance au lieu de la société Statim Provence constitue une simple erreur matérielle ; que l'erreur dans la désignation de la société débitrice est de nature à entacher d'illégalité le titre de perception en litige ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont annulé le titre de perception du 23 décembre 2011 émis à l'encontre de la société Statim, et par voie de conséquence, qu'ils ont déchargé ladite société de l'obligation de payer ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Beaucaire est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la demande de la société Statim Provence ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties à l'instance la charge des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 20 janvier 2015 du tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a fait droit à la demande de la société Statim Provence.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Nîmes par la société Statim Provence est rejetée.
Article 3 : Le surplus de la requête de la commune de Beaucaire et des conclusions des parties sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Beaucaire, à la société Statim et à la société Statim Provence.
Délibéré après l'audience du 5 mai 2017, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 30 mai 2017.
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N° 15MA01065