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09/05/2017 | FRANCE | N°15MA03181

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 09 mai 2017, 15MA03181


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Associu per l'Arena et M. D... B...ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté en date du 4 août 2014 par lequel le maire de la commue de Tallone a délivré un permis de construire à la SAS Staneco pour la création d'une unité de traitement mécano-biologique de déchets non dangereux avec installation de stockage ;

Par un jugement n° 1400877 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté en date du 4 août 2014 et a mis à la charge

de la commune de Tallone une somme 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Associu per l'Arena et M. D... B...ont demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté en date du 4 août 2014 par lequel le maire de la commue de Tallone a délivré un permis de construire à la SAS Staneco pour la création d'une unité de traitement mécano-biologique de déchets non dangereux avec installation de stockage ;

Par un jugement n° 1400877 du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté en date du 4 août 2014 et a mis à la charge de la commune de Tallone une somme 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au profit de l'association Associu per l'Arena et de M. B.l'exception

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 juillet 2015 et 12 septembre 2016, la SAS Staneco, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 9 juillet 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'association Associu per l'Arena et de M. B... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les statuts de l'association ont été approuvés postérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ;

- le tribunal a considéré à tort que l'intérêt à agir de l'association se justifiait au regard "de l'importance du projet litigieux" ;

- le champ d'intervention géographique et l'objet social de l'association ne confèrent à cette dernière aucune qualité donnant intérêt à agir ;

- M. B... ne démontre pas en quoi le projet litigieux aurait un impact sur les conditions d'occupation ou d'utilisation de son bien ;

- les dispositions de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme doivent primer sur celles de l'article L. 146-4 du même code ;

- dans les communes riveraines de la mer, les dispositions de l'article L. 145-3 s'appliquent dans les espaces qui ne sont pas proches du rivage ;

- le projet en litige ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 146-4-1 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 janvier et le 5 août 2016 ainsi que le 12 avril 2017, l'association Associu per l'Arena et M. B... concluent au rejet de la requête et qu'il soit mis à la charge de la société appelante la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 ;

- la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 ;

- la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;

- le décret n° 92-129 du 7 février 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pecchioli,

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la SAS Staneco, et celles de Me A..., représentant l'association Associu per l'Arena et M. B.l'exception

1. Considérant que, par jugement du 9 juillet 2015, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté en date du 4 août 2014, par lequel le maire de la commune de Tallone a délivré un permis de construire à la SAS Staneco pour la création d'une unité de traitement mécano-biologique de déchets non dangereux avec installation de stockage ; que la SAS Staneco relève appel de ce jugement ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu antérieurement à l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire " ;

3.Considérant d'une part, qu'il résulte de ces dispositions que l'intérêt à agir d'une association doit s'apprécier, s'agissant des recours qu'elle forme à l'encontre de décisions relatives à l'occupation ou l'utilisation des sols, au regard de son objet tel qu'il résulte de ses statuts régulièrement déposés en préfecture antérieurement à la date d'affichage des demandes d'autorisations correspondantes ; qu'il y a donc lieu, pour apprécier l'intérêt pour agir de l'association, de tenir compte des statuts de l'association déposés à la sous-préfecture de Corte le 29 mars 2013 ;

4. Considérant, d'autre part, que les statuts de l'association requérante, dans leur rédaction applicable à la date du 27 janvier 2014, précisent qu'elle a l'objet social suivant : " protéger, de conserver et de restaurer les espaces, ressources, milieux et habitats naturels, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres fondamentaux écologiques, l'eau, l'air, les sols, les sites, les paysages et le cadre de vie ; de lutter contre les pollutions, nuisances et risques industriels ; de défendre les intérêts des riverains de la décharge de Tallone ; de lutter contre l'aliénation des chemins ruraux et de randonnée ; d'agir en faveur de l'aménagement harmonieux et équilibré du territoire et de l'urbanisme ; de sensibiliser au respect de l'environnement et à la promotion d'une maîtrise globale de la problématique du ramassage et du traitement des déchets en Corse ; elle veille également à promouvoir une production, une consommation et des déplacements ayant le moindre impact pour l'environnement ; à cet effet, elle veille notamment à la diffusion et au développement d'une information environnementale et sanitaire loyale et sincère ; enfin, elle a également pour objet de défendre en justice l'ensemble de ses membres à l'occasion des actions qu'ils engagent pour l'association ; elle exerce ses activités sur les territoires des communes suivantes : Aleria, Tallone, Zalana, Zuani, Ampriani, Pianello, Matra, Moita, Campi, Tox, Linguizetta, Canale di Verde, Pietra di Verde, Chiatra di Verde, Piedicorte di Gaggio, Pietraserena, Antisanti, Pancheraccia, Aghione, Altiani, Casevecchie, toutes situées en Haute-Corse y compris la façade maritime et les eaux territoriales adjacentes au territoire terrestre des communes précitées ; elle exerce également sa compétence à l'égard de tout fait qui, bien que né en dehors de sa compétence géographique, aurait des répercussions, même indirectes, sur le territoire des communes précitées " ;

5. Considérant qu'il résulte des statuts ci-dessus énoncés que, contrairement à ce que soutient la société appelante, le champ d'intervention géographique de l'association, bien que couvrant vingt-et-unes communes, n'apparaît pas trop étendue au regard de la superficie totale impliquée ; qu'il résulte aussi de la lecture des statuts que cette association s'est donnée pour objet de veiller à la protection de l'environnement et à lutter contre toute forme de pollution, avec en particulier la volonté de défendre les intérêts des riverains de la décharge de Tallone ; qu'enfin, il résulte des pièces du dossier que le projet dont s'agit est de grande ampleur, dès lors qu'il concerne la création d'une unité de traitement mécano-biologique de déchets non dangereux avec installation de stockage d'une surface d'environ 7 425 m² ; qu'ainsi au regard de son champ géographique limité, de son objet qui est suffisamment précis et, en outre, de l'ampleur du projet en cause, l'association justifie de son intérêt pour agir contre le permis de construire en litige ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont également écarté cette fin de non-recevoir ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation " ;

7. Considérant qu'il résulte de pièces produites en cause d'appel que M. B... est propriétaire de terrains agricoles cadastrés section D n° 23, 32 et 33, situés à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet ET sur lesquels il n'est pas contesté qu'il exploiterait des vignes et des agrumes ; que comme il le soutient, la réalisation d'une unité de traitement mécano-biologique de déchets non dangereux avec installation de stockage d'une surface d'environ 7 425 m² va modifier substantiellement les lieux, nécessairement générer une augmentation sensible du trafic routier et attirer divers animaux nuisibles ; que les inconvénients, voire les nuisances, qui y sont généralement associés sont susceptibles d'occasionner des dommages à ses cultures ; que, dans ces conditions, l'intéressé est fondé à soutenir que les aménagements projetés sont de nature à affecter directement les conditions d'utilisation des biens qu'il détient régulièrement au sens des dispositions précitées ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de ce que M. B... ne justifierait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision précitée ne peut qu'être écartée ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

8. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement./ Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, les constructions ou installations liées aux activités agricoles ou forestières qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées, en dehors des espaces proches du rivage [...] " ; qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 dont elles sont issues, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ;que par ailleurs, l'article L. 111-1-1 du même code de l'urbanisme prévoit que : " [...] Les dispositions des directives territoriales d'aménagement qui précisent les modalités d'application des articles L. 145-1 et suivants dans les zones de montagne et des articles L. 146-1 et suivants dans les zones littorales s'appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées [...] " ; que, de même, le dernier alinéa de l'article L. 146-1 dudit code, dispose que : " Les directives territoriales d'aménagement précisant les modalités d'application du présent chapitre ou, en leur absence, lesdites dispositions sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, installations et travaux divers, la création de lotissements et l'ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l'établissement de clôtures, pour l'ouverture de carrières, la recherche et l'exploitation de minerais. Elles sont également applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement " ; que le schéma d'aménagement de la Corse prescrit que l'urbanisation du littoral demeure limitée ; que, pour en prévenir la dispersion, il privilégie la densification des zones urbaines existantes et la structuration des " espaces péri-urbains ", en prévoyant, d'une part, que les extensions, lorsqu'elles sont nécessaires, s'opèrent dans la continuité des centres urbains existants, d'autre part, que les hameaux nouveaux demeurent l'exception ; que de telles prescriptions apportent des précisions relatives aux modalités d'application des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code l'urbanisme et ne sont pas incompatibles avec elles ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral ; que, dans le cas où le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d'aménagement définie à l'article L. 111-1-1 du même code, ou par un document en tenant lieu, cette conformité doit s'apprécier au regard des éventuelles prescriptions édictées par ce document d'urbanisme, sous réserve que les dispositions qu'il comporte sur les modalités d'application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme soient, d'une part, suffisamment précises et, d'autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions ;

10. Considérant tout d'abord et comme l'a jugé à bon droit le tribunal, que la circonstance que les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, également applicables sur le territoire de la commune de Tallone, autorisent : " la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées " non situées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, est sans incidence sur l'application des dispositions précitées, plus sévères, de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme lesquelles s'appliquent sur l'ensemble du territoire de la commune littorale de Tallone ;

11. Considérant, ensuite, qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier des plans et photographies joints, que le projet constitué par la réalisation d'une unité de traitement mécano-biologique de déchets sur une surface de plancher de 7 425 mètres carrés est de grande ampleur ; que le terrain d'assiette du projet est, par ailleurs, situé dans un secteur qui est en grande partie vierge de toute urbanisation, ne comportant que quelques constructions et des aménagements liés à un centre d'enfouissement technique existant qui, au regard de leur implantation diffuse, ne constituent ni un village ni une agglomération au sens des dispositions précitées de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme telles que précisées par le schéma d'aménagement de la Corse ; que dans ces conditions, le projet de construction en cause constitue une extension de l'urbanisation qui n'est pas réalisée conformément aux exigences précitées des dispositions de l'article précité L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que l'appelante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu ce moyen pour annuler le permis en litige ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Staneco n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant, d'une part, que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mises à la charge de l'association Associu per l'Arena et M. B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que demande la SAS Staneco au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

15. Considérant d'autre part, qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Staneco une somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par l'association Associu per l'Arena et M. B..., pris ensemble ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Staneco est rejetée.

Article 2: La société Staneco versera à l'association Associu per l'Arena et à M. B..., pris ensemble, une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Associu per l'Arena, à M. D... B..., à la commune de Tallone, et à la SAS Staneco.

Copie en sera adressée au préfet de Corse, au préfet de la Haute-Corse et au ministre du logement et de l'habitation durable.

Délibéré après l'audience du 24 avril 2017, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. Pecchioli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2017.

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N° 15MA03181


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