Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune de Borgo et des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 dans les rôles des communes de Borgo et de Lucciana.
Par un jugement n° 1301034, 1301035, 1301036 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses demandes.
Procédure suivie devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er avril 2016 et le 30 janvier 2017, la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 février 2016 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne sa contestation des erreurs commises dans le calcul de la valeur locative de ses biens au titre de l'année 2008 ;
- la lettre du 14 octobre 2011 portant à sa connaissance les rectifications est insuffisamment motivée ;
- elle aurait dû recevoir une proposition de rectification en ce qui concerne le rappel de contribution foncière des entreprises établi au titre de l'année 2010 ;
- la valeur locative des biens aurait dû être déterminée selon la méthode particulière prévue à l'article 1498 du code général des impôts ;
- l'administration a prononcé un dégrèvement des rôles supplémentaires de taxe foncière émis entre 2010 et 2012, ce qui impliquait de corriger les évaluations foncières servant d'assiette à la taxe foncière mise à la charge de la collectivité territoriale de Corse ;
- le prix de revient des immobilisations à retenir est non pas la valeur d'origine des installations, figurant à son bilan, mais leur valeur d'apport au 31 décembre 2004, date de la cession par l'Etat à la collectivité territoriale de Corse des installations aéroportuaires de Bastia-Poretta ;
- certains dégrèvements annoncés pour l'aérodrome de Calvi, sur la commune de Calenzana, n'ont pas été ordonnancés ;
- l'évaluation des ensembles immobiliers constitués par les aéroports de Bastia et Calvi est erronée ;
- la ventilation des bases d'imposition entre les communes de Lucciana et de Borgo, d'une part, et celles de Calvi et de Calenzana, d'autre part, doit être modifiée.
Par un mémoire, enregistré le 17 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la requête de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse.
Il soutient que :
- la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle la chambre de commerce et d'industrie a été assujettie au titre de l'année 2008 a été dégrevée ;
- la chambre de commerce et d'industrie n'a pas contesté l'imposition primitive de la même année par une réclamation préalable et n'est pas recevable à le faire devant le juge de l'impôt ;
- les autres moyens soulevés par la chambre de commerce et d'industrie ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Paix,
- et les conclusions de M. Maury, rapporteur public.
1. Considérant que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse, qui gère et exploite l'aéroport de Bastia-Poretta, relève appel du jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 dans les rôles de la commune de Borgo et des cotisations supplémentaires de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 dans les rôles des communes de Borgo et de Lucciana ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que, par décision du 3 octobre 2013, la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle la chambre de commerce et d'industrie a été assujettie au titre de l'année 2008 a été intégralement dégrevée et n'était pas contestée devant le tribunal administratif ; qu'en outre, l'imposition primitive mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie au titre de la même année n'était pas davantage contestée devant le tribunal administratif ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une omission à statuer en ne statuant pas sur une contestation dont ils n'étaient pas saisis, relative à la taxe professionnelle de l'année 2008 ;
3. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce que soutient la chambre de commerce et d'industrie, le moyen tiré de l'erreur commise dans l'évaluation de la valeur locative des locaux donnés en location à des tiers au sein de l'aéroport de Bastia-Poretta n'a pas été soulevé devant le tribunal administratif ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement de défaut de motivation ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et de contribution foncière des entreprises auxquelles la chambre de commerce et d'industrie a été assujettie au titre respectivement de l'année 2009 et de l'année 2011 :
4. Considérant que lorsqu'une imposition est, telle la taxe professionnelle, assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations ; que les dispositions de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles la procédure de redressement contradictoire prévue par les articles L. 55 à L. 61 de ce livre n'est pas applicable en matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales, ont pour seul effet d'écarter cette procédure de redressement contradictoire mais ne dispensent pas du respect, en ce qui concerne la taxe professionnelle, des obligations qui découlent du principe général des droits de la défense ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et de contribution foncière des entreprises auxquelles la chambre de commerce et d'industrie a été assujettie au titre respectivement de l'année 2009 et de l'année 2011, ont été établies après que, par lettre du 14 octobre 2011, la chambre de commerce et d'industrie a été informée des rehaussements envisagés et mise à même de présenter ses observations ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'établissement de ces impositions doit être écarté ;
En ce qui concerne la cotisation supplémentaire de contribution foncière des entreprises à laquelle la chambre de commerce et d'industrie a été assujettie au titre de l'année 2010 :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales : " La procédure de rectification contradictoire n'est pas applicable : 1° En matière d'impositions directes perçues au profit des collectivités locales ou d'organismes divers, à l'exclusion de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 57 du même livre : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) " et que le deuxième alinéa du I de l'article 1640 B du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 2 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, dispose que : " Les impositions à la cotisation foncière des entreprises établies au titre de l'année 2010 sont perçues au profit du budget général de l'État " ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que la procédure de redressement contradictoire est applicable aux rectifications apportées à la cotisation foncière des entreprises établie au titre de l'année 2010, qui n'est pas perçue au profit des collectivités locales ou d'organismes divers ;
7. Considérant que, s'il est exact que la chambre de commerce et d'industrie n'a pas été destinataire, s'agissant de la cotisation supplémentaire de contribution foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010, de la proposition de rectification prévue à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la lettre du 14 octobre 2011 mentionnée au point 5 comportait une motivation complète des éléments justifiant le supplément d'imposition et permettait à la chambre de commerce et d'industrie de présenter ses observations dans un délai de trente jours ; qu'ainsi, la chambre de commerce et d'industrie n'a été privée d'aucune des garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire ;
Sur le bien-fondé des impositions :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1494 du code général des impôts dans sa version applicable à l'espèce : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte " ; qu'aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'État (...) " ; qu'aux termes de l'article 1 500 du même code : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : - selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; - selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque ces conditions ne sont pas satisfaites. " ; qu'aux termes de l'article 324 AE de l'annexe III au code général des impôts : " Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies (...). La valeur d'origine à prendre en considération est le prix de revient intégral avant application des déductions exceptionnelles et des amortissements spéciaux autorisés en matière fiscale. Il en est de même pour les immobilisations partiellement réévaluées ou amorties en tout ou partie " ; qu'enfin, l'article 38 quinquies de la même annexe dispose : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : (...) b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale ; c. Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport (...) " ;
9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse est concessionnaire et exploitante de l'aéroport de Bastia-Poretta, propriété de la collectivité territoriale de Corse, situé sur le territoire des communes de Borgo et Lucciana ; que les installations aéroportuaires sont inscrites à l'actif de son bilan ; qu'il n'est pas contesté que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse est soumise aux obligations définies à l'article 53 A du code général des impôts ; que, par suite, c'est à bon droit que les installations aéroportuaires litigeuses ont été évaluées par application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts ;
10. Considérant, en deuxième lieu, que, par décision du 26 février 2013, l'administration fiscale a accordé à la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse un dégrèvement de la taxe foncière qui lui avait été réclamée au titre des années 2010 et 2011 au motif que ces impositions avaient déjà été acquittées par la collectivité territoriale de Corse ; que la chambre de commerce et d'industrie n'est pas fondée à soutenir, dans le cadre d'un litige relatif aux seules impositions auxquelles elle est assujettie, que ces dégrèvements impliquaient de corriger les évaluations foncières servant d'assiette à la taxe foncière mise à la charge de la collectivité territoriale de Corse ;
11. Considérant, en troisième lieu, que la collectivité territoriale de Corse est devenue propriétaire en 2004 des installations aéroportuaires de Bastia-Poretta, qui étaient auparavant la propriété de l'Etat ; que la collectivité territoriale de Corse et la chambre de commerce et d'industrie ont signé le 21 décembre 2005 et le 4 janvier 2006 avec prise d'effet au 1er janvier 2006 un nouveau cahier des charges de concession des installations aéroportuaires ; qu'ainsi, dans le cadre de cette concession, les immobilisations n'ont pas été acquises à titre gratuit par la chambre de commerce et d'industrie, qui n'en est pas devenue propriétaire, mais lui ont été apportées par la collectivité territoriale de Corse, ce qui implique que la valeur d'origine des immobilisations s'entend de leur valeur d'apport, conformément aux dispositions du c. du 1. de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ; que l'article 4.1.1 du cahier des charges de la concession prévoit d'ailleurs que les biens de retour apportés par l'autorité concédante sont, en cas de remise gratuite, évalués selon leur valeur nette comptable constatée chez le concessionnaire sortant ; que, dans ces conditions, la chambre de commerce et d'industrie est fondée à soutenir que le prix de revient des installations qui lui ont été concédées n'est pas la valeur d'origine des immobilisations transmises par l'État à la collectivité territoriale de Corse mais leur valeur nette comptable telle que constatée au 31 décembre 2004, date de l'arrêté définitif de ses comptes à la suite de cette transmission ; qu'est sans incidence, à cet égard, la circonstance que, lors du transfert de propriété intervenu en 2004 entre l'État et la collectivité territoriale de Corse, les biens étaient déjà inscrits à l'actif de la chambre de commerce et d'industrie qui les exploitait en qualité de concessionnaire ;
12. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du courrier adressé le 14 octobre 2011 par l'administration fiscale à la requérante que la valeur des locaux donnés en location à des tiers présents sur l'aéroport de Bastia Poretta a été évaluée et appréciée, conformément à l'article 1498 du code général des impôts, en collaboration avec un expert mandaté par la chambre de commerce et d'industrie ; que cette valeur a ensuite été soustraite de la valeur locative totale ; que, par suite, le moyen tiré par la chambre de commerce et d'industrie de ce que les locaux donnés en location à des tiers auraient fait l'objet d'une double imposition manque, en tout état de cause, en fait ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que, comme le soutient la chambre de commerce et d'industrie, la surface réelle de ces locaux donnés en location à des tiers s'établirait à 21,5 % de la surface totale des installations et non à 7,6 % comme l'a retenu l'administration fiscale ;
13. Considérant, en cinquième lieu, que la décision du 8 avril 2015 d'admission partielle d'une réclamation relative à la taxe foncière sur les propriétés bâties établie au titre de l'année 2013 au nom de la collectivité territoriale de Corse est étrangère au présent litige ; que le moyen tiré de ce que le dégrèvement prononcé n'aurait pas été ordonnancé n'est pas susceptible d'être accueilli dans le cadre de la présente instance ;
14. Considérant, en sixième lieu, que ne peuvent davantage être admises la contestation par la chambre de commerce et d'industrie des modalités d'évaluation des ensembles immobiliers dont elle dispose pour l'établissement de cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties, étrangères au présent litige, et sa contestation, en l'absence de réclamation préalable relative aux installations aéroportuaires de Calvi-Calenzana, de la ventilation de ses bases d'imposition entre les communes de Calvi et de Calenzana ; que la ventilation des mêmes bases d'imposition entre les communes de Lucciana et de Borgo, que revendique la chambre de commerce et d'industrie, a été prise en compte par l'administration fiscale ;
15. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse est seulement fondée à soutenir que le prix de revient des installations aéroportuaires de l'aéroport de Bastia-Poretta doit être apprécié suivant leur valeur nette comptable constatée au 31 décembre 2014 ; que l'état du dossier ne permettant pas de déterminer cette valeur nette comptable, il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction à fin, pour l'administration fiscale, de procéder aux calculs correspondants dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;
D É C I D E :
Article 1er : Pour la détermination des bases d'imposition à la taxe professionnelle de l'année 2009 et à la cotisation foncière des entreprises des années 2010 et 2011 de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse, la valeur locative des installations aéroportuaires de l'aéroport de Bastia-Poretta sera calculée en prenant en compte la valeur nette comptable des immobilisations au 31 décembre 2004.
Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse, il sera procédé à un supplément d'instruction à fin, pour l'administration fiscale, de procéder au calcul des cotisations de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises dans les conditions fixées à l'article 1er dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2017, où siégeaient :
- M. Bédier, président,
- Mme Paix, président assesseur,
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2017.
N° 16MA01273 2