Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1600326 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2016, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 31 mars 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le même délai et sous la même astreinte en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme que la Cour déterminera en équité en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de séjour est entaché d'un vice d'incompétence ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le refus de séjour a été pris au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- il méconnaît l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 10-1a) de l'accord franco-tunisien ;
- il porte atteinte à sa vie privée et familiale ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 10-1a) de l'accord franco-tunisien ;
- elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 20 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massé-Degois,
- et les observations de Me D..., représentant M. C..., et les observations de M. C....
1. Considérant que M. C..., de nationalité tunisienne, relève appel du jugement du 31 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 décembre 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône refusant son admission au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ;
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, que M. C... ne se prévaut d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif, de nature à remettre en cause les énonciations du jugement par lesquelles les premiers juges ont relevé que M. F... B..., adjoint au chef du bureau des mesures administratives, du contentieux et des examens spécialisés, responsable de la section des mesures administratives au service de l'immigration et de l'intégration à la préfecture des Bouches-du-Rhône, bénéficiait d'une délégation régulière du préfet pour signer l'arrêté en litige ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ce moyen ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ; qu'ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant ;
4. Considérant, en troisième lieu, que la décision litigieuse, après avoir visé l'accord franco-tunisien ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et rappelé que M. C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il ne justifiait pas de la persistance de la communauté de vie avec son épouse de nationalité française, qu'il ne faisait valoir aucun motif exceptionnel ni considérations humanitaires justifiant son admission exceptionnelle au séjour au sens de l'article L. 313-14 du même code, énonce les éléments de faits caractérisant sa situation personnelle et familiale qui justifiaient qu'il ne soit pas fait droit à cette demande ; qu'ainsi, le refus de séjour opposé à l'intéressé, qui répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur, est suffisamment motivé ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " 1.Un titre de séjour d'une durée de 10 ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : a) au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; qu'aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé (...) " ;
6. Considérant que pour refuser de renouveler le titre de séjour dont M. C... était titulaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française, le préfet des Bouches-du-Rhône a retenu que la persistance de la communauté de vie entre les époux n'était pas établie, en se fondant sur le caractère insuffisant des documents produits par l'intéressé à l'appui de sa demande et sur les conclusions défavorables d'un rapport d'enquête de la police nationale du 29 avril 2015 ; que dans cette enquête, produite à l'instance par le préfet le 22 février 2016 et communiquée à l'intéressé le 26 février suivant par le greffe du tribunal administratif de Marseille, l'agent de police judiciaire a conclu à " une absence caractérisée de communauté de vie entre les épouxC... " ; que, pour établir la réalité de la vie commune qu'il allègue mener à Berre l'Etang avec la ressortissante française qu'il a épousée le 25 septembre 2013 en France, Mme E..., M. C... ne produit pas d'autres documents que ceux dont il s'était prévalu devant le tribunal administratif, à savoir des témoignages de proches, un relevé d'identité bancaire à son nom et à celui de son épouse, l'inventaire du mobilier établi le 5 novembre 2014 relatif à un contrat de location d'un logement meublé à Berre l'Etang établi au nom du couple, un avis d'imposition 2015 sur les revenus de l'année 2014 et un avis de taxe d'habitation de l'année 2015 adressés à leur deux noms à Berre l'Etang, quelques factures d'achat d'électroménager et d'électricité respectivement de mai et décembre 2015 établies à l'adresse de Berre l'Etang ; que ces éléments ne sont pas suffisants pour contredire les conclusions de l'enquête de police ; que, d'ailleurs, si M. C... soutient que son épouse résidait la semaine à Marseille chez son père pour des raisons professionnelles et qu'elle rejoignait le domicile conjugal à Berre l'Etang en fin de semaine, cette affirmation se trouve contredite par une attestation d'un proche de l'intéressé selon laquelle en mars 2015, le domicile du couple était situé dans le 4ème arrondissement de Marseille, par le contrat de travail du 17 juin 2015 et le bulletin de salaire du mois de décembre 2015 qui fixent son domicile dans le 11ème arrondissement de Marseille et par l'imprimé Cerfa de demande de logement social qui fait état d'une adresse de Mme E... dans le 5ème arrondissement de Marseille ; que, par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur d'appréciation en estimant, pour refuser à M. C... le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des stipulations précitées de l'article 10 de l'accord franco-tunisien et des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'intéressé ne justifiait pas, à la date de l'arrêté attaqué, d'une communauté de vie effective avec son épouse ;
7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; que l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 n'a pas entendu écarter l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour ; qu'au nombre de ces dispositions figurent notamment les dispositions des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls ressortissants tunisiens qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 ou par les stipulations équivalentes de l'accord franco-tunisien et non de tous ceux qui se prévalent de ces dispositions ; que la situation de M. C... ne relevant pas de ces dispositions et stipulations, le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ne peut qu'être écarté ;
8. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant que la communauté de vie entre M. C... et son épouse n'étant pas établie à la date de la décision en litige, et alors même qu'il bénéficie d'un contrat de travail, eu égard aux circonstances qu'il est sans charge de famille en France et qu'il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie, la décision de refus de renouvellement du titre de séjour en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle du requérant ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. Considérant, en premier lieu, que si en vertu du septième alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français doit être motivée, la même disposition prévoit que cette décision n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans le cas où la mesure d'éloignement fait suite à un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour et que la décision relative au séjour est elle-même motivée ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le refus de séjour opposé à M. C... est régulièrement motivé ; que, par ailleurs, la décision faisant obligation à l'intéressé de quitter le territoire français qui fait suite à ce refus, et qui fait référence aux articles L. 511-1-I 3° et R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en précisant que sa situation personnelle ne justifie pas qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui soit accordé, est motivée en droit ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;
12. Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 8, la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ne méconnaît ni les stipulations précitées de l'article 10 de l'accord franco-tunisien, ni les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation personnelle du requérant ;
13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au demeurant non chiffrées, ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2017, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Massé-Degois, première conseillère.
Lu en audience publique, le 11 avril 2017.
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N° 16MA01654