Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Carrefour des 3 cultures a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007 ainsi que des pénalités correspondantes, des amendes appliquées au titre des mêmes années sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités y afférentes.
Par l'article 1er d'un jugement n° 1204273 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance, par l'article 2 a déchargé la société des impositions restant en litige, et par l'article 3 a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par un recours et un mémoire complémentaire, enregistrés le 12 juin 2015 et le 26 août 2016, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 février 2015 ;
2°) de remettre à la charge de la SARL Carrefour des 3 cultures les droits et pénalités dégrevés en exécution du jugement pour un montant total de 10 562 euros en matière d'impôt sur les sociétés, de 22 682 euros en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et de 91 882 euros en ce qui concerne l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.
Il soutient que :
- l'administration a suivi l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
- la méthode de reconstitution des recettes utilisée par l'administration ne peut être regardée comme sommaire ou radicalement viciée ;
- la comptabilité a été à bon droit rejetée ;
- les méthodes de reconstitution proposées par la SARL Carrefour des 3 cultures ne sont pas probantes ;
- les majorations pour manquement délibéré sont justifiées.
Par des mémoires, enregistrés le 15 octobre 2015 et le 16 décembre 2016, la SARL Carrefour des 3 cultures conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que le ministre des finances et des comptes publics relève appel du jugement n° 1204273 du tribunal administratif de Nice en date du 19 février 2015, en tant que, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance, il a déchargé la SARL Carrefour des 3 cultures, qui exploite un restaurant à Nice, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes appliquées sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne la charge de la preuve :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. " ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir rejeté comme non probante la comptabilité présentée par la SARL Carrefour des 3 cultures, le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires de la société à partir de la méthode dite des liquides consistant à déterminer, d'une part, le ratio représentant la part des boissons dans le chiffre d'affaires total, arrondi en l'espèce à 30 %, à partir des tickets Z, et d'autre part, les achats de liquides revendus à partir du dépouillement des factures d'achat, corrigés des pertes et offerts, de la consommation du personnel et de l'utilisation en cuisine, et affectés des prix de vente pratiqués ; que par extrapolation il a déduit de ces deux éléments le chiffre d'affaires total réalisé par la société au cours des années vérifiées ; que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires saisie du litige a, par avis rendu le 26 septembre 2011, estimé que la méthode suivie par le vérificateur n'était pas critiquable dans son principe, mais a préconisé " la prise en compte d'un volume de démarques suffisant pour conduire in fine à un coefficient de marge après reconstitution de 3,7 ", les coefficients de marge résultant des calculs opérés par le service, soit 4,30 pour l'année 2006 et 4,67 pour l'année 2007, lui paraissant trop élevés au regard des coefficients pratiqués par les restaurants de même spécialité ; que l'administration fiscale a alors corrigé le montant des rehaussements envisagés, en procédant à un nouveau calcul du chiffre d'affaires de la société, résultant de l'application à l'ensemble des achats liquides et solides d'un coefficient global de 3,7 ; que, ce faisant, elle ne peut être regardée comme ayant suivi l'avis de la commission, qui impliquait l'application, dans le cadre de la méthode des liquides, d'un taux de démarques supérieur à celui retenu pour déterminer les achats revendus ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait à tort jugé que, par application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration de rapporter la preuve du bien-fondé des impositions supplémentaires contestées ;
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
4. Considérant qu'à supposer que le vérificateur ait été fondé à rejeter la comptabilité présentée par la SARL Carrefour des 3 cultures , en raison des discordances qu'il a observées entre les achats revendus et les quantités de produits achetés, il revient à l'administration, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 3, de démontrer le bien-fondé des rectifications en litige ; que le chiffre d'affaires de la société intimée a été reconstitué en dernier lieu par l'application d'un taux de marge théorique de 3,7 à l'ensemble des achats revendus, sans que soit opérée une distinction entre les solides et les liquides ; que l'administration ne produit aucun élément propre à l'entreprise permettant de justifier l'utilisation d'un tel coefficient sur l'ensemble des achats revendus, alors que la société requérante fait notamment valoir que, selon ses propres calculs qui ne sont pas sérieusement remis en cause, le coefficient multiplicateur relatif aux principaux plats servis en 2006 et 2007 s'est établi à 2,88 ; que, dans ces conditions, l'administration ne démontre pas que les recettes réelles auraient été supérieures aux recettes déclarées ; que, par voie de conséquence, elle n'établit ni le bien-fondé des rectifications contestées, ni par voie de conséquence le bien-fondé des pénalités dont ces rectifications ont été assorties et des amendes prononcées en application de l'article 1759 du code général des impôts ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a déchargé la SARL Carrefour des 3 cultures des impositions restant en litige et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à la SARL Carrefour des 3 cultures en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le recours du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SARL Carrefour des 3 cultures une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à la SARL Carrefour des 3 cultures.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 28 février 2017, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 avril 2017.
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N° 15MA02414
nc