La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2017 | FRANCE | N°15MA01761

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 04 avril 2017, 15MA01761


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 12 juin 2013 par laquelle le ministre de la défense a opposé la prescription quadriennale à sa demande de prise en charge par l'Etat, au titre de la protection fonctionnelle, de l'amende de 45 734 euros à laquelle il a été condamné par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 36 022,66 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis en raison de

ce refus, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation et d'enj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision en date du 12 juin 2013 par laquelle le ministre de la défense a opposé la prescription quadriennale à sa demande de prise en charge par l'Etat, au titre de la protection fonctionnelle, de l'amende de 45 734 euros à laquelle il a été condamné par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 36 022,66 euros en réparation des préjudices matériel et moral qu'il estime avoir subis en raison de ce refus, assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation et d'enjoindre sous astreinte à l'Etat de lui régler cette somme à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1301994 du 19 février 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 avril 2015, M. A... B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 19 février 2015 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'impose aux fonctionnaires un délai pour demander la protection fonctionnelle ;

- sa créance n'était pas prescrite ;

- ses fautes, ayant été commises avec la complicité de la hiérarchie, présentent un lien avec le service lui ouvrant droit au bénéfice de la protection fonctionnelle ;

- l'illégalité du refus de lui accorder la protection fonctionnelle lui a causé un préjudice moral devant être évalué à 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à titre principal, les conclusions indemnitaires sont irrecevables faute d'avoir été précédées d'une demande préalable ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Renouf en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Argoud,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

1. Considérant que, par un arrêt du 15 mai 2002, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a notamment condamné solidairement M. B... et trente-trois autres personnes à indemniser l'Etat des préjudices qu'ils lui avaient causé, la somme totale s'élevant à 1 372 795 euros, et les dommages directement imputables à M. B... étant fixés à la somme de 45 734 euros ; que, après que l'État lui a demandé de lui verser la somme de 46 354 euros, M. B... a, par une lettre du 28 janvier 2013, demandé à l'Etat, au titre de la protection fonctionnelle dont bénéficient les agents publics, de le garantir du montant de tout ou partie de la somme qui lui était réclamée sur le fondement de la condamnation prononcée à son encontre ;

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1991 : " L'aide juridictionnelle peut être demandée avant ou pendant l'instance " ; qu'aux termes de l'article 20 de la même loi : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. / L'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut également être accordée lorsque la procédure met en péril les conditions essentielles de vie de l'intéressé, notamment en cas d'exécution forcée emportant saisie de biens ou expulsion " ;

3. Considérant que M. B... a fait appel le 17 avril 2015 du jugement du 12 février 2015 attaqué ; qu'il est assisté depuis le commencement de l'instance d'un avocat ; qu'il a été informé de la date de l'audience le 15 février 2017 ; que, le 6 mars 2017, veille de l'audience, il a " avisé " la Cour de ce qu'il déposait une demande d'aide juridictionnelle ; qu'aucune considération d'urgence ne justifie que l'aide juridictionnelle provisoire lui soit accordée ; que l'appel formé contre le jugement attaqué ne met pas en lui-même en péril ses conditions essentielles de vie ; que, dès lors, les conclusions de M. B... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle doivent être rejetées ;

Sur la régularité du jugement :

4. Considérant que M. B... soutenait devant le tribunal administratif qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposant aux fonctionnaires un délai pour demander la protection prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 janvier 1983, la prescription quadriennale ne pouvait pas valablement lui être opposée ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges ont répondu à ce moyen en indiquant que la demande de protection fonctionnelle de M. B... était soumise à la prescription quadriennale prévue par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi du

13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au moment des faits : " Lorsqu'un fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service et que le conflit d'attribution n'a pas été élevé, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable à ce fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui. " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis " ;

6. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que les dispositions susceptibles de conférer à un fonctionnaire une créance sur l'Etat au titre de la protection fonctionnelle ne prévoient aucun délai dans lequel cette créance devrait être réclamée est sans incidence sur l'application de la prescription instituée par l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 à une telle demande, lorsqu'elle tend à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1984 ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que M. B... est fondé à soutenir que, dès lors que l'arrêt de la cour d'Aix-en-Provence du 15 mai 2002 prononçait, s'agissant de chacune des sommes mises à la charge de M. B..., une condamnation solidaire, l'étendue des créances dont l'État et chacun des co-débiteurs solidaires lui demanderaient le remboursement n'était pas connue ; que, par voie de conséquence, le montant de la créance dont il serait susceptible de se prévaloir à l'encontre de l'Etat, pour être garanti des condamnations civiles prononcées à son encontre, n'était pas déterminé ;

8. Considérant, en revanche, que, d'une part, il résulte de l'instruction et notamment de l'opposition à poursuites datée du 4 décembre 2012 produite par M. B..., que l'État a demandé à l'intéressé, au plus tard le 2 novembre 2005, le versement de sa contribution à la dette, dont il s'est alors acquitté à la hauteur de 6 680,02 euros, le solde de 39 673,98 euros lui étant réclamé ensuite ; qu'ainsi M. B... n'est pas fondé à soutenir que la somme qui lui est réclamée et dont il demande à être déchargé n'a été connue que lorsque le titre exécutoire du 27 juillet 2012 a été émis à son encontre et que la prescription quadriennale ne pouvait pour ce motif être opposée à la demande qu'il a formée le 28 janvier 2013 ;

9. Considérant, d'autre part, que la cour administrative d'appel de Marseille a, par une arrêt du 5 juin 2007, constaté que les fautes commises par M. B... qui sont à l'origine de sa condamnation au paiement des sommes dont il demande à être en partie déchargé en sollicitant le bénéfice de la protection fonctionnelle ont été rendues possibles par des carences dans le fonctionnement du service ; qu'à supposer que cet arrêt doive être regardé comme révélant à M. B... l'existence d'une créance en sa faveur qui résulterait d'un partage de responsabilité du fait de la faute de service éventuellement constatée ensuite dans le cadre de la demande de protection fonctionnelle qu'il a adressée à l'administration, et qu'il ait de ce fait interrompu le délai de la prescription quadriennale, ce délai a recommencé à courir au plus tard le 1er janvier 2008 et a expiré le 31 décembre 2011 ; que, dès lors, à la date du 28 janvier 2013 à laquelle M. B... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle, la créance dont il était susceptible de se prévaloir à l'encontre de l'Etat à ce titre était prescrite ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait commis une faute en refusant de le couvrir des condamnations prononcées à son encontre par l'arrêt de la cour d'Aix-en-Provence du 15 mai 2002 ; que la responsabilité de l'Etat n'étant pas engagée à l'encontre du requérant, ses conclusions tendant à la réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de ce refus doivent être rejetées ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Les conclusions de M. B... tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont rejetées.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de la défense.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2017, où siégeaient :

- M. Renouf, président,

- Mme D..., première conseillère,

- M. Argoud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2017.

2

N° 15MA01761


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA01761
Date de la décision : 04/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-04-02-04 Comptabilité publique et budget. Dettes des collectivités publiques - Prescription quadriennale. Régime de la loi du 31 décembre 1968. Point de départ du délai.


Composition du Tribunal
Président : M. RENOUF
Rapporteur ?: M. Jean-Marie ARGOUD
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : MAILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 25/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-04-04;15ma01761 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award