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23/03/2017 | FRANCE | N°15MA02891

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 23 mars 2017, 15MA02891


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Graveson a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit versée la somme de 293 000 euros en raison des préjudices subis du fait d'une information erronée figurant dans une note de renseignements d'urbanisme.

Par un jugement n° 1306522 du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Graveson à payer à M. C... une somme de 2 500 euros en réparation du pr

éjudice lié aux procédures judiciaires ayant abouti à l'annulation de la vente d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle la commune de Graveson a rejeté sa demande tendant à ce que lui soit versée la somme de 293 000 euros en raison des préjudices subis du fait d'une information erronée figurant dans une note de renseignements d'urbanisme.

Par un jugement n° 1306522 du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Graveson à payer à M. C... une somme de 2 500 euros en réparation du préjudice lié aux procédures judiciaires ayant abouti à l'annulation de la vente du bien lui appartenant et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 juillet 2015, le 28 septembre 2016 et le 19 octobre 2016, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 juin 2015, en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande ;

2°) à titre principal, de condamner la commune de Graveson à lui verser la somme de 309 717 euros en réparation des préjudices qu'il a subis ;

3°) à titre subsidiaire, de désigner un expert, à la charge de la commune, afin notamment d'évaluer le bien immobilier, les objets meublants et de se faire remettre tout élément de nature à évaluer le préjudice ou d'ordonner un sursis à statuer jusqu'à la revente du bien immobilier ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Graveson une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est dans l'impossibilité de restituer le prix de vente perçu ;

- cette impossibilité génère des intérêts légaux majorés compte tenu des voies d'exécution engagées à son encontre par l'acquéreur pour obtenir la restitution du prix de vente ;

- les meubles meublants vendus pour la somme de 15 000 euros ont perdu toute valeur vénale compte tenu de leur vétusté ;

- il a engagé de nombreux frais de procédure devant les juridictions judiciaires et établit qu'ils s'élèvent à environ 10 000 euros ;

- il a subi en outre divers préjudices financiers, d'un montant global et forfaitaire de 25 000 euros ;

- il a subi un préjudice moral important évalué à la somme de 70 000 euros ;

- la conclusion de la vente devant notaire avait fait naître une espérance légitime pour lui de disposer librement des sommes perçues ;

- la prescription quadriennale ne saurait lui être opposée ;

- il existe un lien de causalité entre le renseignement erroné fourni par l'administration et l'annulation de la vente ;

- il n'a pas commis de faute de nature à exonérer l'administration.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 mai 2016 et le 21 novembre 2016, la commune de Graveson conclut au rejet de la requête et à titre incident demande la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée au versement de la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice lié aux procédures judiciaires ; elle demande en outre de mettre à la charge du requérant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que:

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la créance invoquée est atteinte par la prescription quadriennale ;

- il n'existe pas de lien de causalité directe entre l'annulation de la vente et le renseignement erroné fourni ;

- M. C... a adopté une attitude fautive de nature à l'exonérer de sa responsabilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gougot,

- les conclusions de Mme Giocanti,

- et les observations de Me A..., représentant M. C..., et de Me D..., représentant la commune de Graveson.

1. Considérant que M. C... interjette appel du jugement du 4 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a seulement fait droit partiellement à sa demande indemnitaire en lui accordant une somme de 2 500 euros au titre du préjudice subi du chef des procédures judiciaires ayant conduit à l'annulation de la vente de son bien immobilier suite à la délivrance d'une note de renseignements erronée par les services d'urbanisme le 14 mars 2006 et a rejeté le surplus de sa demande tendant au versement d'une somme de 293 000 euros en réparation de divers préjudices ; que la commune de Graveson, par la voie de l'appel incident, demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée au versement de la somme de 2 500 euros ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que la délivrance par les services d'une commune de renseignements d'urbanisme inexacts ou incomplets, qui notamment omettraient l'existence d'une circonstance de nature à compromettre les conditions de vente d'un bien immobilier, est susceptible de constituer une faute de service et d'engager à ce titre la responsabilité de la collectivité en raison des préjudices directement imputables à cette faute ;

3. Considérant que par acte authentique du 24 mai 2006 M. C... a vendu à M. E... une maison à usage d'habitation dénommée " Mas Emery " avec dépendances et une parcelle de terrain attenante, située quartier Sagnon, sur le territoire de la commune de Graveson ; que suite au compromis de vente signé le 22 février 2016, sur sollicitation du notaire en charge de cette vente, le maire de la commune a délivré le 14 mars 2006 une note de renseignements selon laquelle le bien immobilier objet de la vente n'était pas inclus dans une zone d'aménagement différé (ZAD) soumise à droit de préemption ; que toutefois, ce renseignement s'est révélé erroné dès lors que la voie d'accès à ce bien immobilier était incluse dans une ZAD instaurée par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 6 avril 1999 ; que la commune a par suite commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. C... ;

Sur les préjudices :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par jugement du tribunal de grande instance de Tarascon du 14 janvier 2010, confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 10 juin 2011 devenu définitif, la vente conclue le 24 mai 2006 a été annulée et les parties remises en l'état antérieur sur le fondement de l'erreur substantielle de l'acquéreur sur le bien, contemporaine à la vente, compte tenu de sa situation juridique et environnementale, dès lors d'une part que ce bien se situait pour partie dans une ZAD soumise à droit de préemption en vertu de l'arrêté précité du 6 avril 1999 et, d'autre part, que par délibération du 24 mars 2006, la communauté de communes " Rhône-Alpilles-Durance " avait décidé de créer une zone d'aménagement concerté (ZAC) dite ZAC du Sagnon sur la partie de la ZAD couvrant notamment le fonds litigieux ; que toutefois M. C... ne justifie pas de la réalité des préjudices qu'il soutient avoir subis du fait des procédures engagées à son encontre pour l'annulation de la vente devant le juge judiciaire ; que notamment, il ne justifie pas s'être acquitté de la somme de 2 500 euros mise à sa charge par le juge judiciaire sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; qu'il ressort au contraire des pièces du dossier que cette somme figure sur des commandements de payer émis à son encontre le 5 octobre 2012 et le 12 mai 2015 ; que par suite, la commune de Graveson est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser la somme de 2 500 euros à M. C... au titre du préjudice lié aux procédures judiciaires ayant conduit à l'annulation de la vente de son bien ; que M. C... ne justifie pas davantage s'être acquitté des sommes mises à sa charge par un état de frais du 26 septembre 2011 correspondant aux dépens de l'instance précitée engagée devant la cour d'appel ni d'autres frais engagés pour sa défense ; que par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ne lui ont pas accordé la somme de 10 000 euros qu'il réclamait au titre des diverses dépenses générées par les instances judiciaires ayant conduit à l'annulation de la vente de son bien ;

5. Considérant que le requérant n'établit pas non plus la réalité de la perte de valeur vénale des biens mobiliers pour un montant de 15 000 euros qui étaient inclus dans la vente précitée et auraient été laissés en l'état d'abandon durant la procédure judiciaire, ainsi que des frais de procédure et des préjudices financiers divers liés à cette instance judiciaire, chiffrés à la somme de 25 000 euros ; qu'il en est de même des intérêts dus et des frais divers notamment de poursuite, chiffrés par M. C... à 58 000 euros, qui, liés à l'impossibilité pour l'intéressé d'apurer son passif, ne sauraient être imputés à la faute de la commune ;

6. Considérant que la perte de valeur vénale du bien immobilier " Le Mas d'Emery " ne résulte pas de la faute de la commune mais de l'inclusion de ce bien dans une ZAD puis une ZAC au demeurant créée postérieurement à la note de renseignement erronée ; que l'incapacité de M. C... à restituer le prix de la vente annulée ne saurait être directement imputable à la faute de l'administration alors que l'intéressé avait toujours la faculté de mettre en vente le bien en litige, lequel a d'ailleurs été récemment vendu ; que si M. C... justifie avoir acquis comptant le 30 mai 2006 un nouveau bien immobilier, il ne peut valablement se prévaloir d'un acte de donation de nue-propriété consenti par son ex-épouse à leurs enfants le 21 mars 2012 pour soutenir qu'il n'avait plus la possibilité de disposer des fonds ainsi placés et invoquer un préjudice tiré de l'impossibilité de restituer le prix de la vente annulée ; que par ailleurs les frais qu'il aurait engagés pour réaliser des travaux avant la vente de son bien, dont la réalité n'est au demeurant pas démontrée par la production de devis, d'une facture émise à une date où le requérant n'était pas propriétaire de l'immeuble et d'un procès-verbal d'huissier établi dans le cadre de la présente instance, ne sont pas directement imputables à la faute de l'administration alors notamment qu'il n'est pas justifié que les travaux réalisés l'auraient été en pure perte ; que si M. C... soutient qu'il a perdu une espérance légitime de percevoir la somme pour laquelle il avait conclu un acte de vente authentique le 24 mai 2006, il n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

7. Considérant enfin que le requérant n'établit pas l'existence d'un préjudice moral, chiffré à 70 000 euros, qui serait en lien direct avec la faute de la commune, en se bornant à faire état d'une attestation de son ex-épouse selon laquelle leur divorce prononcé le 11 janvier 2013 serait lié à la procédure judiciaire sus-évoquée ; que la preuve de la réalité de l'état de détresse psychologique dont il se prévaut n'est par ailleurs pas apportée par la seule production d'un certificat médical établi dans le cadre de la présente instance, très peu circonstancié, qui se borne à reprendre ses dires ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête et sur la prescription quadriennale, ni de surseoir à statuer ou de désigner un expert afin d'évaluer les préjudices invoqués, M. C...n'est pas fondé à demander la condamnation de la commune de Graveson à lui verser une indemnité de 309 717 euros ; que cette dernière est en revanche fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser à M. C... une somme de 2 500 euros au titre du préjudice lié aux procédures engagées à son encontre devant le juge judiciaire pour l'annulation de la vente ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. C... dirigées contre la commune de Graveson qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros, à verser à la commune de Graveson en application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande de première instance et la requête de M. C... sont rejetées.

Article 3 : M. C... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Graveson sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C...et à la commune de Graveson.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Josset, présidente assesseure,

- Mme Gougot, première conseillère.

Lu en audience publique, le 23 mars 2017.

2

N° 15MA02891


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA02891
Date de la décision : 23/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Isabelle GOUGOT
Rapporteur public ?: Mme GIOCANTI
Avocat(s) : CABINET JEAN DEBEAURAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-03-23;15ma02891 ?
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