Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 19 mai 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1506377 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 avril 2016, M. E..., représenté par Me D...F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 novembre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 mai 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour avec autorisation de travailler dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les dépens, la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- elle a été prise en violation de l'article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La demande d'aide juridictionnelle de M. E... a été rejetée par une décision du 29 février 2016 dont le recours a été rejeté le 10 juin 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massé-Degois a été entendu au cours de l'audience publique :
1. Considérant que M. E..., de nationalité comorienne, relève appel du jugement du 10 novembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 mai 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant (...) " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E... est le père d'une enfant née le 27 août 2014 de sa relation avec Mme AliMadi, ressortissante française ; qu'il a reconnue sa fille le 26 mars 2014 ; qu'il ressort des attestations versées au dossier, non contestées par le préfet des Bouches-du-Rhône, dont celle de Mme Ali Madiqui fait état de leur vie commune depuis le 12 novembre 2014 corroborée par une attestation des services d'EDF du 28 novembre 2014 certifiant, qu'à cette date, les intéressés étaient titulaires d'un contrat pour leur logement à Marseille à une adresse qui correspond à celle déclarée tant à l'administration fiscale qu'à la caisse des allocations familiales des Bouches-du-Rhône, que M. E..., sa compagne, le fils aîné de celle-ci et leur fille résident à la même adresse à Marseille depuis le mois de novembre 2014 ; que l'attestation du gynécologue-obstétricien qui a assuré le suivi de la grossesse de Mme Ali Madicertifie que M. E... s'est rendu avec sa compagne aux consultations prénatales en mars 2014 ; que l'attestation du service de la protection maternelle et infantile des Bouches-du-Rhône certifie que M. E... a accompagné sa fille aux consultations pédiatriques notamment les 8 et 29 septembre 2014, le 13 octobre 2014, le 5 novembre 2014 et le 26 mars 2015 ; que le titulaire de la pharmacie, située boulevard National à Marseille, atteste que M. E... se rend régulièrement dans son officine pour se voir délivrer les médicaments prescrits à sa fille ; que le directeur de la caisse des allocations familiales des Bouches-du-Rhône a certifié que le couple que M. E... forme avec sa compagne a perçu un montant mensuel de 129,35 euros du mois de novembre 2014 à mai 2015 au titre des allocations familiales ; que, dans ces circonstances, au demeurant non contestées par le préfet, M. E... doit être regardé comme contribuant effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa naissance ; que, par suite, l'arrêté du 19 mai 2015 du préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; qu'il est, dès lors, fondé à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté contesté du 19 mai 2015 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;
6. Considérant que l'annulation, par le présent arrêt, de la décision du 19 mai 2015 du préfet, pour le motif exposé au point 3, implique nécessairement la délivrance à M. E... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer cette carte à M. E... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
7. Considérant que M. E... n'ayant pas obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son conseil ne peut pas se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que ces conclusions doivent, dès lors, être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 novembre 2015 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 mai 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. E... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au préfet des Bouches-du-Rhône, au ministre de l'intérieur et à Me D...F....
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Marseille.
Délibéré après l'audience du 24 février 2017, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Massé-Degois, première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 mars 2017.
2
N° 16MA01535