Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... A...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1303231 du 2 avril 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 1er juin 2015 et le 11 août 2016, M. et Mme A..., représentés par Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 avril 2015 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur ont été assignées au titre des années 2008, 2009 et 2010 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur demande en décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales est recevable ;
- la procédure de saisie des carnets de recettes ayant servi à asseoir les rectifications en litige a été annulée par le juge pénal ;
- les pièces saisies n'ont pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire ;
- la SARL Cogit et l'EURL Malise ont été déchargées de l'ensemble des rappels d'impôt sur les sociétés qui ont été regardés comme des revenus distribués au profit de Mme A... ;
- une partie des revenus provenant de la SARL Cogit, qui concernait la période allant du 1er avril 2007 au 31 octobre 2007, ne pouvait être imposée au titre de l'année 2008 ;
- le principe d'indépendance des procédures ne trouve pas à s'appliquer lorsque la vérification de la société a eu une influence comme en l'espèce sur la valeur probante des éléments recueillis quant au montant des recettes dissimulées et à leur appréhension par le contribuable.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions relatives aux contributions sociales sont irrecevables ;
- les moyens présentés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Boyer,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Cogit et l'EURL Malise, qui ont pour associée Mme A... et exploitent chacune un restaurant, ont fait l'objet de vérifications de comptabilité, à l'issue desquelles des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés leur ont été notifiés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 ; que les bénéfices procédant de ces rectifications ont été regardés comme des revenus distribués au profit de Mme A... en application de l'article 109-1-1° du code général des impôts et ont donné lieu, au titre des années 2008 à 2010, à des suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, ainsi qu'à l'établissement de suppléments de contributions sociales ; que M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 2 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui leur ont ainsi été assignées, et des pénalités dont elles ont été assorties ;
Sur la recevabilité des conclusions tendant à la décharge des suppléments de contributions sociales :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A... n'ont pas présenté devant le tribunal administratif de conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contributions sociales mentionnées au point 1 ; que, par suite, ils ne sont pas recevables à le faire pour la première fois en appel ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de débat oral et contradictoire :
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les perquisitions, qui ont été effectuées dans les restaurants exploités par la SARL Cogit et l'EURL Malise et au domicile de M. et Mme A... par le service régional de police judiciaire de Montpellier dans le cadre de poursuites engagées contre la requérante pour abus de biens sociaux et travail dissimulé, ont notamment permis la saisie de carnets de recettes dont la transmission à l'administration fiscale a conduit cette dernière à diligenter à l'égard de la SARL Cogit et de l'EURL Malise les vérifications de comptabilité mentionnées au point 1 ; qu'en raison du principe d'indépendance des procédures de redressement menées à l'encontre de ces sociétés, d'une part, et de leurs associés, d'autre part, M. et Mme A... ne peuvent utilement soutenir que les pièces saisies lors des perquisitions n'auraient pas fait l'objet d'un débat oral et contradictoire ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'abandon des impositions mises à la charge de la SARL Cogit et de l'EURL Malise :
4. Considérant qu'il est constant que les suppléments d'impôt sur les sociétés auxquelles avaient été assujetties la SARL Cogit et de l'Eurl Malise ont fait l'objet d'une décharge totale par jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 novembre 2014 en ce qui concerne la première société, et d'une décision de dégrèvement du 8 janvier 2015 en ce qui concerne la seconde ; que, toutefois, il ressort des motifs du jugement du 20 novembre 2014 que la décharge qu'il a prononcée résulte d'un vice de procédure ; que le ministre fait valoir sans être contredit que le dégrèvement prononcé en faveur de l'EURL Malise a également été prononcé en raison d'une irrégularité de procédure ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, l'abandon des impositions mises à la charge des deux sociétés à la suite de la réintégration dans leurs résultats de recettes omises, alors même que l'administration fiscale a imposé les sommes ainsi réintégrées entre les mains de Mme A... en tant que revenus réputés distribués par application du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, n'a pas pour effet d'entraîner la décharge par voie de conséquence des suppléments d'impôt sur le revenu assignés aux requérants ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur affectant l'imposition établie au titre de l'année 2008 :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente selon des modalités fixées par décret en conseil d'Etat. " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'article 109-1-1° du code général des impôts que le bénéfice réputé distribué est celui qui a été réalisé à la clôture de l'exercice ; que le premier exercice comptable vérifié de la SARL Cogit s'est étendu du 1er avril 2007 au 31 octobre 2008 ; que, dès lors, M. et Mme A... ne sont pas fondés à faire valoir qu'ils ne pouvaient être imposés au titre de l'année 2008 pour des revenus distribués par cette société entre le 1er avril 2007 et le 31 décembre 2007 ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'annulation d'actes de la procédure pénale :
7. Considérant que, eu égard aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, l'administration ne peut se prévaloir, pour établir l'imposition, de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ; que M. et Mme A... font valoir que, par jugement du 8 avril 2013, le tribunal correctionnel de Béziers a prononcé l'annulation des perquisitions dont ont fait l'objet les restaurants exploités par la SARL Cogit et l'EURL Malise, ainsi que des saisies opérées dans ce cadre, notamment la saisie des carnets de recettes mentionnée au point 4 ;
S'agissant des distributions provenant de la SARL Cogit :
8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de la proposition de rectification du 24 juin 2011 relative à la vérification de comptabilité de la SARL Cogit, que le vérificateur a, en premier lieu, rejeté la comptabilité comme dénuée de valeur probante à raison des lacunes que présentaient les documents comptables qui lui ont été présentés dans le cadre du contrôle effectué au siège de l'entreprise ; qu'il a relevé l'absence de comptabilisation de certains achats, mise en évidence par recoupement avec les factures obtenues des fournisseurs dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, l'absence de présentation des bandes de contrôle de la caisse enregistreuse et des doubles des notes clients pour les ventes du restaurant et les ventes à emporter, et des anomalies sur les tickets Z ne permettant pas d'exercer un contrôle des recettes ; qu'il a, en second lieu, procédé à la reconstitution des recettes par application de la méthode dite " des vins " qui consiste à établir, à partir des achats revendus de vins au cours des exercices vérifiés et des prix pratiqués, les recettes des vins, puis de calculer la proportion de ces recettes par rapport aux recettes totales afin d'obtenir un coefficient permettant de déterminer le chiffre d'affaires du restaurant ; que s'il a effectivement opéré une seconde reconstitution à partir des documents saisis dans le cadre de la procédure pénale annulée par le jugement du tribunal correctionnel de Béziers du 8 avril 2013, il n'en a tiré au titre des exercices clos en 2008 et 2009 qu'un ajustement du montant des recettes omises, retenues respectivement à hauteur de 105 980 euros et 67 365 euros, alors que la méthode des vins aboutissait aux montants de 114 111 euros et 79 450 euros ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre d'une utilisation de documents irrégulièrement saisis qui leur a été favorable ; qu'en revanche, il résulte de la proposition de rectification du 24 juin 2011 qu'au titre de l'exercice clos en 2010, le vérificateur a retenu un montant de recettes omises de 44 589 euros, supérieur à celui de 23 873 euros résultant de la méthode des vins et calculé à partir du montant des achats et d'un coefficient de marge de 3,43 déterminé à partir des montants de recettes pour 2008 et 2009 inscrits dans les carnets irrégulièrement saisi par l'autorité judiciaire ; que le montant de 44 589 euros ne pouvait donc être substitué à celui de 23 873 euros ; qu'il y a lieu de retenir ce dernier montant dans la mesure où la méthode des vins d'où il est issu n'est pas contestée ; qu'il convient toutefois de le ramener à 14 323 euros, pour tenir compte de la circonstance que Mme A... ne détenait plus en 2010 que 60 % des parts sociales de la société Cogit ; que, par suite, M. et Mme A... sont fondés à demander la réduction de la base de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2010 à concurrence d'un montant correspondant à la différence entre 60 % de la somme de 44 589 euros, retenue à tort par l'administration, et la somme de 14 323 euros, soit 12 430 euros ;
S'agissant des distributions provenant de l'EURL Malise :
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 11 juillet 2011 relative à la vérification de comptabilité de l'EURL Malise, que, le vérificateur a, en premier lieu, rejeté la comptabilité comme dénuée de valeur probante en se fondant sur une absence de présentation de la totalité des bandes de contrôle de caisse et de tickets Z journaliers, sur des discordances en ce qui concerne les moules et les vins entre les tickets Z et les factures d'achats, et sur une absence de comptabilisation de certaines factures fournisseurs ; que ces éléments, qui ont été observés à partir des documents comptables remis par la société au cours du contrôle et des factures de fournisseurs obtenues dans le cadre de l'exercice du droit de communication, étaient suffisants pour justifier le rejet de la comptabilité, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le vérificateur a également relevé une discordance entre les recettes déclarées et celles portées sur le cahier transmis par l'autorité judiciaire, dont la saisie a été déclarée irrégulière par le juge pénal ; que le vérificateur a, en second lieu, reconstitué les recettes selon la méthode des vins pour l'exercice clos en 2010, qu'il en a déduit un coefficient de marge sur les vins qui lui a permis par extrapolation de reconstituer les recettes des deux exercices précédents ; que, par suite, et dès lors qu'il a fondé la reconstitution exclusivement sur les éléments recueillis lors du contrôle sur place, notamment par dépouillement des tickets Z journaliers et dans le cadre du droit de communication exercé par le service à l'égard des fournisseurs, le vérificateur a valablement établi les rectifications en cause ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... sont seulement fondés à obtenir la réduction de la base de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2010 à hauteur de 12 430 euros, et la décharge des droits correspondant à cette réduction, ainsi que des pénalités y afférentes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A... de la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La base de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. et Mme A... au titre de l'année 2010 est réduite de 12 430 euros.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des droits et pénalités correspondant à cette réduction.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... A...et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 28 février 2017, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
-.Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2017.
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N° 15MA02195
mtr