Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... B...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler le certificat d'urbanisme en date du 30 avril 2013 par lequel le sous-préfet d'Alès a déclaré non réalisable leur projet de construction d'une maison d'habitation sur le terrain leur appartenant à Soustelle et, d'autre part, de condamner solidairement l'Etat et la commune de Soustelle à leur verser une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par un jugement n° 1301942 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 mars 2015, M. et Mme B..., représentés par la SCP d'avocats Fontaine et Floutier, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 février 2015 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler le certificat d'urbanisme du 30 avril 2013 du sous-préfet d'Alès ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de leur délivrer un certificat d'urbanisme autorisant leur projet ;
4°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'absence de notification de la décision en litige dans le délai de deux mois a fait naître en application de l'article R. 410-12 du code de l'urbanisme, un certificat d'urbanisme tacite ;
- cet acte individuel créateur de droit ne peut pas être retiré par un certificat exprès négatif ultérieur ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle ne comporte pas toutes les mentions requises et notamment celles imposées par l'article R. 410-15 du code de l'urbanisme ;
- le terrain d'assiette du projet est situé dans une partie actuellement urbanisée de la commune au sens de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme ;
- le projet se situe en continuité avec le hameau existant dans le respect de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme ;
- la réalisation d'une maison neuve dans ce secteur de la commune de Soustelle ne porte pas atteinte au type d'habitat déjà existant ;
- la décision en litige créé une rupture d'égalité entre les habitants de la commune et méconnaît leur droit de propriété ;
- ce certificat négatif est à l'origine d'un préjudice du fait du retard engendré dans la mise en oeuvre de leur projet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2016, la ministre du logement et de l'habitat durable conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
1. Considérant que Mme B... a déposé le 29 mai 2012 auprès du maire de la commune de Soustelle, qui n'est pas dotée d'un document d'urbanisme opposable aux tiers, une demande de certificat d'urbanisme pour la réalisation d'une maison d'habitation sur un terrain cadastré n° 358 situé au lieu-dit " les Olivettes " lui appartenant ; que le maire de la commune de Soustelle a donné un avis favorable à ce projet ; que, par le certificat d'urbanisme en litige délivré le 30 avril 2013, le sous-préfet d'Alès a déclaré que ce projet n'était pas réalisable ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande des époux B...tendant à l'annulation de cette décision et à l'indemnisation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait de l'illégalité de cette décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments des requérants, et notamment à ceux tirés de l'intégration du projet au paysage urbain et de l'avis favorable de la commune à ce projet, a répondu au moyen tiré de ce que le projet se situerait en continuité avec le hameau existant au sens de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme ; qu'en se bornant à soutenir de manière générale que leur demande n'a pas fait l'objet d'un examen particulier par les premiers juges, les requérants n'établissent pas que le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement contesté doit être écarté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain/ ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. /Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique/Lorsque le projet est soumis à avis ou accord d'un service de l'Etat, les certificats d'urbanisme le mentionnent expressément. Il en est de même lorsqu'un sursis à statuer serait opposable à une déclaration préalable ou à une demande de permis./Le certificat d'urbanisme est délivré dans les formes, conditions et délais déterminés par décret en Conseil d'Etat par l'autorité compétente mentionnée au a et au b de l'article L. 422-1 du présent code. " ; que l'article R. 410-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable, prévoit que le délai d'instruction d'une demande de certificat d'urbanisme opérationnel présentée dans le cas prévu au b) de l'article L. 410-1 est de deux mois à compter de la réception en mairie de la demande ; que l'article R. 410-12 du même code prévoit que : " à défaut de notification d'un certificat d'urbanisme dans le délai fixé par les articles R. 410-9 et R. 410-10, le silence gardé par l'autorité compétente vaut délivrance d'un certificat d'urbanisme tacite. Celui-ci a exclusivement les effets prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 410-1, y compris si la demande portait sur les éléments mentionnés au b de cet article. " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées des articles L. 410-1 et R. 410-12 du code de l'urbanisme que le certificat d'urbanisme tacite résultant du silence gardé par l'autorité compétente a pour seul effet de faire obstacle à ce que l'administration, pendant une période de 18 mois à compter de la naissance de ce certificat, puisse invoquer, pour le terrain sur lequel porte ce dernier, des dispositions d'urbanisme, des taxes ou participations d'urbanisme ou des limitations administratives au droit de propriété autres que celles qui existaient à la date de ce certificat, à l'exception des dispositions ayant pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique ; qu'en délivrant, postérieurement à un tel certificat tacite, un certificat se bornant à indiquer que le terrain ne peut être utilisé pour réaliser l'opération envisagée en raison des dispositions d'urbanisme qui lui sont applicables, l'administration, sauf dans l'hypothèse où elle opposerait ainsi des dispositions d'urbanisme entrées en vigueur après la naissance du certificat tacite, ne retire à ce dernier aucun des effets de droit qui lui sont attachés et ne peut, dès lors, être regardée comme procédant à son retrait ; qu'il s'ensuit qu'en indiquant à Mme B..., par un certificat d'urbanisme daté du 30 avril 2013, que l'opération de construction d'une maison qu'elle envisageait de réaliser sur la parcelle cadastrée A 358 qu'elle possède à Soustelle n'était pas réalisable dès lors qu'elle n'était pas réalisée en continuité avec le bourg ou hameau existants en méconnaissance du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, le sous-préfet d'Alès n'a pas procédé, contrairement à ce que soutiennent les requérants, au retrait du certificat d'urbanisme tacite né le 29 juillet 2012 du silence gardé sur la demande que Mme B... avait présentée le 29 mai 2012 sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme ; que par suite, le moyen tiré de l'impossibilité de procéder au retrait allégué du certificat d'urbanisme tacite doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 410-14 du code de l'urbanisme : " Dans les cas prévus au b de l'article L. 410-1, lorsque la décision indique que le terrain ne peut être utilisé pour la réalisation de l'opération mentionnée dans la demande, ou lorsqu'elle est assortie de prescriptions, elle doit être motivée " ; qu'aux termes de l'article R. 410-15 de ce code :" Le certificat d'urbanisme indique si le bien est situé ou non à l'intérieur du périmètre d'un des droits de préemption définis par le code de l'urbanisme." ;
6. Considérant que la décision en litige vise les textes dont il est fait application et notamment les articles L. 410-1 et L. 145-3 III du code de l'urbanisme ; qu'elle se fonde sur le motif tiré de ce que le terrain d'assiette du projet n'est pas situé en continuité avec le groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existants et que la construction projetée constitue une urbanisation qui ne respecte pas les caractéristiques traditionnelles de l'urbanisation en zone de montagne cévenole ; qu'ainsi, la décision contestée, qui énonce les considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée ; que la circonstance que le certificat en litige ne précise pas si le bien est situé ou non à l'intérieur du périmètre d'un des droits de préemption définis par le code de l'urbanisme est sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation formelle de la décision en litige ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de ce certificat a été écarté à bon droit par les premiers juges ;
7. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, applicables dans les communes qui ne sont pas dotées d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, limitent le droit de construire en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune aux cas limitativement énumérés à cet article ; qu'en vertu des dispositions du III de l'article L. 145-3 du même code, applicable aux communes classées en zone de montagne, ne sont de même autorisées que les opérations qui s'y trouvent énoncées, et notamment celles prévues par le c) de ce III aux termes duquel : " Dans les communes ou parties de commune qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou une carte communale, des constructions qui ne sont pas situées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants peuvent être autorisées, dans les conditions définies au 4° de l'article L. 111-1-2, si la commune ne subit pas de pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires et si la dérogation envisagée est compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II. " ; que ces dispositions régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l'application de la règle de constructibilité limitée, qu'elles soient ou non dotées de plan d'urbanisme, à l'exclusion des dispositions prévues à l'article L. 111-1-2 régissant la situation des communes non dotées d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ; qu'il est constant que la commune de Soustelle est une commune classée en zone de montagne ; que, par suite, les requérants ne peuvent pas utilement invoquer les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme pour se voir délivrer un certificat d'urbanisme déclarant réalisable leur projet de construction d'une maison d'habitation ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme applicable en zone de montagne : "Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants./Lorsque la commune est dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, ce document peut délimiter les hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels il prévoit une extension de l'urbanisation, en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l'habitat, les constructions implantées et l'existence de voies et réseaux./Lorsque la commune n'est pas dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, les notions de hameaux et de groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants doivent être interprétées en prenant en compte les critères mentionnés à l'alinéa précédent." ; que par groupe " de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " au sens des dispositions précitées du code de l'urbanisme, il convient d'entendre un groupe de plusieurs bâtiments qui, bien que ne constituant pas un hameau, se perçoivent, compte tenu de leur implantation les uns par rapport aux autres, notamment de la distance qui les sépare, de leurs caractéristiques et de la configuration particulière des lieux, comme appartenant à un même ensemble ; que pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions déjà présentes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des photographies aériennes produites par les parties, que le terrain d'assiette est un espace naturel boisé vierge de toute construction ; qu'il est bordé au sud et à l'ouest par un vaste espace naturel boisé sans aucun bâti ; qu'il est séparé au nord de la plus proche parcelle bâtie par une parcelle non bâtie ; que, s'il existe à l'est un groupe de constructions composé d'une dizaine d'habitations au sens de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme, le terrain d'assiette du projet en est séparé par une parcelle non bâtie ; que ce terrain est, en outre, éloigné du centre du village et en est séparé par des espaces naturels dépourvus de construction ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la construction projetée ne s'inscrit ni en continuité avec un bourg, village ou hameaux existants ni en continuité avec un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ; que, par suite, le préfet a pu légalement estimer que le projet n'était pas réalisable au motif qu'il méconnaissait l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme ;
10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'eu égard à ce qui a été dit au point 9, la circonstance que des certificats d'urbanisme positifs et des permis de construire ont pu être antérieurement délivrés dans le même secteur de la commune est sans incidence sur la légalité de cette décision ; que cette même circonstance est sans incidence sur le droit de propriété des requérants ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande d'annulation du certificat d'urbanisme du 30 avril 2013 ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'enjoindre au préfet du Gard de leur délivrer un certificat déclarant réalisable leur projet et leurs conclusions indemnitaires doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, une quelconque somme à verser aux époux B...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B...et à la ministre du logement et de l'habitat durable.
Copie pour information en sera adressée au préfet du Gard et à la commune de Soustelle.
Délibéré après l'audience du 24 février 2017, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 mars 2017.
2
N° 15MA01327