Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du ministre de l'intérieur refusant de prendre un arrêté aux fins de reconstitution de sa carrière avec rappel de salaires, d'enjoindre au ministre de retirer de son dossier administratif la sanction infligée, de condamner l'Etat au paiement des sommes de 31 274,16 euros et 85 000 euros au titre, respectivement, d'un préjudice matériel et d'un préjudice moral, et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement rendu le 11 juin 2015 sous le n° 1300978, le tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à verser à M. A...la somme de 12 000 euros au titre de son préjudice matériel ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral, et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 août 2015, 8 décembre 2015 et 12 mai 2016, M.A..., représenté par MeD..., demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 juin 2015 en tant qu'il a limité l'indemnisation à la somme de 14 000 euros, qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision du ministre de l'intérieur refusant de reconstituer sa carrière, et qu'il a refusé de faire droit à sa demande d'injonction ;
2°) d'enjoindre au ministre de retirer de son dossier personnel la sanction dont il a fait l'objet le 26 mai 2008 ;
3°) de condamner l'Etat au paiement de la somme de 31 274,16 euros en réparation du préjudice matériel et la somme de 85 000 euros au titre du préjudice moral ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à compter de son affectation à Toulon le 1er août 2008, il a été privé de l'avancement dont il devait bénéficier au regard de son ancienneté et de ses qualifications mais également, d'une affectation outre-mer avec son épouse ;
- il n'est pas établi que la sanction annulée a été retirée de son dossier individuel ;
- il a subi un préjudice matériel évalué à 31 274,16 euros, compte tenu des frais qu'il
a dû engager pour se rendre de son domicile à son lieu de travail entre l'année 2008 et
l'année 2012 ;
- il a également subi un préjudice moral qu'il évalue à 85 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'elle n'est pas fondée.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le décret n° 2005-1622 du 22 décembre 2005 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutel,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me B...substituant MeD..., représentant M.A....
1. Considérant que M.A..., brigadier-chef au sein de la police nationale, a été muté d'office à titre disciplinaire, par une décision du 26 mai 2008 annulée par un arrêt du 28 juin 2012 de la cour administrative d'appel de Marseille ; qu'en exécution de cet arrêt, le ministre de l'intérieur, par décision du 18 septembre 2012, a réaffecté M. A...sur un poste de la direction départementale de la police aux frontières des Alpes-Maritimes (DDPAF) à Nice, et prévu que la reconstitution de sa carrière interviendrait ultérieurement ; qu'aucune décision en ce sens n'étant toutefois intervenue depuis lors, M. A...a saisi le 19 avril 2013 le tribunal administratif de Toulon d'une demande d'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé, le 9 mars 2014, de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du 1er janvier 2008 ; que cette demande a été rejetée par jugement du 11 juin 2015, dont M. A...interjette appel ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre portant refus de reconstitution de la carrière de M.A... ;
2. Considérant que l'annulation d'une sanction disciplinaire telle que la mutation d'office d'un fonctionnaire n'a en principe aucune incidence sur la carrière de ce dernier ; que, par son arrêt du 28 juin 2012, la cour administrative d'appel de Marseille n'a adressé à l'administration aucune injonction de procéder à la reconstitution de carrière de M.A... ; que, dans ces conditions, si le ministre de l'intérieur a indiqué le 18 septembre 2012 son intention de prendre une telle mesure, le refus implicite qu'il a ensuite opposé à la demande de reconstitution de sa carrière que lui a présentée par la suite M. A...n'est entaché d'aucune illégalité ;
3. Considérant, en tout état de cause, que si, par cette demande adressée au ministre de l'intérieur, M. A...a entendu en réalité contester les refus de cette autorité de lui accorder l'échelon exceptionnel de son grade, de l'inscrire au tableau d'avancement au grade de major de police pour l'année 2008 puis pour les années ultérieures, et de le nommer sur l'emploi fonctionnel de responsable d'unité locale de police, il y a lieu d'écarter ses conclusions dirigées contre ces décisions de refus par adoption des motifs retenus par les premiers juges qui ont estimé à juste titre que M. A...n'établissait pas la réalité d'un lien de causalité direct et certain entre ces décisions et l'illégalité de la sanction du 26 mai 2008, et ne démontrait pas davantage que ces décisions seraient entachées d'erreur de fait, d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation de sa valeur professionnelle ;
4. Considérant, en troisième lieu, que si M. A...allègue avoir été privé de la possibilité de bénéficier d'une mutation en Guadeloupe, il n'établit pas, par la pièce qu'il produit mentionnant qu'il avait, avec son épouse, été retenu dans le " vivier PAF " pour Saint-Martin en octobre 2007, qu'une mutation était certaine, qu'elle aurait été remise en cause à la suite de la sanction litigieuse et qu'une quelconque décision de refus de mutation lui aurait été formellement opposée ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions dirigées contre le refus du ministre de l'intérieur de procéder à la reconstitution de sa carrière à compter du
1er janvier 2008, en exécution de l'annulation par le juge administratif de la sanction du
26 mai 2008 dont il a fait l'objet ;
Sur les conclusions à fin d'indemnisation de ses préjudices matériel et moral :
En ce qui concerne le préjudice matériel :
6. Considérant que la sanction du 26 mai 2008 ayant été annulée au fond par la Cour, l'illégalité fautive dont elle est entachée engage la responsabilité de l'Etat pour tous les préjudices qui présentent un lien de causalité direct et certain avec elle ;
7. Considérant, à cet égard, que la nomination d'office de M. A...sur un poste situé à 134 kilomètres de son domicile a nécessairement causé à ce dernier un préjudice matériel lié au coût du transport automobile et du stationnement de son véhicule à raison de deux matinées et de deux après midis par semaine durant quatre ans, que l'intéressé évalue à la somme de 31 274,16 euros ; que, cependant, M. A... n'apporte aucune contradiction sérieuse à l'allégation du ministre selon laquelle il n'aurait été présent que 274 jours sur son lieu de travail à la circonscription de la sécurité publique de Toulon entre le 1er août 2008 et le 5 octobre 2012 ; que, dès lors, compte tenu du nombre de trajets effectués par l'intéressé sur la période en cause, et en déduisant de leur coût celui des trajets que le requérant aurait dû normalement supporter pour se rendre de son domicile à son ancien poste à l'aéroport de Nice, il sera fait une juste appréciation du préjudice matériel subi à ce titre par l'intéressé en l'évaluant, ainsi que l'ont fait les premiers juges, à la somme de 12 000 euros ;
En ce qui concerne le préjudice moral :
8. Considérant que M. A...soutient que la sanction du 26 mai 2008 a eu un fort retentissement sur sa vie familiale et sur sa santé et se plaint d'avoir été traité de manière discriminatoire dans ses demandes de formation et de changement d'affectation ; que, toutefois, alors notamment qu'il n'établit pas la réalité d'une incidence de cette sanction sur le sort réservé à ses demandes de formation et de changement d'affectation, il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en l'évaluant, ainsi que l'ont également fait les premiers juges, à la somme de 2 000 euros ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que, par le jugement du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Toulon a fait une insuffisante appréciation de ses préjudices matériel et moral en lui allouant à ces titres la somme globale de 14 000 euros ;
Sur les conclusions présentées à fin d'injonction :
10. Considérant en quatrième lieu qu'il ressort de la fiche synthétique du dossier personnel de M. A...qu'aucune sanction disciplinaire n'y figure ; qu'à cet égard, la circonstance que le certificat administratif ayant procédé au retrait de ladite sanction n'a pas été adressé à M. A...est sans incidence sur la réalité de ce retrait ; qu'ainsi, il n'y a, en tout état de cause, pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de retirer cette sanction ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2017, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Renouf, président assesseur,
- M. Coutel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2017.
N° 15MA03310