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28/02/2017 | FRANCE | N°15MA01676

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 28 février 2017, 15MA01676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Auto-Route 66 Import a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mai 2009 au 31 août 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1302673 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2

015, la SARL Auto-Route 66 Import, agissant par Me B..., mandataire judiciaire, et représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Auto-Route 66 Import a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er mai 2009 au 31 août 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1302673 du 2 juin 2015, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 juin 2015, la SARL Auto-Route 66 Import, agissant par Me B..., mandataire judiciaire, et représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 2 juin 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- au regard des mentions portées sur les factures, elle a pu estimer qu'elle entrait dans le champ d'application du I de l'article 297 A du code général des impôts, et qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait été impliquée dans un schéma frauduleux ;

- le véhicule n° 63 ayant été soumis à la taxe sur la valeur ajoutée sur le prix de revente total, l'administration ne pouvait procéder à un rappel au motif que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne trouvait pas à s'appliquer ;

- elle s'est conformée aux règles relatives à la facturation, précisées par l'instruction administrative du 17 février 1995 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3 K-1-95 ;

- elle peut se prévaloir de la prise de position formelle de l'administration sur sa situation, telle qu'elle a été exposée dans un courrier du 3 janvier 2008 ;

- l'application de l'amende prévue par le 4 de l'article 1788 A du code général des impôts n'est par voie de conséquence pas fondée ;

- l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée ;

- le principe " non bis in idem " ainsi que le principe de présomption d'innocence sont méconnus, dès lors que son gérant, poursuivi pour fraude fiscale, a été relaxé.

Par un mémoire en défense enregistré le 6 novembre 2015, le ministre de finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Auto-Route 66 Import ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chevalier-Aubert,

- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.

1. Considérant que la SARL Auto-Route 66 Import, qui a été placée en liquidation judiciaire le 26 février 2014 et avait pour activité le négoce de véhicules automobiles d'occasion, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er mai 2009 au 31 août 2010 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a remis en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge que la société avait appliqué lors de la revente en France de véhicules acquis auprès de fournisseurs établis en Espagne ; que la SARL Auto-Route 66 Import relève appel du jugement en date du 2 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont ainsi été assignés, et de l'amende de 5 % qui lui a été infligée sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que le 18 mars 2014, antérieurement à l'introduction de la requête, l'administration a, en application du I de l'article 1756 du code général des impôts, prononcé la remise des intérêts de retard dont les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont été assortis, ainsi que l'amende prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts, pour un montant total de 20 602 euros ; que les conclusions de la requête relatives à ces intérêts et à cette amende ne sont, dès lors, pas recevables ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

3. Considérant qu'aux termes du 1° du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises " ; qu'aux termes du 2° bis du I de cet article 256 bis, dans sa rédaction alors applicable : " Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à. 341 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 " ; qu'aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat (...) " ; qu'aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur, situé dans un autre Etat membre, qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions de l'article 297 E dudit code, et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration peut toutefois remettre en cause l'application de ce régime lorsque l'entreprise française ne pouvait ignorer la circonstance que son fournisseur n'avait pas la qualité d'assujetti revendeur et n'était pas autorisé à appliquer lui-même le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 26 bis de la directive du 17 mai 1977 désormais repris à l'article 113 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 ;

5. Considérant que lorsqu'une entreprise produit des factures émanant de ses fournisseurs qui mentionnent que les ventes de véhicules s'effectuaient sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge mentionné ci-dessus, il incombe à l'administration, si elle s'y croit fondée, de démontrer, d'une part, que les mentions portées sur ces factures sont erronées, et d'autre part, que le bénéficiaire de ces achats de véhicules savait ou aurait dû savoir que les opérations présentaient le caractère d'acquisitions intracommunautaires taxables sur l'intégralité du prix de revente à ses propres clients, sans que ne pèse sur le contribuable l'obligation de vérifier la qualité d'assujetti revendeur de ses fournisseurs ;

6. Considérant, d'une part, que pour remettre en cause le régime de taxation sur la marge, sous lequel la SARL Auto-Route 66 Import a revendu à des clients français soixante-quatorze véhicules automobiles d'occasion acquis auprès de fournisseurs établis en Espagne, l'administration s'est fondée sur des informations obtenues auprès des autorités espagnoles dans le cadre de la procédure d'assistance administrative internationale ; qu'il est indiqué aux pages 6 et 7 de la proposition de rectification du 12 mars 2012 que les autorités espagnoles ont, par des courriers en date des 27 février et 9 mars 2012, fait savoir que les relevés contenant des factures de ventes émises par l'un des fournisseurs espagnols et les déclarations fiscales souscrites par les autres fournisseurs mentionnent l'application du régime d'acquisition intracommunautaire exonérée ; que le contenu de ces courriers n'est pas sérieusement contredit par la SARL Auto-Route 66 ; qu'ainsi, les véhicules en cause devaient, lors de leur revente, être soumis à la taxe sur l'intégralité de leur prix de cession, et les fournisseurs espagnols de la société requérante n'étaient, dès lors, pas autorisés à appliquer le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et à délivrer à cette dernière des factures faisant référence à ce régime ; que, par suite, le ministre apporte la preuve que les mentions ainsi portées sur les factures délivrées à la SARL Auto-Route 66 Import par les sociétés espagnoles étaient erronées ;

7. Considérant, d'autre part, que l'administration fait valoir, sans être davantage sérieusement démentie, que la SARL Auto-Route 66 Import réalisait elle-même la totalité du circuit de commercialisation des véhicules achetés et revendus, prenant contact avec le client, recherchant le modèle choisi, émettant le bon de commande, fixant le prix, organisant directement le convoyage des véhicules depuis l'Allemagne ou la Belgique ; qu'elle relève aussi que les sociétés espagnoles réalisaient dans la plupart des cas une marge constante dissociée de la valeur des véhicules, alors que la marge appliquée aux particuliers français est nettement supérieure ; qu'elle ajoute que les documents en possession de la société requérante faisaient clairement apparaître que les véhicules étaient immatriculés en Allemagne ou en Belgique au nom de sociétés commerciales de location ou de négoce de véhicules qui avaient, compte-tenu de la législation allemande sur la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux véhicules de tourisme, pu déduire la taxe en qualité de professionnels assujettis ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant que la SARL Auto-Route 66 Import ne pouvait ignorer que le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable ; que la SARL Auto-Route 66 Import ne peut utilement se prévaloir, à cet égard, du jugement rendu par la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Perpignan le 24 avril 2014, prononçant la relaxe de son gérant des fins de la poursuite pour soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt de la société qu'il dirige, qui est relatif à la taxe sur la valeur ajoutée due pour la période du 1er janvier 2008 au 30 avril 2009 ; qu'en tout état de cause ce jugement a été infirmé par la cour d'appel de Montpellier, par un arrêt rendu le 8 septembre 2015 déclarant son gérant coupable des faits reprochés et le condamnant à une peine de six mois d'emprisonnement assortie d'un sursis ;

8. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que l'administration était fondée à remettre en cause l'application par la SARL Auto-Route 66 Import du régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts ;

9. Considérant que le moyen tiré de ce que l'administration aurait rappelé à tort la taxe correspondant au prix de vente d'un véhicule n° 63 acquis auprès du fournisseur belge Carconnex doit être écarté comme manquant en fait, dès lors que le véhicule mentionné sous ce numéro dans l'annexe 1 de la proposition de rectification du 12 mars 2012 n'a pas été vendu par ce fournisseur, mais par la société allemande FS Fahrzeug Service GMBH ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente (...) " ; que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, de l'instruction administrative du 17 février 1995 publiée au bulletin officiel des impôts sous la référence 3 K-1-95, notamment son paragraphe 90, qui ne comporte pas d'interprétation de la loi différente de celle dont il lui est fait application ;

11. Considérant que la SARL Auto-Route 66 Import ne peut davantage invoquer les termes d'un courrier de l'administration fiscale en date du 8 janvier 2008, qui ne constituent pas une prise de position formelle sur l'appréciation d'une situation de fait au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) " ; qu'il incombe à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé de l'application de ces sanctions ;

13. Considérant qu'il suit de ce qui a été dit au point 7 que l'administration fiscale établit que la société Auto-Route 66 Import a, en déclarant relever du régime prévu à l'article 297 A du code général des impôts, en toute connaissance de cause minoré ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée au cours de la période d'imposition en litige ; que la société Auto-Route 66 Import n'est, dès lors, pas fondée à demander la décharge des pénalités qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ; qu'elle ne peut en tout état de cause, comme il est dit au point 7, se prévaloir du jugement du tribunal de grande instance de Perpignan en date du 24 avril 2014 ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Auto-Route 66 Import n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des impositions restant en litige ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Auto-Route 66 Import est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me B..., en qualité de mandataire judiciaire de la SARL Auto-Route 66 Import, et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 7 février 2017 où siégeaient :

- M. Cherrier, président,

- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,

- Mme Boyer, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 février 2017.

2

N° 15MA01676

mtr


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-03 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Options.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. CHERRIER
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. RINGEVAL
Avocat(s) : CIAUDO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 28/02/2017
Date de l'import : 14/03/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15MA01676
Numéro NOR : CETATEXT000034162525 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-02-28;15ma01676 ?
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