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06/01/2017 | FRANCE | N°16MA01481

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 06 janvier 2017, 16MA01481


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté n° 07/2830 du 28 décembre 2007 par lequel le maire de la commune de Cannes a interdit l'usage de la cale de mise à l'eau du port du Mourre Rouge à tout engin nautique à moteur.

Par un jugement n° 0801414 du 29 mars 2011, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté municipal du 28 décembre 2007.

Par un arrêt n° 11MA02186 du 7 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel f

ormé par la commune de Cannes contre ce jugement.

Par une décision n° 377184 du 6 avril 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté n° 07/2830 du 28 décembre 2007 par lequel le maire de la commune de Cannes a interdit l'usage de la cale de mise à l'eau du port du Mourre Rouge à tout engin nautique à moteur.

Par un jugement n° 0801414 du 29 mars 2011, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté municipal du 28 décembre 2007.

Par un arrêt n° 11MA02186 du 7 février 2014, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Cannes contre ce jugement.

Par une décision n° 377184 du 6 avril 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur pourvoi de la commune de Cannes, annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er juin 2011, le 28 novembre 2013, les 20 mai et 22 juin 2016, la commune de Cannes, représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 29 mars 2011 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de rechercher si la mesure était régulière au regard des pouvoirs de police spéciale du maire prévus par l'article L. 302-4 du code des ports maritimes ;

- la mesure de police prise par l'arrêté contesté du 28 décembre 2007 est justifiée par la réalité et la gravité des atteintes à la tranquillité et à la sécurité publiques et par la circonstance qu'aucune mesure moins contraignante n'a permis d'assurer la sécurité dans le port ;

- aucun texte ni aucun principe ne consacre l'obligation pour une commune de mettre à disposition des usagers du service public portuaire une rampe de mise à l'eau pour les véhicules nautiques à moteur au surplus pour une personne qui n'est pas un des contribuables de la commune ;

- d'autres cales publiques de mise à l'eau de véhicules nautiques à moteur existent aux alentours de la commune de Cannes ;

- l'arrêté contesté ne porte pas atteinte à la liberté d'entreprendre dès lors que M. B... n'exerçait pas son activité sur le territoire de la commune de Cannes et qu'il disposait de tous les équipements portuaires à la mise à l'eau de ses jets-skis et scooters des mers sur un des ports de la commune de Cannes et hors de la commune de Cannes ;

- l'arrêté contesté ne porte pas atteinte à la liberté de pratiquer un sport nautique motorisé qui n'est garantie par aucun texte.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 janvier 2013 et les 20 mai et 6 juin 2016, M. B... conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Cannes de la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des ports maritimes ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Massé-Degois,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me D... pour la commune de Cannes.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Cannes, a été enregistrée le 19 décembre 2016.

1. Considérant qu'alors qu'un arrêté municipal n° 0027/05 du 10 janvier 2005 réglementait l'aire publique de carénage du Mourre Rouge et des rampes de mise à l'eau des ports du Mourre Rouge et de la Pointe Croisette en réservant l'usage de la cale de mise à l'eau à la mise à l'eau et à la mise à terre des véhicules nautiques à moteur de faible tirant d'eau et qu'un plan de balisage du littoral de la commune de Cannes en date du 25 juin 2007 réservait des zones à la baignade et délimitait les secteurs interdits et autorisés aux dériveurs, planches à voile et planches nautiques tractées, le maire de la commune de Cannes, par un arrêté n° 07/2830 du 28 décembre 2007 portant modification de l'arrêté municipal du 10 janvier 2005, a interdit l'usage de la cale de mise à l'eau du port du Mourre Rouge à tout engin nautique à moteur en raison " des constats réguliers et systématiques des nuisances sonores ", " des dégradations diverses aux abords de la rampe d'accès du port du Mourre Rouge " et " d'une situation avérée d'insécurité sur ce même site " ; qu'à la demande de M. B..., le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté municipal du 28 décembre 2007 ; que, par une décision du 6 avril 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la présente Cour du 7 février 2014, rejetant l'appel de la commune de Cannes, pour erreur de droit à défaut pour la Cour d'avoir recherché si, comme il était soutenu devant elle, la mesure qu'elle avait qualifiée d'interdiction générale et absolue n'était pas seule de nature à faire cesser les troubles à l'ordre public résultant des risques et nuisances invoqués, et a renvoyé l'affaire à la Cour ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l'Etat dans le département, de la police municipale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : 1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que (...) les bruits (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-3 du code précité : " La police municipale des communes riveraines de la mer s'exerce sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux " ; que l'article L. 302-4 du code des ports maritimes, en vigueur à la date de la décision attaquée dispose que : " Au sens du présent livre, l'autorité portuaire est (...) c) Dans les ports maritimes de commerce, de pêche et de plaisance relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements, l'exécutif de la collectivité territoriale ou du groupement compétent. / L'autorité investie du pouvoir de police portuaire est : (...) d) Dans les autres ports maritimes relevant des collectivités territoriales et de leurs groupements, l'exécutif de la collectivité ou du groupement compétent. " ; qu'aux termes de l'article L. 302-5 du même code, alors en vigueur : " L'autorité portuaire exerce la police de l'exploitation du port, qui comprend notamment l'attribution des postes à quai et l'occupation des terre-pleins. Elle exerce également la police de la conservation du domaine public portuaire. " ; qu'aux termes de l'article L. 302-6 dudit code : " L'autorité investie du pouvoir de police portuaire exerce la police du plan d'eau qui comprend notamment l'organisation des entrées, sorties et mouvements des navires, bateaux ou engins flottants. Elle exerce également la police des marchandises dangereuses. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, et, d'une part, que l'arrêté en litige vise expressément l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, indique que, sur le fondement de ces dispositions, il appartient à l'autorité municipale d'assurer les conditions de l'exploitation de cette aire publique et de ces rampes de mise à l'eau dans le respect des normes de sécurité et d'hygiène et de veiller à la sécurité du public dans les zones considérées et fonde l'interdiction de l'usage de la cale de mise à l'eau du port du Mourre Rouge à tout engin nautique à moteur pour des motifs tirés de nuisances sonores, dégradations diverses et d'une situation avérée d'insécurité ; qu'ainsi c'est à bon droit que les premiers juges, pour annuler l'arrêté du 28 décembre 2007, se sont fondés sur les dispositions précitées des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, habilitant le maire à prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, qui seules fondent l'arrêté contesté ; que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure d'interdiction pourrait trouver sa base légale dans les dispositions des articles L. 302-4 et suivants du code des ports maritimes, alors en vigueur ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la commune de Cannes, le tribunal n'a pas méconnu son office en ne recherchant pas si la mesure d'interdiction en litige pouvait être prise sur le fondement des pouvoirs de police spéciale du maire prévus par ces dispositions alors en vigueur, au demeurant non visés par ledit arrêté ;

4. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'alors que le maire de la commune de Cannes a interdit par l'arrêté du 28 décembre 2007 en litige l'usage de la cale de mise à l'eau du port du Mourre Rouge à tout engin nautique à moteur en raison notamment " des dégradations diverses aux abords de la rampe d'accès du port du Mourre Rouge ", les deux rapports administratifs du régisseur du port rédigés en juillet et en août 2007, postérieurement au plan de balisage adopté au mois de juin 2007, qui se bornent à constater l'utilisation non autorisée des bornes de la zone de carénage pour rincer les scooter de mer, ne permettent pas d'établir les " dégradations diverses " alléguées par la commune aux abords de la rampe de mise à l'eau du port du Mourre Rouge ;

5. Considérant, d'autre part, que si les plaintes de riverains versées au dossier permettent d'établir que des administrés de la commune de Cannes se sont plaints de nuisances sonores engendrées par la présence de motos de mer, ces nuisances présentent toutefois un caractère limité dès lors que les sept plaintes versées au débat rédigées par cinq riverains différents concernent, pour l'une, l'année 2004, pour deux, l'année 2006 et, pour quatre, l'année 2007 dont trois seulement ont été rédigées postérieurement au plan de balisage du littoral de la commune de Cannes adopté le 25 juin 2007 ; qu'enfin, si des incidents mettant en cause des conducteurs de ces engins nautiques sont établis par des rapports administratifs du régisseur du port, il ressort cependant des rapports que ces incidents, limités à deux au cours de la période estivale 2007, sont restés sans graves conséquences ; que si, par ailleurs, un riverain a relaté, dans la plainte qu'il a adressée à la mairie de Cannes le 21 août 2007, avoir été le témoin d'un accident de jet-ski en juillet 2007 en mentionnant qu'un engin nautique s'était " écrasé contre le mur " de sa résidence, ces faits, dont au demeurant la date n'est pas précisée, ne se trouvent corroborés par aucune pièce du dossier ;

6. Considérant qu'ainsi, l'usage de la cale de mise à l'eau par tout engin nautique à moteur sur le port du Mourre Rouge se traduisait seulement, à la date à laquelle l'arrêté municipal du 28 décembre 2007 a été pris, par des nuisances sonores et des désordres sans gravité importante ;

7. Considérant, en troisième lieu, que M. B..., exploitant commercial spécialisé dans la vente et la réparation de matériel nautique motorisé dont le siège social se situe au Cannet, commune limitrophe de celle de Cannes, fait valoir que, pour les besoins de son exploitation commerciale, il utilisait, jusqu'à l'intervention de l'arrêté contesté, la seule rampe de mise à l'eau existante sur le Port du Mourre Rouge installée, au droit du seul chenal de navigation de la commune de Cannes permettant la navigation en véhicule nautique à moteur (VNM) à faible tirant d'eau ; qu'en outre, il ressort de l'examen de l'arrêté du 10 janvier 2005 que la rampe de mise à l'eau du Port Pointe Croisette est interdite aux véhicules nautiques à moteur ; que M. B... affirme, sans être contredit sur ce point, que la cale de mise à l'eau du port du Béal à la Bocca est exploité par la société des aéroports de la Côte d'Azur dont l'accès est réglementé et réservé à ses seuls usagers ; que la commune de Cannes ne peut utilement faire valoir qu'il existe des cales de mise à l'eau sur le territoire de deux communes voisines ; qu'ainsi, à la suite de l'intervention de l'arrêté contesté, il n'existait plus aucune cale de mise à l'eau publique accessible aux véhicules nautiques à moteur sur le territoire de la commune de Cannes ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que l'arrêté contesté édictait une mesure d'interdiction générale et absolue ; que si la commune de Cannes se prévaut de l'inefficacité du plan de balisage adopté le 25 juin 2007 pour justifier l'interdiction totale de l'usage de la cale de mise à l'eau du port du Mourre Rouge à tout engin nautique à moteur, il ne ressort toutefois des pièces du dossier, ni qu'il ne pouvait être remédié aux nuisances sonores et aux désordres sans grande gravité, énoncés au point 5, ni que les objectifs du maire de Cannes tirés de la sécurité et de la tranquillité publiques, ne pouvaient être atteints par des mesures moins contraignantes telles que notamment une réduction des plages horaires d'accès à la cale de mise à l'eau, ou une limitation, par tranche horaire, du nombre des engins nautiques à moteur autorisés à utiliser la rampe d'accès ; que, par suite, l'arrêté du 28 décembre 2007 interdisant l'usage de l'unique cale sur le territoire de la commune de Cannes de mise à l'eau affectée aux véhicules nautiques à moteur à faible tirant d'eau constitue une mesure d'interdiction générale et permanente portant une atteinte à la liberté d'entreprendre qui est disproportionnée au regard des objectifs de tranquillité et de sécurité publiques poursuivis par cet acte ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cannes n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté municipal du 28 décembre 2007 interdisant l'usage de la cale de mise à l'eau du port de Mourre à tout engin nautique à moteur ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. B..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à la commune de Cannes une quelconque somme au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des mêmes dispositions de mettre à la charge de la commune de Cannes la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Cannes est rejetée.

Article 2 : La commune de Cannes versera la somme de 2 000 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cannes et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. Portail, président-assesseur,

- Mme Massé-Degois, première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 janvier 2017.

2

N° 16MA01481


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA01481
Date de la décision : 06/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02-01-02-02 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Police. Questions communes. Obligations de l'autorité de police. Illégalité des mesures excédant celles qui sont nécessaires à la réalisation des buts poursuivis.


Composition du Tribunal
Président : Mme BUCCAFURRI
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SELARL NATHALIE NGUYEN AVOCATS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-01-06;16ma01481 ?
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